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28/04/2016 | FRANCE | N°15LY04051

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 avril 2016, 15LY04051


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté, en date du 19 mars 2015, par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1503700, en date du 17 novembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 19 mars 2015 et enjoint au préfet de la Loire de statuer à

nouveau sur la situation de MmeB....

Procédure devant la cour :

I - Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté, en date du 19 mars 2015, par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1503700, en date du 17 novembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 19 mars 2015 et enjoint au préfet de la Loire de statuer à nouveau sur la situation de MmeB....

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le n° 15LY04051 le 21 décembre 2015, le préfet de la Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 17 novembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande de MmeB....

Il soutient que :

- la saisine du médecin de l'agence régionale de santé ne présente aucune utilité lorsque le préfet peut rejeter la demande de titre de séjour qui lui est présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 en se fondant sur l'absence de résidence habituelle en France de l'étranger concerné ;

- l'absence de saisine d'une autorité dans le cadre de l'instruction d'une demande ne peut vicier la décision prise sur cette demande lorsque l'intéressé n'entre pas dans les prévisions du texte dont il sollicite l'application ;

- lorsque la demande de titre ne fait apparaître aucun élément suffisamment précis sur la nature et la gravité de la pathologie dont l'étranger se dit atteint, le préfet n'est pas dans l'obligation de consulter le médecin et peut statuer sans recueillir son avis ;

- les trois certificats médicaux qui figuraient à l'appui de la demande de titre de l'intéressée et n'avaient pas été transmis sous pli fermé ne présentaient pas un caractère précis sur la gravité de la pathologie et la nécessité de suivre un traitement en France ;

- la cour écartera dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel les autres moyens de la demande, aucun de ces moyens n'étant fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2016, MmeB..., représentée par Me C..., conclut :

1°) au rejet de la requête ou, en tout état de cause, à l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2015 ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à ce préfet, dans le même délai et sous la même astreinte, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 313-11 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la condition de résidence habituelle n'est pas un préalable nécessaire à la saisine du médecin de l'agence régionale de santé ;

- un titre de séjour sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 ne peut être refusé qu'après un examen des trois conditions cumulatives de résidence habituelle, nécessité d'un traitement et d'indisponibilité du traitement nécessaire dans le pays d'origine ;

- le refus de titre de séjour qui lui est opposé a été pris par une autorité incompétente, est insuffisamment motivé et entaché d'un vice de procédure du fait de l'absence d'avis du médecin de l'agence régionale de santé et qu'il est en outre infondé s'agissant de sa résidence habituelle et de son état de santé, pris en violation du secret médical, et entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et quant à l'application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est fondée sur un refus de titre de séjour illégal et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 742-7 du même code ;

- la décision fixant le pays de destination sera annulée sur le même fondement que celle portant refus de titre de séjour, ces deux décisions étant nécessairement liées.

II - Par une requête enregistrée sous le n° 15LY04057 le 21 décembre 2015, le préfet de la Loire demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1503700, en date du 17 novembre 2015, par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 19 mars 2015 et lui a enjoint de statuer à nouveau sur la situation de MmeB....

Il soutient que :

- le moyen tiré de ce que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que l'absence de résidence habituelle en France d'un étranger ne le dispense pas de saisir le médecin de l'agence régionale de santé de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est sérieux ;

- aucun des autres moyens de la demande n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2016, MmeB..., représentée par Me C..., conclut :

1°) au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué ou, en tout état de cause, à l'annulation de l'arrêté du 19 mars 2015 ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à ce préfet, dans le même délai et sous la même astreinte, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- l'existence d'un moyen sérieux de nature à conduire à l'annulation du jugement attaqué fait défaut en l'espèce, dès lors qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 313-11 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la condition de résidence habituelle n'est pas un préalable nécessaire à la saisine du médecin de l'agence régionale de santé, un titre de séjour sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 ne pouvant être refusé qu'après un examen des trois conditions cumulatives de résidence habituelle, nécessité d'un traitement et d'indisponibilité du traitement nécessaire dans le pays d'origine ;

- les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation de pays de destination contenues dans l'arrêté du 19 mars 2015 sont illégales ;

