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24/03/2016 | FRANCE | N°14LY01628

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 24 mars 2016, 14LY01628


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 11 juillet 2011 du ministre de la défense rejetant sa demande tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Par un jugement n° 1104910 du 26 mars 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2014, présenté

e pour M. B...A..., domicilié..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 110491...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 11 juillet 2011 du ministre de la défense rejetant sa demande tendant au bénéfice de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Par un jugement n° 1104910 du 26 mars 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2014, présentée pour M. B...A..., domicilié..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1104910 du 26 mars 2014 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée et de condamner l'Etat à indemniser les préjudices subis ;

3°) d'enjoindre au ministre de la défense de procéder à l'évaluation des préjudices de toute nature imputables à la maladie radio-induite, selon lui, dont il est atteint, dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Il soutient que :

- dès lors qu'il apporte la preuve qu'il est atteint d'une maladie radio induite visée dans le décret n° 2010-653 et qu'il été affecté " dans une zone concernée par les essais nucléaires " et " à une période de contamination effective ", déterminé à l'article 2 de la loi, il bénéficie du principe de présomption ;

- le ministre de la défense, en se fondant exclusivement sur une formule mathématique intégrant des paramètres au mieux approximatifs, voire des données erronées ou inexistantes, ne rapporte pas une preuve susceptible de renverser la présomption dont bénéficie le demandeur ;

- la production de résultats de dosimétrie externe, alors que la fiabilité d'un tel instrument de mesure, qui ne mesure que les seuls rayonnements gamma et n'est pas apte à dépister d'une manière correcte les contaminations, n'est pas démontrée, ne peut suffire à établir le caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires, à défaut d'éléments permettant d'établir l'absence de contamination par inhalation et ingestion de poussières et de gaz radioactifs, et eu égard à une volonté de dissimulation de la part de l'Etat ; les données émanant d'autres examens du type anthropospectrogammamétrie et analyses biologiques du sang et/ou de l'urine, ne sont généralement guère exploitables dans la mesure où elles sont rares et obtenues dans de mauvaises conditions de réalisation ;

- il était exposé à des risques de contamination interne contre lesquels il n'a pas été protégé, dès lors que le navire sur lequel il était embarqué, qui accueillait sur son pont d'envol les avions ayant pour mission d'opérer des prélèvements dans le champignon atomique, était nécessairement contaminé ;

- dès lors que sa demande remplit les conditions légales définies par la loi du 5 janvier 2010 et ses décrets d'application et que le ministre de la défense n'apporte pas la preuve, qui doit reposer sur les éléments du dossier et non uniquement sur des éléments purement statistiques, du caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires, il est fondé à solliciter la réparation intégrale des préjudices subis, au besoin en recourant à une expertise médicale.

Par un mémoire, enregistré les 29 juin et 28 août 2015, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- si la présomption de causalité édictée par les dispositions de la loi du 5 janvier 2010 et de son décret d'application du 11 juin 2010 est établie en l'espèce, eu égard aux zones de résidence et de séjour et à l'inscription de la maladie dont a souffert M. A... sur la liste annexée audit décret, cette présomption est renversée dès lors qu'ainsi qu'il résulte de la recommandation du CIVEN, le risque attribuable aux essais nucléaires peut être considéré comme négligeable, la probabilité d'une relation de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants subie par l'intéressé lors de sa présence sur les sites d'expérimentations nucléaires et la maladie dont il a été atteint, étant très inférieure à 1 % ;

- contrairement à ce que soutient le requérant, la méthode utilisée par le CIVEN, dont l'avis ne repose pas uniquement sur des données purement statistiques mais sur les éléments du dossier, pour apprécier le lien de causalité entre la maladie contractée et le niveau d'exposition, est conforme à la volonté du législateur ; il n'est pas démontré que cette méthode ne serait pas fiable alors que la probabilité de causalité résulte d'un calcul qui se fonde sur des études validées par la communauté scientifique internationale ;

- la surveillance radiologique du navire d'affectation de M. A..., assurée par la dosimétrie d'ambiance servant à évaluer en permanence l'exposition réelle des lieux de travail ou de vie, a été considérée comme normale, étant donné que la dose reçue égale à 0 témoignait de l'absence totale de dangerosité dans cette zone, et le positionnement du navire lors des essais confirme le fait qu'il ne se trouvait pas dans la zone des retombées ;

- il ressort de l'analyse du document déclassifié évoqué par l'appelant, établie par le chef du département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires, que l'activité Beta de l'air atmosphérique prélevé et mesuré au PCR à bord du navire, a révélé des niveaux de radioactivité atmosphérique dont la dose équivalente totale, qui correspond au total des pics de radioactivité mesurés à l'extérieur du bâtiment, est considérée comme négligeable puisque largement moins élevée que la limite réglementaire d'exposition autorisée pour le public ;

