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28/04/2016 | FRANCE | N°15LY03895

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 28 avril 2016, 15LY03895


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 février 2015 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1504393 du 29 octobre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté préfectoral du 9 février 2015 et enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la demande de l'intéressée dans un délai de deux mois à

compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 février 2015 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1504393 du 29 octobre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté préfectoral du 9 février 2015 et enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la demande de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps nécessaire à ce réexamen.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2015, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 février 2015 ;

2°) et de rejeter toutes les conclusions de la requérante présentées devant les juges de première instance.

Le préfet soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté du 9 février 2015 pour méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où les informations dont il dispose et pour lesquelles il a produit les pièces montrent qu'il existe un traitement approprié pour Mme C...en République démocratique du Congo.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 février 2016, Mme C...demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement attaqué et de rejeter la requête du préfet de l'Isère ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ou, en cas d'annulation pour vice de forme, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour Me B...de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ou, si l'aide juridictionnelle ne lui est pas accordée, à lui verser la même somme au titre de l'article L. 761-1 précité.

Mme C...fait valoir que :

- les pièces qu'elle verse confirment la nécessité pour elle d'un suivi médical régulier pour son diabète à très haut risque ; les pièces produites par le préfet n'établissent que la maculopathie diabétique peut être prise en charge en République démocratique du Congo (RDC) ; elle est également suivie pour hépatite C pour lesquelles il n'existe aucune offre de soins ;

- la décision préfectorale est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation, son retour en RDC interromprait le processus de soins mis en place en 2013 ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Gondouin, rapporteur.

1. Considérant que MmeC..., ressortissante de la République démocratique du Congo (RDC) née en février 1958, est entrée en France, selon ses déclarations, le 10 mars 2011 ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 décembre 2011, décision que la Cour nationale du droit d'asile a confirmée le 17 octobre 2012 ; qu'elle a fait l'objet d'un premier refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire le 17 janvier 2013 ; que, le 14 février suivant, elle a sollicité, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un titre de séjour que le préfet de l'Isère lui a délivré ; qu'il a ensuite, le 9 février 2015, refusé de renouveler ce titre de séjour et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que d'une décision désignant le pays de destination ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 29 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 9 février 2015 ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;

3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;

4. Considérant qu'il n'est pas contesté que, dans son avis rendu le 14 mai 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé doivent, en l'état actuel, être poursuivis pendant une durée de douze mois ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions attaquées Mme C... était suivie pour plusieurs pathologies en particulier, hypertension artérielle, macroadénome hypophysaire à extension infrasellaire, diabète de type II insuliné compliqué d'une maculopathie diabétique nécessitant des injections intra-vitréennes, hépatite C et anémie en cours d'exploration ; que le préfet de l'Isère, qui n'est pas lié par l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé, produit en appel, en particulier, outre des éléments d'information du médecin référent de l'ambassade de France à Kinshasa concernant les capacités locales en matière de soins médicaux en RDC datés de juin 2013, la " fiche pays " relative à la RDC datée du 25 octobre 2006 établie par le ministre de l'intérieur sur la disponibilité de certains traitements, la liste nationale des médicaments essentiels en RDC, un courriel du conseiller santé auprès de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur ; qu'il ressort de ce dernier document daté du 3 décembre 2015, qui n'avait pas été produit en première instance, qu'un traitement approprié du diabète de type II peut être assuré en RDC où existent non seulement des médicaments mais également un suivi spécialisé tant à la clinique Diamant qu'au Centre de diabétologie de l'hôpital du Cinquantenaire de Kinshasa où peuvent se réaliser des injections intra-vitréennes ; qu'il en ressort aussi que les autres affections de Mme C...peuvent également être traitées ou suivies sur place ; que, dès lors, le préfet établit, notamment par ce message électronique particulièrement étayé et qui se fonde sur d'autres rapports produits en appel, que Mme C...peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 9 février 2015 ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour ;

Sur les autres moyens :

7. Considérant, en premier lieu, que M. Lapouze, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, qui a signé l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de l'Isère en date du 17 avril 2014, régulièrement publiée dans le numéro spécial d'avril (n° 31) du recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée qui comporte tous les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde répond ainsi aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère, en rejetant la demande de titre de séjour de Mme C...et en l'obligeant à quitter le territoire à destination de son pays d'origine, a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'un traitement approprié et des structures hospitalières existent dans son pays où elle pourra poursuivre ses soins ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : " L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ; que, pour les raisons énoncées au considérant 4, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Isère a méconnu ces dispositions en l'obligeant à quitter le territoire français ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 9 février 2015 par lequel il a refusé de délivrer à Mme C...un titre de séjour et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que d'une décision désignant le pays de destination ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C...ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1504393 du tribunal administratif de Grenoble du 29 octobre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...C...devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que celles présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...C....

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2016 où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 avril 2016.

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N° 15LY03895


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03895
Date de la décision : 28/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : KHEDDAR

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-04-28;15ly03895 ?
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