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12/04/2016 | FRANCE | N°15LY03979

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 12 avril 2016, 15LY03979


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 9 mars 2015 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1504224 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions, a enjoint au préfet de la Haute-Savoie de délivrer à Mme B... une carte temporaire de s

éjour portant la mention " vie privée et familiale " et a condamné l'Etat à verser à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 9 mars 2015 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1504224 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions, a enjoint au préfet de la Haute-Savoie de délivrer à Mme B... une carte temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a condamné l'Etat à verser à Me Coutaz, avocat de MmeB..., une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête enregistrée sous le numéro 15LY03980 le 17 décembre 2015, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 novembre 2015.

Le préfet de la Haute-Savoie soutient que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, Mme B...peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Angola.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2016, MmeB..., représentée par Me Coutaz, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

Mme B...soutient que :

- la requête du préfet n'est pas recevable car tardive, le préfet n'ayant présenté sa requête que le 17 décembre 2015, alors que le jugement lui avait été notifié le 16 novembre 2015 ;

- c'est bon droit que le tribunal a fait droit à son moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnait l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisqu'elle a fui son pays où elle est menacée et qu'elle ne peut y disposer d'un traitement approprié ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; en ne motivant d'aucune façon sa décision distincte d'obligation de quitter le territoire français, le préfet de Haute-Savoie commet une erreur de droit puisqu'il s'estime lié par la décision de refus de titre de séjour qu'il prend, alors qu'il dispose d'un pouvoir d'appréciation ; l'obligation de quitter le territoire français méconnait l'article L. 511-4 10 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation des autres décisions ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le médecin de l'agence régionale de santé avait estimé que les soins devaient être poursuivis pendant six mois ;

- la décision fixant le pays de destination méconnait l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en se contentant de viser l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet méconnait l'étendue de sa compétence, dès lors qu'il doit examiner si la décision qu'il prend porte atteinte à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2016.

Par ordonnance du 4 janvier 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 février 2016.

II- Par une requête enregistrée sous le numéro 15LY03979 le 17 décembre 2015, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour de prononcer, en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1504224 du 10 novembre 2015 du tribunal administratif de Grenoble.

Le préfet de la Haute-Savoie soutient que :

- le moyen qu'il présente en appel est sérieux ;

- le jugement risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables puisque le tribunal a enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour et qu'il est difficile de retirer un titre de séjour, et que l'exécution de ce jugement risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où les conclusions d'appel seraient accueillies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2016, MmeB..., représentée par Me Coutaz, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

Mme B...soutient que :

- la requête d'appel du préfet étant irrecevable, sa demande de sursis à exécution est également irrecevable ;

- le moyen du préfet n'est pas sérieux ;

- le préfet ne justifie pas de conséquences difficilement réparables.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2016.

Par ordonnance du 4 janvier 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 février 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante angolaise, née le 9 février 1993, est entrée irrégulièrement en France le 30 janvier 2014 ; qu'elle a présenté une demande d'asile qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 mai 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 1er décembre 2014 ; que Mme B...a alors déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de son état de santé ; que le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 10 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 9 mars 2015 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de Mme B...; qu'il demande également qu'il soit sursis à exécuter sur ce jugement ;

2. Considérant que les requêtes susvisées du préfet de la Haute-Savoie sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête 15LY03980 :

