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17/03/2016 | FRANCE | N°15LY02164

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 15LY02164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E..., M. B...F...et M. D...G...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 23 juin 2015 par lequel le préfet de la Drôme a mis en demeure les personnes appartenant à la communauté des gens du voyage installée sur le stade Beaulieu à Montélimar de quitter le terrain qu'ils occupent sans titre et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503869 du 27 juin 2015, le

tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E..., M. B...F...et M. D...G...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 23 juin 2015 par lequel le préfet de la Drôme a mis en demeure les personnes appartenant à la communauté des gens du voyage installée sur le stade Beaulieu à Montélimar de quitter le terrain qu'ils occupent sans titre et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503869 du 27 juin 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2015 et un mémoire, enregistré le 8 décembre 2015, M.E..., M. F...et M.G..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 juin 2015 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 juin 2015 par lequel le préfet de Drôme a mis en demeure les personnes appartenant à la communauté des gens du voyage de quitter le terrain qu'ils occupent sans titre à Montélimar ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il a été rendu sans que les requérants ou leur conseil aient été destinataires des pièces jointes au mémoire du préfet, ce que le conseil des requérants a d'ailleurs fait remarquer par note en délibéré ;

- le jugement est entaché d'omission à statuer dès lors que bien qu'ayant relevé le moyen tiré de l'absence de publication au recueil des actes administratifs de l'arrêté du maire de Montélimar en date du 10 mai 2007 interdisant le stationnement des gens du voyage, il n'a pas statué sur ce moyen, se bornant à déclarer que cet arrêté était légal sur le fond sans aborder la question de sa publication ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut de base légale et de violation de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 en ce qu'il est fondé sur l'arrêté du 10 mai 2007 du maire de Montélimar interdisant le stationnement qui est illégal dès lors qu'à la date à laquelle il a été pris, la commune n'avait pas encore mis à la disposition de gens du voyage l'aire de stationnement prescrite par le schéma départemental d'accueil des gens du voyage ;

- il n'est pas justifié que l'arrêté du 10 mai 2007 est exécutoire comme ayant été transmis au préfet, affiché et publié au recueil des actes administratifs du département ;

- l'arrêté a été pris en violation de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 en l'absence d'atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique ; que le motif tiré d'un branchement illicite en eau ne figure pas dans l'arrêté et qu'en outre un tel branchement, effectué sur une arrivée d'eau du stade, ne comportait aucun risque ; que le branchement électrique a été sécurisé et ne comportait aucun risque ; que l'empêchement allégué d'activités sportives destinées aux jeunes n'est établi par aucune pièce communiquée alors que les requérants établissent qu'il existe à Montélimar d'autres terrains de sport ; que le risque de dégradation du terrain n'est pas établi ; que l'annulation d'un tournoi de rugby les 22 et 23 juin n'est pas davantage établie ;

- l'arrêté est entaché d'erreur d'appréciation quant au délai imparti pour quitter les lieux alors que ce délai est trop bref et que l'aire de grand passage du département, située à Valence, était en travaux, ce que le préfet n'est pas en mesure de contredire ; que l'expulsion des familles comprenant des personnes âgées et des enfants porterait atteinte à leur vie privée, familiale et domiciliaire en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 août et le 15 décembre 2015, le préfet de la Drôme conclut, à titre principal, au non lieu à statuer, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, dès lors que la communauté des gens du voyage a quitté le stade, la demande est dépourvue d'objet, de sorte qu'il y a lieu de prononcer un non-lieu à statuer ;

- à titre subsidiaire, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 10 mai 2007 serait inopposable au motif qu'il n'aurait pas été transmis au préfet et publié au recueil des actes administratifs manque en fait ; les autres moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage modifiée par la loi n° 2000-297 du 5 mars 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

Une note en délibéré a été enregistrée le 9 mars 2016 pour M.E..., M. F...et M. G....

1. Considérant que par un jugement du 27 juin 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M.E..., M. F...et M. G...tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2015, par lequel le préfet de la Drôme a mis en demeure les personnes appartenant à la communauté des gens du voyage de quitter le terrain qu'ils occupaient sans titre à Montélimar ; que M.E..., M. F...et M. G...font appel de ce jugement ;

Sur le non lieu à statuer opposé par le préfet de la Drôme à la demande :

2. Considérant que la communauté des gens du voyage, à laquelle appartiennent notamment M.E..., M. F...et M.G..., a quitté, le 2 juillet 2015, le stade Beaulieu de Montélimar sur lequel elle s'était installée, pour partir vers une autre destination ; que cependant, dès lors que l'arrêté du 23 juin 2015 du préfet de la Drôme n'a pas été retiré, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les requérants contestent, dans le délai de recours contentieux, le jugement du 27 juin 2015 du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté leur demande d'annulation dudit arrêté ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient le préfet de la Drôme, la requête de M.E..., M. F...et M. G... n'est pas privée d'objet ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mémoire en défense du préfet de la Drôme du 26 juin 2015 a été enregistré par le greffe du tribunal administratif de Grenoble, une première fois dans une version incomplète en ce qui concerne les conclusions, accompagné des pièces, le 26 juin, à 10h50, une seconde fois, dans une version complète en ce qui concerne les conclusions, mais sans les pièces qui y étaient annexées, le 26 juin, à 11h21 ; que,