- M. A..., dont l'activité professionnelle n'était pas de nature à ce qu'il soit appelé à exécuter une opération en zone surveillée ou en zone contrôlée, a bénéficié d'une surveillance suffisante de l'irradiation, par dosimètre, qui est un instrument de mesure fiable, pour les périodes du 7 juin au 19 juillet, puis du 19 juillet au 30 août et enfin du 30 août au 3 octobre 1968, et a révélé une dose d'exposition de 0 mSv ; il a également fait l'objet d'un examen anthropogammamétrique, réalisé le 25 juillet 1968, et pour lequel le résultat global s'est avéré normal puisque l'indice de tri permettant d'évaluer la contamination interne est inférieur à 2, soit 0,70 ; le risque de contamination interne était limité étant donné que le personnel militaire ou civil en poste ne consommait aucun légume, fruit, poisson provenant des sites d'expérimentation dont l'usage était rigoureusement interdit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ;

- le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 mars 2016 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que M. A..., né le 3 mars 1948, a été affecté, du 9 février 1968 au 28 février 1970, en qualité de mécanicien de pont d'envol à bord du porte-avions Clémenceau ; que ce navire, présent en Polynésie française du 18 mai 1968, date de son arrivée à Tahiti, jusqu'à son départ pour Brest, le 16 octobre 1968, a participé alors à une campagne d'expérimentation durant laquelle il a été procédé à cinq tirs nucléaires atmosphériques ; que M. A..., qui a développé une leucémie myéloïde chronique diagnostiquée le 23 mai 2005, a présenté, par une lettre du 30 juin 2010, une demande d'indemnisation des préjudices subis adressée au Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), en se prévalant des dispositions de la loi susvisée n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; que le ministre de la défense a, par une décision du 11 juillet 2011, conformément à la recommandation émise par le CIVEN, rejeté la demande présentée par M. A... ; que celui-ci fait appel du jugement du 26 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision du 11 juillet 2011 et à l'indemnisation des préjudices subis en conséquence de la maladie dont il souffre ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français modifiée : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit " ; que l'article 2 de cette même loi définit les conditions de temps et de lieu de séjour ou de résidence que le demandeur doit remplir ; qu'aux termes du I de l'article 4 de cette même loi, dans sa version applicable au litige : " Les demandes d'indemnisation sont soumises à un comité d'indemnisation (...) " et qu'aux termes du II de ce même article : " Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 11 juin 2010 pris pour l'application de la loi du 5 janvier 2010, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Le comité d'indemnisation détermine la méthode qu'il retient pour formuler sa recommandation au ministre en s'appuyant sur les méthodologies recommandées par l'Agence internationale de l'énergie atomique. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu faire bénéficier toute personne souffrant d'une maladie radio-induite ayant résidé ou séjourné, durant des périodes déterminées, dans des zones géographiques situées en Polynésie française et en Algérie, d'une présomption de causalité aux fins d'indemnisation du préjudice subi en raison de l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires ; que, toutefois, cette présomption peut être renversée lorsqu'il est établi que le risque attribuable aux essais nucléaires, apprécié tant au regard de la nature de la maladie que des conditions particulières d'exposition du demandeur, est négligeable ; qu'à ce titre, l'appréciation du risque peut notamment prendre en compte le délai de latence de la maladie, le sexe du demandeur, son âge à la date du diagnostic, sa localisation géographique au moment des tirs, les fonctions qu'il exerçait effectivement, ses conditions d'affectation, ainsi que, le cas échéant, les missions de son unité au moment des tirs ;

4. Considérant que le calcul de la dose reçue de rayonnements ionisants constitue l'un des éléments sur lequel l'autorité chargée d'examiner la demande peut se fonder afin d'évaluer le risque attribuable aux essais nucléaires ; que si, pour ce calcul, l'autorité peut utiliser les résultats des mesures de surveillance de la contamination tant interne qu'externe des personnes exposées, qu'il s'agisse de mesures individuelles ou collectives en ce qui concerne la contamination externe, il lui appartient de vérifier, avant d'utiliser ces résultats, que les mesures de surveillance de la contamination interne et externe ont, chacune, été suffisantes au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé, et sont ainsi de nature à établir si le risque attribuable aux essais nucléaires était ou non négligeable ; qu'en l'absence de mesures de surveillance de la contamination interne ou externe et en l'absence de données relatives au cas des personnes se trouvant dans une situation comparable à celle du demandeur du point de vue du lieu et de la date de séjour, il appartient à cette même autorité de vérifier si, au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé précisées ci-dessus, de telles mesures auraient été nécessaires ; que si tel est le cas, l'administration ne peut être regardée comme rapportant la preuve de ce que le risque attribuable aux essais nucléaires doit être regardé comme négligeable et la présomption de causalité ne peut être renversée ;