Sur la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la requête :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicable au contentieux des obligations de quitter le territoire français et des arrêtés de reconduite à la frontière : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. / Le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet peut statuer par ordonnance dans les cas prévus à l'article R. 222-1. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative : " Les avocats, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les administrations de l'Etat, les personnes morales de droit public et les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public peuvent s'inscrire dans l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, dans les conditions fixées par l'arrêté prévu à cet article./ Toute juridiction peut adresser par le moyen de cette application, à une partie ou à un mandataire ainsi inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier et l'inviter à produire ses mémoires et ses pièces par le même moyen./ Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties ou leur mandataire sont alertés de toute nouvelle communication ou notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par eux. /Lorsque le juge est tenu, en application d'une disposition législative ou réglementaire, de statuer dans un délai inférieur ou égal à un mois, la communication ou la notification est réputée reçue dès sa mise à disposition dans l'application " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 novembre 2015 a été régulièrement notifié par voie de transmission électronique au moyen de l'application Télérecours au préfet de la Haute-Savoie le 10 novembre 2015 ; que le jugement a été consulté pour la première fois par le service de la préfecture de la Haute-Savoie le 16 novembre 2015, comme l'atteste l'accusé de réception délivré par Télérecours émis à cette occasion ; qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 611-8-2, ce jugement est réputé avoir été notifié au préfet à cette date ; que le délai de recours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, lequel est un délai franc, expirait le 17 décembre 2015 ; qu'ainsi la requête du préfet de la Haute-Savoie, enregistrée le 17 décembre 2015, n'est pas tardive ; que dès lors la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de cette requête opposée par Mme B...ne peut qu'être écartée ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ;

6. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;

7. Considérant que, par un avis du 31 décembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité au vu de l'absence de traitement approprié dans le pays d'origine et que son traitement devait être poursuivi pendant six mois ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...est suivie, depuis sa petite enfance, pour une épilepsie généralisée ; qu'elle prenait, en Angola, un médicament, le Tegretol, à base de carbamazépine, prescrit par son médecin ; qu'elle a poursuivi ce traitement en France, associé à de l'Urbanyl, jusqu'à ce que le neurologue assurant son suivi décide, en juillet 2014, de lui prescrire, en remplacement de Tegretol, Lamictal, à base de lamotrigine, qui " semble plus adapté à ce type d'épilepsie " ;

8. Considérant que, pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet a produit un courrier du 4 février 2015 du conseiller-santé auprès de la Direction générale des étrangers en France qui indique que la liste des médicaments essentiels d'Angola doit " permettre de faire face à la grande majorité des cas " d'épilepsie, que des électroencéphalogrammes peuvent être pratiqués dans une clinique à Luanda et que des médecins neurologues peuvent assurer le suivi ; qu'il a également produit, pour la première fois en appel, un nouvel avis de ce conseiller santé, daté du 14 décembre 2015, faisant apparaître que sont disponibles en Angola le carbamazépine et le diazepam, anxyolitique dérivé de la benzodiazépine, comme l'Urbanyl ; que le préfet a enfin produit la fiche pays du ministère de l'Intérieur qui corrobore ces informations ;

9. Considérant que, compte tenu de ces éléments, il appartient à Mme B...de démontrer en quoi les traitements dont le préfet a établi l'existence ne constitueraient pas des traitements appropriés à sa pathologie, étant précisé qu'un traitement approprié n'est pas nécessairement un traitement identique à celui dont elle bénéficie en France ; que s'il ressort des pièces du dossier qu'en novembre 2014, le neurologue qui lui avait prescrit Lamictal, en remplacement de Tegretol (à base de carbamazépine) a constaté que depuis le " switch en faveur du Lamictal, on assiste à une nette raréfaction des crises épileptiques qui sont passées de 3-4 par mois à 2 sur les deux derniers mois ", le seul fait que ce changement de molécule ait permis d'espacer les crises de Mme B...ne permet pas de démontrer qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Angola ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a estimé qu'en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B...le préfet de la Haute-Savoie avait méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a, pour ce motif, annulé les décisions du 9 mars 2015 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de délivrer à Mme B...un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;

11. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif et devant la cour ;

Sur les autres moyens présentés par Mme B...:

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le préfet de la Haute-Savoie.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

12. Considérant que la décision litigieuse a été signée par M. A...du Payrat, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie, qui a reçu délégation de signature à cet effet, par arrêté préfectoral du 30 juillet 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du mois d'août 2012 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse manque en fait ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...)" ;

