Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Etablissements A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles cette société a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que des intérêts de retard dont elles ont été assorties.
Par un jugement n° 1300029 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 décembre 2014, le 9 mai 2015 et le 5 décembre 2015, la société EtablissementsA..., représentée par la société d'avocats Labonne et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 14 octobre 2014 ;
2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Etablissements A...soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du caractère excessivement sommaire et/ou radicalement vicié d'une méthode administrative de reconstitution d'achats fictifs, sur le moyen tiré de l'absence de corrélation entre le détournement réintégré dans les résultats sociaux et le détournement constaté par le juge pénal ainsi que sur celui tiré de l'absence de corrélation entre les montants retenus par l'administration à l'encontre de la société et ceux retenus comme des revenus distribués au salarié fraudeur ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
- l'administration a méconnu le devoir de loyauté envers les administrés, protégé par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 :
. en ne dévoilant que partiellement les procès verbaux d'audition de M. B...sur lesquels elle s'était fondée, alors même que certaines parties de ces procès verbaux allaient à l'encontre de ses affirmations,
. en faisant preuve de partialité en faveur de M.B..., en l'informant qu'il allait être interrogé dans le cadre de l'enquête pénale, puis en ramenant la base des impositions qu'elle lui réclamait en tant que revenus distribués de 2 020 054 euros à 60 000 euros au moment même où ce dernier accusait M.A..., accusation qui a finalement abouti à une relaxe, d'avoir mis en place un système de fausses factures, tout en refusant de produire, dans le cadre de la présente instance, la réponse aux observations de M.B...,
. en discréditant la société en faisant valoir qu'elle avait favorisé le système de fraude mis en place à son insu en ayant recours au paiement des fournisseurs non professionnels par des chèques barrés payés en espèce à la banque, alors qu'elle a été relaxée pour ces faits par le juge pénal ;
- l'attitude de l'administration révèle un délit de concussion ;
Sur le bien fondé de l'imposition :
- la direction de la société n'a pas fait preuve de carence manifeste dans l'organisation et le contrôle de ses approvisionnements provenant de fournisseurs non industriels, qui représentent de l'ordre de 30 % de ses approvisionnements ; la direction a tout au plus fait preuve d'une négligence ; les procès verbaux de l'enquête judicaire ne suffisent pas à caractériser une carence manifeste, pas plus que les constatations issues du contrôle de la comptabilité matière de l'entreprise ; la procédure qui avait été mise en place est celle qui demeure en vigueur dans les autres établissements ayant la même activité, à savoir, le pesage assuré par un salarié réceptionnaire qui inscrit sur un relevé de pesée les différentes catégories de produits livrés, avec leur poids puisqu'un système de pesée avec édition informatique d'un bon n'est pas possible pour ce type d'approvisionnement eu égard au caractère nécessairement manuel de la pesée faute d'étalonnage des véhicules, à la diversité des produits apportés et au nombre de livraisons par jour ; aucun établissement n'a connu de fraude comme celle qui a été opérée dans l'entreprise par M.B... ; le recours à la pesée automatisée n'aurait pas fait disparaitre le risque principal de modification de la nature des produits achetés ; un examen a priori de la situation n'aurait pas conduit l'administration à retenir une carence manifeste de la direction ; cette fraude, qui a représenté 0,35 % des achats de la période, était très difficilement décelable par la société ; le dispositif mis en place au sein de la société pour palier désormais à ce risque de fraude, à savoir la mise en place d'une comptabilité matière, l'embauche d'une personne chargée de la gestion des achats et des stocks depuis lors et la maintenance du répétiteur de pesée, représente un coût moyen annuel de 30 000 euros, pour un risque de détournement de 25 000 euros par an ; l'administration ne pouvait retenir, en plus de la carence manifeste, le fait que la direction aurait fait prendre un risque manifestement excessif à la société, puisque l'administration n'a pas à s'immiscer dans la gestion de l'entreprise ; le recours à des chèques barrés permettait la traçabilité des paiements mais contrevenait aux dispositions du code monétaire et financier et il a été mis fin à cette pratique dès que M. A...en a appris l'illicéité ; la fraude ne se réalisait qu'en présence de M.B..., combinée à l'absence de M. A... et de son adjoint, et à la condition qu'il existe un stock suffisant de la matière fraudée, pour que la fraude du jour ne puisse pas être décelée par le dirigeant ;