5. Considérant qu'il est constant que M. A... a été affecté, ainsi qu'il a été dit au point 1, du 9 février 1968 au 28 février 1970, en qualité de mécanicien de pont d'envol, sur le porte-avions Clémenceau, lequel a participé à la campagne d'expérimentations nucléaires en Polynésie française, du 18 mai au 16 octobre 1968 ; que M. A... a ainsi séjourné dans des lieux et durant une période correspondant aux dispositions de l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 ; qu'il est également constant qu'il a été atteint d'une leucémie et qu'il souffre ainsi de l'une des pathologies figurant sur la liste des maladies annexée au décret du 11 juin 2010 ; que, pour rejeter sa demande d'indemnisation, le ministre de la défense s'est toutefois fondé sur le motif tiré de ce que le risque attribuable aux essais nucléaires français dans la survenance de la maladie dont l'intéressé est exactement atteint était négligeable, se conformant en cela à la recommandation du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français (CIVEN), lequel avait indiqué que, compte tenu du niveau de l'exposition aux rayonnements ionisants de l'intéressé lors de sa présence sur le site, la probabilité, évaluée selon les recommandations de l'Agence internationale de l'énergie atomique, d'une relation de causalité entre cette exposition et ladite maladie, était très inférieure à 1 % ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la méthode retenue par le CIVEN pour évaluer le risque attribuable aux essais nucléaires s'appuie sur une pluralité de critères, recommandés par l'Agence internationale de l'énergie atomique, notamment sur les conditions particulières d'exposition de l'intéressé, et qui, pour le calcul de la dose reçue de rayonnements ionisants, prend en compte, au titre de la contamination externe, les résultats de mesures de surveillance individuelles ou collectives disponibles ou, en leur absence, la dose équivalente à la valeur du seuil de détection des dosimètres individuels pour chaque mois de présence, fondée sur des données de surveillance radiologique atmosphérique permanente effectuée dans les centres d'essais nucléaires et, au titre de la contamination interne, les résultats des mesures individuelles de surveillance, ou en leur absence, les résultats des mesures de surveillance d'individus placés dans des situations comparables ; que ces critères, ainsi qu'il a été dit ci-dessus aux points 2 et 3, ne méconnaissent pas les dispositions de la loi et permettent, sur ce fondement, d'établir, le cas échéant, le caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie dont souffre l'intéressé ; que, par suite, le requérant ne peut se prévaloir de ce que la méthode utilisée par le CIVEN ne permettait pas de caractériser l'existence d'un risque négligeable attribuable aux essais nucléaires ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des informations produites par le ministre de la défense relatives à la position du porte-avions Clémenceau au moment de chacun des essais nucléaires pratiqués lorsqu'il se trouvait en Polynésie française, que ce navire était stationné, respectivement, à près de 68 km au Sud-sud-ouest du point zéro à Mururoa lors de l'essai Capella (sous ballon) du 7 juillet 1968, à plus de 50 km au sud-sud-est du point zéro à Mururoa lors de l'essai Castor (sous ballon) du 15 juillet 1968, à 50 km au nord-ouest du point zéro à Mururoa lors de l'essai Pollux (sous ballon) du 3 août 1968, à 88 km au nord du point zéro à Fangataufa lors de l'essai Canopus (sous ballon) du 24 août 1968 et, enfin, à 84 km sud-sud-est du point zéro à Mururoa lors de l'essai Procyon (sous ballon) du 8 septembre 1968 ; qu'il en ressort également que le porte-avions Clémenceau n'a, durant la campagne d'expérimentations nucléaires au centre d'expérimentations du Pacifique, de juillet à septembre 1968, au sein de la force Alpha, jamais pénétré dans le lagon de Mururoa, compte tenu de sa mission de surveillance et de sécurisation, qui le tenait nécessairement éloigné de la zone d'expérimentation au moment de l'essai, et que ce bâtiment n'a pas participé directement aux opérations de tir ou de reconnaissance radiologique après les tirs ; qu'un extrait, également produit, d'un document déclassifié relatif aux retombées sur la Polynésie à la suite de la campagne d'essais de 1968, concernant le porte-avions Clémenceau, qui présente la radioactivité atmosphérique Béta à l'extérieur du bâtiment durant l'année 1968, et montre un pic de la radioactivité les 5, 15, 21 et 23 août, fait ainsi apparaître une dose équivalente totale égale à 13,3 micro-Sieverts, 70 fois inférieure à la limite réglementaire d'exposition pour le public, laquelle est fixée à 1000 micro-Sieverts ; qu'il ne ressort pas de ces pièces, et notamment d'une fiche médico-radiobiologique produite par M. A..., mentionnant ses fonctions à la " chaufferie " du porte-avions Clémenceau, que ce dernier, affecté en qualité de mécanicien à bord de ce bâtiment, y aurait exercé des fonctions en zone surveillée ou