14. Considérant que la circonstance que l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé ne précise pas si l'état de santé de Mme B...lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine n'est pas susceptible d'entraîner l'irrégularité de cet avis, dès lors que cette mention constitue, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, une simple faculté pour le médecin et, qu'en l'espèce, le médecin avait estimé que l'intéressée devait demeurer en France pour sa prise en charge médicale ; que, dans le cas où le préfet décide de passer outre l'avis du médecin de l'agence régionale de santé indiquant qu'il n'existe pas dans le pays dont l'étranger a la nationalité, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale, et en l'absence de toute contestation portant sur la capacité de l'intéressé à supporter le voyage, le préfet n'est pas tenu, avant de refuser de délivrer un titre de séjour, de saisir de nouveau le médecin de l'agence régionale de santé sur cette question ; que, par suite, et alors qu'en l'espèce il n'existait pas de doute sur la capacité de Mme B...à voyager, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la procédure suivie par le préfet était irrégulière ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il résulte des pièces du dossier que MmeB..., qui est célibataire et sans enfant, a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans en Angola où vivent son père ainsi que ses deux frères ; qu'elle ne vivait en France que depuis un peu plus d'un an à la date de la décision litigieuse ; que si sa soeur réside également en France, elle se trouve également en situation irrégulière ; que, par suite, la décision litigieuse ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que Mme B...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

17. Considérant qu'il résulte de l'examen ci-avant de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

18. Considérant que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été signée par une personne incompétente pour ce faire doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment concernant le refus de titre de séjour ;

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III " ;

20. Considérant que le préfet de la Haute-Savoie a, dans un même arrêté, refusé à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour et fait obligation à cette dernière de quitter le territoire français ; que, d'une part, la décision de refus de séjour dont cette mesure d'éloignement découle est régulièrement motivée ; que, d'autre part, l'arrêté contesté vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que Mme B...ne remplit pas les conditions pour séjourner en France en application de l'article L. 313-11 11° du même code, circonstance qui justifie l'application à l'intéressée des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 qui autorisent le préfet à assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français en litige doit être écarté ;

21. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative a la faculté, et non l'obligation, de prendre une mesure d'éloignement envers un étranger à qui il refuse la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision litigieuse, que le préfet de la Haute-Savoie se serait, à tort, cru tenu d'assortir sa décision de refus de délivrance d'un titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;

22. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment concernant le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaitrait l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français aurait été prise en violation des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

23. Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

24. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, Mme B...ne remplissait pas à la date des décisions litigieuses les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de la Haute-Savoie pouvait légalement assortir sa décision de refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne le délai de 30 jours pour quitter le territoire français :

25. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;

26. Considérant qu'il ressort des mentions de la décision en litige que le préfet de la Haute-Savoie a accordé à Mme B...un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français ; que la circonstance que le médecin de l'agence régionale de santé a indiqué que le traitement de Mme B...devait être poursuivi pendant six mois n'est pas de nature, dès lors qu'un traitement approprié à l'état de santé de Mme B...existe en Angola, à entacher cette décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

27. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français (...) est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

28. Considérant que si Mme B...soutient qu'elle sera exposée à des traitements contraires aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article L. 513-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en cas de retour en Angola, elle n'a produit, à l'appui de ses allégations, que son propre récit, peu étayé, et qui n'est pas de nature à établir le bien fondé de ses dires ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été prise en violation des dispositions et des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;

29. Considérant qu'il ne ressort ni des termes de la décision litigieuse, ni des pièces du dossier, que le préfet de la Haute-Savoie se serait estimé tenu, dans son appréciation des risques allégués par la requérante en cas de retour en Angola, par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

30. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 9 mars 2015 par lesquelles il a refusé de délivrer à Mme B... un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé son pays de destination : que, par suite, la demande présentée par le conseil de Mme B...tendant à l'application à son profit des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut qu'être rejetée dès lors que celle-ci est la partie perdante à l'instance ;

Sur la requête n° 15LY03979 :

31. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 1504224 du tribunal administratif de Grenoble du 10 novembre 2015, la requête n° 15LY03979 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement est devenue sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que le conseil de Mme B...demande en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1504224 du 10 novembre 2015 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif et le surplus de ses conclusions présentées en appel dans les requêtes nos 15LY03979 et 15LY03980 sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions du préfet de la Haute-Savoie dans la requête n° 15LY03979.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Haute-Savoie, à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2016, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2016.

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Nos 15LY03979 - 15LY03980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03979
Date de la décision : 12/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-04-12;15ly03979 ?
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