La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/04/2016 | FRANCE | N°14LY00518

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 avril 2016, 14LY00518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'enjoindre sous astreinte à la société La Poste de la réintégrer effectivement dans un emploi administratif correspondant à son grade, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de procéder à la reconstitution de sa carrière à la suite du retrait de la décision la mettant à la retraite pour invalidité et de condamner cette société à lui payer une indemnité de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral, un

e indemnité de 10 000 euros en réparation de son préjudice matériel et une somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'enjoindre sous astreinte à la société La Poste de la réintégrer effectivement dans un emploi administratif correspondant à son grade, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de procéder à la reconstitution de sa carrière à la suite du retrait de la décision la mettant à la retraite pour invalidité et de condamner cette société à lui payer une indemnité de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral, une indemnité de 10 000 euros en réparation de son préjudice matériel et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1102396 du 23 décembre 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a condamné la société La Poste à payer à Mme A... une indemnité de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2014, Mme C...A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 23 décembre 2013 en ce qu'il a limité à 1 500 euros l'indemnité mise à la charge de la société La Poste au titre de son préjudice moral ;

2°) de porter à la somme de 15 000 euros le montant de l'indemnité due au titre de son préjudice moral et de condamner la société La Poste à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation de son préjudice matériel ;

3°) de mettre à la charge de la société La Poste la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 26 mars 2009 la plaçant en disponibilité d'office pour maladie du 23 août 2006 au 22 août 2009 est illégale car injustifiée, dès lors qu'elle avait versé des certificats médicaux, dont ceux des 22 janvier 2007 et 16 janvier 2008, attestant de la possibilité pour elle de reprendre une activité et que si, un aménagement de son poste aurait dû être envisagé, cela ne justifiait par son placement en disponibilité d'office jusqu'en août 2009 qui a entraîné la perte de droits à retraite ;

- cette interruption de carrière, du fait de cette décision du 26 mars 2009 la plaçant en disponibilité d'office non justifiée par son état de santé à compter de janvier 2007, est fautive et a entraîné pour elle la perte du bénéfice d'un indice supérieur et de droits à la retraite, dans la mesure où elle aurait, sans cette interruption, perçu une pension d'un montant mensuel de 1 636,92 euros au lieu d'une pension nette mensuelle de 1 507,97 euros ;

- contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, sa réintégration sur un poste administratif ne présentait pas de difficultés particulières dès lors qu'il existait des postes vacants auxquels elle avait postulé et qu'il n'est pas justifié de l'impossibilité de la réintégrer à Saint-Etienne ;

- son affectation au "tri cabine" au cours de l'été 2010 a constitué une faute de l'administration dès lors qu'elle a été décidée sans prise en considération de son état de santé, contrairement aux avis du médecin de prévention et en méconnaissance de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 en ce qu'elle était la seule fonctionnaire de catégorie A affectée à cette tâche de "tri cabine" ;

- elle s'est retrouvée entre août 2009 et mai 2012 sans affectation en méconnaissance de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 alors que la décision selon laquelle elle pouvait reprendre le travail sur un poste administratif sans aménagement est du 7 mai 2009, qu'elle est fondée sur une expertise médicale du 7 avril 2009 et que son médecin avait attesté de sa possibilité de reprendre le travail dès janvier ;

- elle a justifié de ses arrêts de travail en 2010 sur lesquels il est fait état de cervicalgie et de lombalgie qui sont des pathologies en lien direct avec son activité ;

- en l'absence de poste et donc d'objectif individuel, elle n'a pu obtenir une part variable à titre individuel ;

- en l'absence de poste, elle n'a pu être évaluée et donc, obtenir un avancement ;

- son préjudice moral doit être évalué à la somme de 15 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2014, la société La Poste, représentée par MeB..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement frappé d'appel et au rejet de la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon ;

3°) à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions de la requérante tendant à la réparation des conséquences dommageables de la décision du 26 mars 2009 la plaçant en disponibilité d'office du 23 août 2006 au 22 août 2009 sont irrecevables car nouvelles en appel, dès lors que la demande de première instance de Mme A... ne tendait qu'à la réparation du préjudice subi à la suite de la décision du 7 mai 2009 autorisant sa reprise de fonctions sur un poste administratif sans aménagement ;