- la méthode utilisée par l'administration pour déterminer le montant des sommes détournées, qui a été écartée par le juge pénal, et par l'administration elle-même pour l'imposition de l'auteur principal du détournement, est radicalement viciée dès lors qu'il n'était pas possible, eu égard à la nature de son activité, et à l'extrême volatilité des cours sur la période de reconstitution de parvenir, a posteriori, à réaliser une comptabilité matière ; l'administration ne pouvait procéder a posteriori à une reconstitution des achats de la société ; la cour d'appel de Riom a estimé que le montant de la fraude s'établissait à 85 000 euros pour la période courant du 15 juillet 2005 au 8 décembre 2008, ce qui est sans rapport avec le préjudice de 2 020 054 euros déterminé par l'administration ; l'auteur principal du détournement n'a fait l'objet d'un redressement que de 60 000 euros alors que les bases imposables de l'acte anormal de gestion et de son recel doivent être corrélées.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er avril 2015 et le 25 novembre 2015 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre des finances et des comptes publics soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 16 novembre 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 7 décembre 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 7 décembre 2015 la clôture de l'instruction a été reportée au 5 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que la société Etablissements A...qui exerce une activité de récupération et de vente de métaux sur deux sites à Thiers et à Clermont-Ferrand, a fait l'objet, du 31 octobre 2007 au 22 juillet 2009, d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos le 31 mars des années 2006, 2007 et 2008, soit sur la période courant du 1er janvier 2005 au 31 mars 2008 ; que le vérificateur, pour s'assurer de la cohérence des éléments portés en comptabilité au cours de la période vérifiée, a établi des comptabilités matières pour les différents matériaux et a ainsi mis en évidence diverses incohérences ; qu'il a été établi que ces pratiques étaient le fait de salariés qui avaient majoré des achats par la pratique soit de " surqualification " des matériaux approvisionnés, c'est-à-dire de changement de leur catégorie, soit de surestimation de leur quantité, soit d'achats purement fictifs ; que, tirant les conséquences de ces constatations, l'administration fiscale, estimant que le dirigeant de la société avait fait preuve d'une carence manifeste dans l'organisation et le contrôle de l'entreprise et avait ainsi concouru à de tels détournements, a réintégré dans le calcul du bénéfice net de la société les charges correspondant à ces achats fictifs ou "mal renseignés" à hauteur de 677 654 euros au titre de l'exercice clos en 2006, de 850 579 euros au titre de l'exercice clos en 2007 et de 491 821 euros au titre de l'exercice clos en 2008 ; qu'une proposition de rectification en ce sens a été adressée à la société le 24 juillet 2009 selon la procédure contradictoire ; qu'en réponse aux observations présentées par le contribuable le 28 septembre 2009, l'administration a maintenu, le 12 octobre 2009, les impositions litigieuses résultant de ces rehaussements ; que le recours hiérarchique de la société a été rejeté ; que le 23 mars 2011, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a rendu un avis aux termes duquel elle a estimé qu'elle ne disposait pas d'éléments suffisants pour émettre un avis sur la déductibilité de ces achats fictifs ; qu'à la suite de l'interlocution départementale du 7 octobre 2011, l'administration a maintenu sa position le 8 novembre 2011 ; que les impositions litigieuses, ainsi que les pénalités de retard en résultant ont été mises en recouvrement le 8 décembre 2011 ; que la société Etablissements A...relève appel du jugement du 14 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge desdites impositions et intérêts de retard ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'à l'appui de sa demande, la société Etablissements A...soutenait notamment que le montant des achats fictifs retenus par l'administration était forcément erroné, en raison de la méthode de reconstitution des achats utilisée et en raison de l'écart entre le montant retenu par l'administration, réintégré dans les résultats sociaux, et, d'une part, le