MeC..., le conseil de M. E..., M. F... et M. G..., n'a été destinataire que de la seconde version de ce mémoire ; qu'il appartenait néanmoins au tribunal de communiquer aux requérants les deux versions du mémoire ainsi que les pièces y annexées ; qu'en s'abstenant de procéder de la sorte, le tribunal a méconnu les exigences qui découlent des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative qui sont destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction ; que le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il a été rendu sans que les requérants ou leur conseil aient été destinataires des pièces jointes au mémoire du préfet, ce que le conseil des requérants a d'ailleurs fait valoir par note en délibéré, à l'issue de l'audience devant le tribunal administratif de Grenoble ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de régularité du jugement, que les requérants sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M.E..., M. F...et M. G...devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la légalité de l'arrêté du 23 juin 2015 :

6. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 2 de la loi du 5 juillet 2000 précitée que : " I - Les communes figurant au schéma départemental en application des dispositions des II et III de l'article 1er sont tenues, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en oeuvre. Elles le font en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d'accueil, aménagées et entretenues. Elles peuvent également transférer cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale chargé de mettre en oeuvre les dispositions du schéma départemental ou contribuer financièrement à l'aménagement et à l'entretien de ces aires d'accueil dans le cadre de conventions intercommunales. [...] III. - Le délai de deux ans prévu au I est prorogé de deux ans, à compter de sa date d'expiration, lorsque la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale a manifesté, dans ce délai, la volonté de se conformer à ses obligations : / - soit par la transmission au représentant de l'Etat dans le département d'une délibération ou d'une lettre d'intention comportant la localisation de l'opération de réalisation ou de réhabilitation d'une aire d'accueil des gens du voyage ; / - soit par l'acquisition des terrains ou le lancement d'une procédure d'acquisition des terrains sur lesquels les aménagements sont prévus ; / - soit par la réalisation d'une étude préalable. / Le délai d'exécution de la décision d'attribution de subvention, qu'il s'agisse d'un acte unilatéral ou d'une convention, concernant les communes ou établissements publics de coopération intercommunale qui se trouvent dans la situation ci-dessus est prorogé de deux ans. " ; et de l'article 9 : " Dès lors qu'une commune remplit les obligations qui lui incombent en application de l'article 2, son maire ou, à Paris, le préfet de police, peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d'accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l'article 1er. [...] / II - En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. "

7. Considérant, en premier lieu, que les requérants sont recevables à exciper à l'appui de leur contestation de l'arrêté du 23 juin 2015, par lequel le préfet de la Drôme les a mis en demeure de quitter le terrain qu'ils occupaient à Montélimar, de l'illégalité de l'arrêté du maire de Montélimar du 10 mai 2007 interdisant le stationnement des gens du voyage dans cette commune, compte tenu de ce que l'arrêté qu'ils attaquent a été pris en application de ce dernier ; qu'il résulte de l'instruction que l'aire d'accueil des gens du voyage de la commune de Montélimar a été ouverte le 1er juillet 2007 ; que, dès lors, la commune de Montélimar pouvait, dans les conditions susmentionnées, être regardée comme ayant satisfait aux obligations qui lui incombaient en application de l'article 2 précité de la loi du 5 juillet 2000 au jour de l'édiction de l'arrêté du 23 juin 2015 ; que les requérants ne sont, par ailleurs, pas fondés à soutenir que l'arrêté du 10 mai 2007 n'était pas exécutoire alors qu'il a été publié au recueil des actes administratifs de la commune de Montélimar et transmis au préfet de la Drôme en mai 2007 ; que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 10 mai 2007 doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que l'arrêté du préfet de la Drôme du 23 juin 2015 a été pris en violation de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 en l'absence d'atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique ; qu'il ressort des pièces du dossier que les 57 caravanes de la communauté des gens du voyage ont stationné sur le terrain de rugby du stade Beaulieu appartenant à la commune de Montélimar jusqu'au 2 juillet 2015 ; qu'outre un branchement d'eau illicite, les occupants du terrain ont eux-mêmes procédé à des branchements sur le réseau électrique qui étaient de nature à créer un risque pour la sécurité des personnes ; qu'il ressort des pièces produites par la commune que l'installation des caravanes sur le terrain de rugby a empêché que les équipes de jeunes sportifs participent aux séances d'entraînements qui y étaient prévues jusqu'au 4 juillet 2015 à raison de quatre jours par semaine ; que l'occupation illicite du terrain de Beaulieu a ainsi fait obstacle à l'utilisation normale de l'équipement sportif ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'occupation du terrain en cause ne portait pas atteinte à la sécurité et à la tranquillité publique ;

9. Considérant, en dernier lieu, que les dispositions de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 laissent aux personnes installées en dehors des aires d'accueil aménagées un délai de 24 heures minimum pour l'exécution de la mise en demeure qui leur est faite de quitter les lieux, à compter de la notification de la décision ; qu'en l'espèce, les requérants se sont vu accorder un délai de 24 heures ; que, d'autre part, ils ne démontrent pas en quoi l'octroi d'un délai limité à 24 heures aurait en l'espèce porté atteinte à leur droit au respect de leur vie privée, familiale et domiciliaire ; que par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Drôme aurait méconnu les dispositions de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M.E..., M. F...et

M. G...ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Drôme du 23 juin 2015 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées sur ce fondement par M.E..., M. F...et M. G...doivent, par suite, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 27 juin 2015 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M.E..., M. F...et M. G...devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que leurs conclusions présentées devant la cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.E..., M. F...et M. G...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 18 février 2016 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président de chambre,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Samson Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mars 2016.

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N° 15LY02164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02164
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-03 Police. Polices spéciales. Police des gens du voyage.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : CANDON

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-17;15ly02164 ?
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