- ces conclusions sont irrecevables en l'absence de demande préalable d'indemnisation adressée à l'administration et portant sur ce fait générateur ;

- les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés ;

- le fait que Mme A... n'ait pas reçu d'affectation correspondant à son grade depuis sa réintégration, le 23 août 2009, à l'issue de sa période de disponibilité d'office, ne constitue pas une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration, eu égard aux conditions particulières de sa réintégration intervenue à l'expiration de ses droits à congé de maladie et d'une disponibilité d'office de trois ans, conformément aux souhaits de l'intéressée qui se limitaient à trois départements et à son niveau assez élevé dans la hiérarchie et donc au faible nombre de postes auxquels elle pouvait prétendre ;

- le caractère limité des diligences de Mme A... en vue d'obtenir une affectation conforme à son grade est de nature à exonérer l'administration de sa responsabilité ;

- le préjudice retenu par le premier juge n'est établi ni dans son principe, ni dans son quantum.

Un mémoire, enregistré le 2 octobre 2015, présenté pour Mme A..., n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de MeD..., pour Mme A... ainsi que celles de Me B..., pour la société La Poste.

1. Considérant que Mme A..., fonctionnaire à la société La Poste, relève appel du jugement du 23 décembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a condamné la société La Poste à lui verser une indemnité de 1 500 euros, qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice moral qu'elle a subi du fait des conditions dans lesquelles elle a été réintégrée et affectée sur un nouveau poste après une période de disponibilité d'office pour inaptitude ; qu'elle demande que l'indemnité allouée au titre de son préjudice moral soit portée à la somme de 15 000 euros ainsi que la condamnation de la société La Poste à lui verser une indemnité de 10 000 euros au titre de son préjudice matériel, en réparation, d'une part, des conséquences dommageables de la décision du 26 mars 2009 la plaçant en disponibilité d'office pour maladie depuis le 23 août 2006 jusqu'au 22 août 2009 et, d'autre part, des conséquences dommageables de son absence d'affectation sur un emploi correspondant à son grade après sa réintégration, le 23 août 2009, à l'issue de cette période de disponibilité d'office ; qu'en défense, la société La Poste conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de ce jugement et au rejet de la demande de première instance ;

Sur la recevabilité des conclusions de la requête tendant à la réparation des conséquences dommageables de la décision du 26 mars 2009 :

2. Considérant qu'il ressort des écritures de première instance de Mme A... que celle-ci s'est bornée à demander, devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, la condamnation de la société La Poste à réparer les préjudices subis du fait de son absence d'affectation sur un emploi correspondant à son grade depuis sa réintégration, le 23 août 2009, à l'issue de sa période de disponibilité d'office ; que, dans ces conditions, la société La Poste est fondée à soutenir que les conclusions de la requête de Mme A... tendant à la réparation des conséquences dommageables résultant de la décision du 26 mars 2009 du directeur opérationnel territorial courrier de Loire et vallée du Rhône la plaçant en disponibilité d'office pour maladie depuis le 23 août 2006 jusqu'au 22 août 2009, qui n'ont pas été soumises au premier juge, ont le caractère de conclusions nouvelles en appel ; que, par suite, ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur la réparation des préjudices résultant de l'absence d'affectation de Mme A... sur un emploi correspondant à son grade après sa réintégration à compter du 23 août 2009 :

En ce qui concerne la responsabilité :

3. Considérant que, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir une affectation correspondant à son grade ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, qu'à compter du 23 août 2009 et à l'issue de sa mise en disponibilité d'office, Mme A... a été réintégrée au sein de la société La Poste et rattachée administrativement à la direction opérationnelle territoriale courrier de Loire et vallée du Rhône à Saint-Etienne ; qu'elle n'a reçu une affectation que du 1er mars 2010 au 31 mai 2010 dans la cadre d'un dispositif de tutorat, du 19 juillet 2010 au 21 août 2010 pour du "tri cabine" puis du "tri cedex" à Saint-Etienne et du 5 septembre 2011 au 28 octobre 2011 à la plate-forme de distribution du courrier de Roisey avant d'être affectée définitivement à compter de janvier 2012 sur un emploi d'assistante médicale au sein de cette direction opérationnelle ;