montant du détournement constaté par le juge pénal, et, d'autre part, le montant des revenus distribués que l'administration a imposés au titre des revenus de M. B..., salarié fraudeur ; que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués, s'est prononcé sur le bien fondé de la méthode de reconstitution et sur le montant des impositions litigieuses ; que, par suite, la société Etablissements A...n'est pas fondée à soutenir que le jugement était irrégulier ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant que l'administration est tenue, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer avec une précision suffisante le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qui ont servi à l'établissement des redressements, pour permettre à l'intéressé de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ;
4. Considérant que la société Etablissements A...fait grief à l'administration d'avoir manqué à son devoir de loyauté en ayant eu, à l'égard de la sociétéA..., un comportement partial et inéquitable au cours de la procédure ; qu'elle se prévaut à ce titre de la circonstance que l'administration n'aurait produit que la partie des procès-verbaux sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition litigieuse, en occultant les parties qui auraient pu être interprétées dans un sens favorable à la société ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration avait informé la société tant sur l'origine que sur la teneur des renseignements provenant de tiers sur lesquels elle s'était fondée ; qu'il est constant qu'elle avait notamment, alors qu'elle n'y était pas tenue, adressé en pièce jointe de la proposition de rectification les extraits des procès verbaux de gendarmerie sur lesquels elle s'était fondée ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société, qui a par ailleurs obtenu directement communication de certains de ces documents dans leur version complète, aurait demandé à l'administration de lui communiquer ces documents avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses ; qu'en outre, la circonstance que l'administration a, au cours de la procédure contentieuse, continué à ne produire qu'une partie de ces procès verbaux est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition elle-même ; que si la société fait également grief à l'administration d'avoir eu un comportement favorable à M.B..., le salarié principalement impliqué dans la fraude, en l'informant qu'il allait être interrogé dans le cadre d'une enquête pénale, en diminuant le montant de ses propres impositions au moment où il portait des accusations sur des agissements supposés de M. A...de facturations fictives, lesquelles ont conduit à une relaxe du dirigeant, tout en refusant de produire, dans le cadre de la présente instance, la réponse de l'administration aux observations faites par M.B..., toutefois, ces éléments sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition menée à l'encontre de la société et ne caractérisent pas, en tant que tels, un comportement déloyal de l'administration ni, en tout état de cause, un " délit de concussion " ; qu'enfin, l'administration n'a pas non plus eu un comportement déloyal en soulignant que la société avait favorisé le système de fraude mis en place en demandant à sa banque de payer en espèces des chèques barrés ; qu'à ce titre, contrairement à ce qu'indique la société, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été relaxée par le juge pénal pour ces faits, mais seulement qu'elle n'avait été poursuivie pénalement que sur le fondement d'autres chefs d'inculpation, pour lesquels elle a bénéficié d'une relaxe ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait eu, en violation de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, un comportement déloyal ou aurait fait preuve de partialité à son égard doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Considérant qu'il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que l'administration, qui n'a pas contesté dans leur principe et leur montant l'exactitude des écritures de charges en litige, a suivi la procédure contradictoire pour notifier au contribuable les redressements que celui-ci a refusés ; que, par suite, il lui incombe d'établir que ces écritures de charges étaient étrangères à une gestion commerciale normale et d'en établir le montant ; qu'en cas de détournements de fonds par des salariés, la simple négligence des dirigeants, associés ou investis de la qualité de mandataires social ne suffit pas à caractériser une gestion commerciale anormale ; qu'il convient d'établir que le comportement délibéré des dirigeants, associés ou investis de la qualité de mandataire social, ou leur carence manifeste dans l'organisation de la société et la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle, contraires à l'intérêt de l'entreprise, ont été à l'origine, directe ou indirecte, de ces détournements ;