en zone contrôlée l'ayant particulièrement exposé à une irradiation, alors que le ministre fait également valoir qu'à l'époque, les mesures de contrôle de l'exposition aux rayonnements ionisants avaient constaté que seules les personnes exerçant une fonction de décontamineur sur ce bâtiment, ou appartenant au groupe aéronaval, avaient reçu des doses positives de rayonnement et que les pièces produites par le ministre montrent que la dose cumulée individuelle entre le 7 juin et le 3 octobre 1968 a été égale à 0 millirem pour 97 % du personnel embarqué sur ce bâtiment ; qu'il en ressort, enfin, que M. A... a fait l'objet, durant la période de participation de son bâtiment d'affectation à la campagne d'essais nucléaires, de mesures de surveillance de la contamination tant externe, par le port d'un dosimètre individuel externe et la mise en place d'un dosimètre collectif d'ambiance, qu'interne, résultant d'un examen d'anthropogammamétrie, pratiqué le 25 juillet 1968 ; qu'ainsi, au regard des conditions d'exposition de M. A..., eu égard aux fonctions exercées par ce dernier, aux missions et à la localisation du porte-avions Clémenceau lors de la campagne de tirs, les mesures de surveillance de la contamination interne et externe ont, chacune, été suffisantes ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la maladie dont souffre M. A... a été diagnostiquée en 2005, trente sept années après la fin de sa période de présence en Polynésie française ; qu'il en résulte également que pour émettre, lors de sa séance du 14 décembre 2010, sa recommandation, suivie par le ministre de la défense, selon laquelle le risque attribuable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie de M. A... pouvait être considéré comme négligeable, le CIVEN s'est fondé, en particulier, d'une part, sur les mentions du " relevé d'irradiation externe ", établi le 28 octobre 2005 par le médecin en chef responsable du département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires, faisant apparaître, au vu des mesures d'un dosimètre externe, effectuées durant la période comprise entre le 7 juin et le 3 octobre 1968, une dose " organisme entier " de rayonnement relevée sur l'intéressé, égale à 0 millirem (mrem) et, d'autre part, sur le " relevé d'irradiation externe ", établi le même jour par ledit médecin chef, faisant apparaître, au vu des mesures d'un dosimètre collectif d'ambiance, à bord du porte-avions Clémenceau, une dose " organisme entier " de rayonnement égale à 0 millirem (mrem) pour la période de juin à septembre 1968 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les dosimètres individuels et d'ambiance utilisés pour la radioprotection lors des essais nucléaires français en Polynésie n'étaient pas de nature à permettre des mesures fiables ; que le CIVEN s'est également fondé sur les résultats d'un examen d'anthropogammamétrie, réalisé le 25 juillet 1968 faisant apparaître, ainsi qu'il résulte de la fiche d'anthropogammamétrie produite par le ministre de la défense, un indice de tri de 0,70, soit un résultat, inférieur à 2, normal ; que la mesure ainsi effectuée par un examen d'anthropogammamétrie, de nature à permettre de déceler, plus d'un an après leur incorporation dans l'organisme, la présence de radioéléments gamma émetteur à des doses très faibles, et ainsi à mettre en évidence la contamination interne résultant de l'ingestion ou l'inhalation de particules radioactives, et donc de la diffusion plasmatique de radioéléments dans tous les compartiments de l'organisme, qui se traduit par l'exposition aux rayonnements ionisants de certains organes, a conduit en l'espèce à conclure à un examen normal ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier des seules affirmations de M. A... selon lesquelles l'appareil de spectrogammamétrie serait d'un maniement délicat, que les résultats obtenus ne sont pas fiables ; que, dans ces conditions, eu égard au caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie de M. A..., le requérant ne peut invoquer la présomption résultant des dispositions du II de l'article 4 de la loi du 5 janvier 2010 ; que, par suite, en l'absence de démonstration d'un lien de causalité certain et direct entre l'exposition de M. A... aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la maladie dont il souffre, le ministre de la défense était fondé à rejeter la demande d'indemnisation présentée par l'intéressé ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de sa requête aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... A... et au ministre de la défense.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mars 2016.

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N° 14LY01628


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01628
Date de la décision : 24/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-08 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service de l'armée.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-24;14ly01628 ?
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