5. Considérant, d'une part, que l'affectation de Mme A..., fonctionnaire de catégorie A et cadre de premier niveau à La Poste, sur un emploi en "tri cabine" au cours de l'été 2010 ne constitue pas une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration, dès lors que cette affectation a été prononcée pour une courte durée de moins d'un mois afin de répondre aux nécessités du service durant la période estivale et qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des deux avis d'arrêts de travail des 10 et 24 septembre 2010 établis par le médecin traitant de Mme A..., qu'une telle affectation était contraire à l'avis du médecin de prévention ou incompatible avec l'état de santé de l'intéressée ; qu'il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables d'une telle affectation ;

6. Considérant, d'autre part, qu'en maintenant Mme A... sans affectation au cours de la période de fin août 2009 à fin décembre 2011, à l'exception de missions provisoires de courte durée la société, la société La Poste a méconnu la règle mentionnée au point 3 et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, si Mme A... était en droit de recevoir dans un délai raisonnable une affectation correspondant à son grade, il lui appartenait également, compte tenu tant de son niveau dans la hiérarchie administrative que de la durée de la période pendant laquelle elle a bénéficié d'un traitement sans exercer aucune fonction, d'entreprendre des démarches auprès de son administration ; qu'à cet égard, il résulte de l'instruction que, par courrier du 15 décembre 2009, Mme A...a demandé au directeur opérationnel territorial courrier de Loire et vallée du Rhône de lui faire connaître sa situation administrative ; que son conseil a demandé au même directeur de lui donner une affectation, par courriers des 10 février 2010 et 31 août 2010 ; que Mme A... a postulé en avril 2011 pour un emploi de gestionnaire de ressources humaines à l'unité de gestion des ressources humaines de Saint-Etienne ; qu'il n'y a dès lors pas lieu, contrairement à ce que soutient la société La Poste, de l'exonérer d'une partie de sa responsabilité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à rechercher la responsabilité de la société La Poste pour avoir méconnu son obligation de lui donner une affectation stable dans un délai raisonnable à partir de septembre 2009 et jusqu'à fin décembre 2011 et que la société La Poste n'est pas fondée à soutenir, par voie d'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon premier juge l'a déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de cette faute ;

En ce qui concerne la réparation des préjudices :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du courrier du 20 avril 2011 du directeur des ressources humaines de la direction opérationnelle territoriale courrier de Loire et vallée du Rhône, que Mme A... a perçu pour l'année 2010 une somme de 154,28 euros au titre de la part collective de la prime dite "part variable" et qu'elle n'a rien perçu au titre de la part individuelle ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée aurait eu une chance sérieuse de percevoir une somme au titre de cette part individuelle si elle avait reçu une affectation correspondant à son grade ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'absence d'affectation de Mme A... pendant vingt-deux mois au cours de la période de fin août 2009 à fin décembre 2011 lui ait fait perdre une chance d'avancement ;

10. Considérant, en troisième lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme A...du fait de son absence d'affectation pendant vingt-deux mois au cours de la période de la fin août 2009 à fin décembre 2011 en lui allouant à ce titre une indemnité de 3 000 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander que l'indemnité mise à la charge de la société La Poste en réparation de son préjudice moral soit portée à la somme de 3 000 euros et que la société La Poste n'est pas fondée à demander à être déchargée de toute indemnité;

Sur les frais non compris dans les dépens :

12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme A... et de la société La Poste les frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 1 500 euros que la société La Poste a été condamnée à verser à Mme A... est portée à 3 000 euros. Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 23 décembre 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et à la société La Poste.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2016, à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre ;

M. Drouet, président-assesseur ;

Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 avril 2016.

''

''

''

''

3

N° 14LY00518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00518
Date de la décision : 12/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Affectation.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Omissions.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : BERTRAND HEBRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-04-12;14ly00518 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award