6. Considérant que pour réintégrer dans le bénéfice net de la société Etablissements A...des charges correspondant à des achats réalisés par la société pour l'approvisionnement de matériaux auprès de non professionnels, l'administration a estimé que ces charges correspondaient à des détournements de fonds, opérés par certains salariés de la société, en complicité avec ces non professionnels, et que ces détournements de fonds trouvaient indirectement leur origine dans la carence manifeste du dirigeant de l'entreprise, M.A..., dans l'organisation de la société et la mise en oeuvre de dispositifs de contrôle ; qu'à ce titre, l'administration a retenu que, contrairement aux achats effectués auprès de professionnels, pour lesquels la pesée des matériaux était automatisée, la pesée des matériaux des non professionnels, qui représentaient 30% des achats du site, était manuelle, et ne faisait l'objet d'aucun contrôle institué, tel qu'un contrôle de stocks, ou même de contrôles inopinés ; que l'administration a noté que le dirigeant de la société était un professionnel de la récupération des métaux ayant une longue expérience de ce type de responsabilités au sein de la profession ; qu'elle a ajouté que les faits s'étaient déroulés dans un contexte particulier, caractérisé par un cours au plus haut du cuivre, ainsi que par une recrudescence des vols de métaux sur les chantiers, événements relatés dans la presse, et notamment dans la presse locale dès l'année 2006, ce qui aurait dû conduire le dirigeant à accorder une attention particulière à ces achats ; qu'elle a par ailleurs souligné que le directeur de la société avait demandé à sa banque de régler en espèces les chèques barrés, empêchant ainsi, de fait, tout suivi des transactions et tout recoupement ; qu'enfin, elle a indiqué qu'alors que le dirigeant de la société avait été destinataire en 2004 d'une lettre anonyme qui mettait en cause deux salariés, dont M.B..., pour des pesées surévaluées, le dirigeant n'avait pris aucune mesure sérieuse à la suite de cette dénonciation ; que si la société Etablissements A...fait valoir qu'il n'était pas possible de mettre en place un système sécurisé de pesée pour les fournisseurs non professionnels, eu égard à la lourdeur et au coût élevé qu'engendrerait une pesée informatique pour chaque catégorie de produits apportés par les ferrailleurs non industriels, que la procédure de pesée était celle en vigueur dans tous les établissements du secteur, que seul son établissement avait connu de tels détournements et qu'il était difficile d'apprécier les stocks physiques, toutefois, la direction de l'entreprise aurait au moins dû mettre en oeuvre, eu égard à l'importance des achats à des non professionnels et aux risques ci-dessus indiqués, des systèmes de contrôles de ces pesées manuelles ; que d'un point de vue comptable, un simple contrôle matériel des stocks, au moins une fois par an, sur au moins un matériau comme le cuivre, et un simple rapprochement du stock initial corrigé des achats revendus avec le stock final aurait permis de découvrir l'existence d'une majoration importante d'achats ; que si la société fait valoir qu'il existait des systèmes de contrôles constitués par l'autocontrôle des quatre salariés chargés de la pesée et des contrôles inopinés assurés par M. A..., ces contrôles étaient manifestement insuffisants eu égard à l'importance des écarts constatés ; que s'il ressort de certains procès verbaux d'audition que les salariés ne procédaient pas aux détournements en présence de M. A...et qu'ils ne procédaient aux achats fictifs que lorsque les stocks apparents le permettaient, ces éléments ne permettent pas d'établir qu'il n'y aurait pas eu une carence manifeste de celui-ci dans l'organisation de la société et les contrôles mis en place, lesquels reposaient uniquement sur le caractère dissuasif de la présence du dirigeant dans l'entreprise, lorsqu'il était présent sur le site ; qu'enfin, contrairement à ce qu'allègue la société, il n'est pas établi que le dispositif mis en place au sein de la société pour palier désormais à ce risque de fraude représenterait un coût démesuré pour l'entreprise eu égard aux sommes en jeu ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration, qui pouvait retenir que le comportement du dirigeant de la société avait fait courir à celle-ci un risque manifestement excessif, a réintégré dans le bénéfice net de la société le montant des charges correspondant aux détournements de fonds, constitués par des achats fictifs ;