- le refus de titre de séjour qui lui est opposé a été pris par une autorité incompétente, est insuffisamment motivé et entaché d'un vice de procédure du fait de l'absence d'avis du médecin de l'agence régionale de santé et qu'il est en outre infondé s'agissant de sa résidence habituelle et de son état de santé, pris en violation du secret médical, et entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et quant à l'application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est fondée sur un refus de titre de séjour illégal et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 742-7 du même code ;

- la décision fixant le pays de destination sera annulée sur le même fondement que celle portant refus de titre de séjour, ces deux décisions étant nécessairement liées.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 27 janvier 2016.

Vu les autres pièces de ces dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny,

- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public,

- et les observations de M.A..., représentant le préfet de la Loire, et de Me C..., représentant MmeB....

Une note en délibéré présentée par le préfet de la Loire a été enregistrée le 14 mars 2016.

1. Considérant que Mme D...B..., ressortissante albanaise née en 1986, est entrée en France le 9 juillet 2014 ; que le préfet de la Loire a refusé son admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile par une décision du 23 juillet 2014 ; qu'après le rejet de sa demande d'asile, par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 décembre 2014, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour par un arrêté en date du 19 mars 2015, lui faisant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui fixant un pays de destination ; que le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 19 mars 2015 à la demande de Mme B...par un jugement du 17 novembre 2015 ; que, par les requêtes susvisées, le préfet de la Loire demande l'annulation de ce jugement et qu'il soit sursis à son exécution ; qu'il y a lieu de joindre ces requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :

2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : [...] 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. / (...)/L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...)/(...)/L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement. " ;

3. Considérant que, si le préfet peut se fonder sur l'absence de résidence habituelle en France pour refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la procédure administrative définie par les dispositions précitées a pour objet de lui permettre d'être suffisamment éclairé avant de prendre sa décision ; que, dès lors, le préfet est tenu, lorsqu'un étranger justifie à l'appui de sa demande de titre de séjour d'éléments suffisamment précis sur la nature et la gravité des troubles dont il souffre, de recueillir l'avis du médecin de l'agence régionale de santé préalablement à sa décision, même si cet étranger ne remplit pas la condition de résidence habituelle en France ;

4. Considérant que, si le préfet de la Loire soutient en appel que les trois certificats médicaux, produits à l'appui de la demande de Mme B..., qui figuraient dans le dossier de demande de titre de séjour de l'intéressée, n'étaient pas suffisamment précis pour justifier la saisine du médecin de l'agence régionale de santé, l'un de ces avis, émanant d'un praticien du service d'ophtalmologie du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, faisait état des troubles présentés par l'intéressée, d'un traitement instauré et du fait que l'intéressée devait être revue dans deux ou trois mois ; que, dès lors, le dossier de Mme B...comportant des éléments suffisamment précis concernant son état de santé, le préfet était tenu de saisir le médecin de l'agence régionale de santé avant de rejeter sa demande de titre de séjour ;

5. Considérant, toutefois, qu'un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; qu'en l'espèce, compte tenu des éléments médicaux fournis par Mme B...et de la possibilité de régularisation dont dispose le préfet, l'absence de consultation du médecin de l'agence régionale de santé a été susceptible d'exercer une influence sur le sens des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixation de pays de destination prises à l'égard de Mme B...; que, par suite, ces décisions devaient être annulées ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 19 mars 2015 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant que le présent arrêt qui confirme le jugement attaqué, n'implique pas de mesure d'exécution distinctes de celles déjà énoncées par les premiers juges ; que, dès lors, les conclusions présentées pour Mme B...à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

8. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 1503700 du tribunal administratif de Lyon du 17 novembre 2015, la requête n° 15LY04057 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat pour ces deux instances, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à payer à Me C...;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 15LY04051 du préfet de la Loire est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 15LY04057.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées pour Mme B...est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D...B.... Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 avril 2016.

2

Nos 15LY04051 et 15LY04057


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY04051
Date de la décision : 28/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure consultative.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : LAWSON- BODY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-04-28;15ly04051 ?
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