7. Considérant que pour déterminer le montant des achats fictifs comptabilisés, l'administration a procédé à l'établissement d'une comptabilité matière ; que, pour ce faire, elle a établi, exercice par exercice, matériau par matériau, le stock théorique de la société, correspondant à la somme du " stock d'entrée initial ", des achats portés sur carnets et des achats sur factures à laquelle elle a soustrait les ventes de la société ; que la différence existant entre ce stock théorique et le stock final constaté physiquement à chaque fin d'exercice a ensuite été valorisée, matériau par matériau, par le prix moyen, rapporté à l'année, d'achats réalisés auprès des particuliers approvisionnant le site de Thiers ; que l'administration a estimé que le montant obtenu constituait le montant des achats fictifs ; qu'en l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité, l'administration fiscale ne peut, pour apporter la preuve qui lui incombe du montant des achats détournés, recourir à une méthode d'évaluation extra-comptable, moins précise que les écritures comptables ; qu'en l'espèce, l'administration, qui n'a pas remis en cause le caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité de la société, n'a pas identifié dans la comptabilité de la société les écritures d'achat correspondant à tout ou partie des détournements et n'a pas cherché à en déterminer le montant, mais a procédé, par une méthode extra-comptable, à la reconstitution de l'ensemble des achats de matériaux de la société, en appliquant un prix moyen annualisé à des matériaux pour lesquels les cours sont très volatiles et en comparant un stock théorique à un stock réel constaté dont les parties s'accordent à dire qu'ils n'ont pas été établis de façon fiable ; que, par suite, en ayant eu recours à une telle méthode, nécessairement moins précise que le recours aux écritures comptables, l'administration, qui n'a pas écarté la comptabilité de la société, ne peut être regardée comme apportant la preuve que le montant des achats détournés était de 2 020 054 euros ; que, toutefois, la société Etablissements A...reconnait elle-même dans ses écritures qu'elle a été victime de détournements de fonds et que " sur la durée totale de la fraude (41 mois), le préjudice mensuel moyen a été de 2 073 euros par mois " ; qu'ainsi il convient de retenir qu'au titre de l'exercice clos le 31 mars 2006, d'une durée de 15 mois, 31 095 euros ont été détournés, tandis qu'au titre des exercices clos le 31 mars 2007 et le 31 mars 2008, le montant des achats détournés a été, pour chaque exercice, de 24 876 euros, soit un total, au titre des trois exercices vérifiés de 80 847 euros ; que la circonstance que la cour d'appel de Riom, statuant en matière civile, ait par arrêt du 6 décembre 2012 alloué 85 000 euros de dommages intérêts à la société Etablissements A...au titre de la fraude dont elle a fait l'objet pour la période courant du 15 juillet 2005 au 8 décembre 2008 et la circonstance que l'administration ait ramené à 60 000 euros le montant des revenus distribués à M. B...n'ont pas d'incidence sur le montant des impositions en cause ; que, par suite, les bases des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assignées à la société Etablissements A...doivent être respectivement réduites pour les exercices clos les 31 mars 2006, 2007 et 2008 de 646 559 euros, 825 703 euros et 466 945 euros ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Etablissements A...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ne lui a pas accordé une décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2006, 2007 et 2008 ainsi que des intérêts de retard dont elles ont été assorties ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Etablissements A...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assignées à la société Etablissements A...au titre des exercices clos les 31 mars 2006, 2007 et 2008 sont respectivement réduites des sommes de 646 559 euros, 825 703 euros et 466 945 euros.
Article 2 : La société Etablissements A...est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités de retard y afférentes, correspondant à ces réductions des bases d'imposition.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 14 octobre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la société Etablissements A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Etablissements A...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Etablissements A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Mear, président,
Mme Terrade, premier conseiller,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2016.
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N° 14LY03812