La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2016 | FRANCE | N°14LY03270

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 14LY03270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...et M. D...F...ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le marché conclu le 19 novembre 2013 entre la commune de Sens et la société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural (SICAHR) de l'Aube portant sur un marché de maîtrise d'oeuvre pour la réhabilitation du centre social des Chaillots à Sens et de condamner la commune de Sens, à titre principal, à leur verser la somme de 18 686,25 euros HT correspondant au manque à gagner résultant du rejet de leur offre, à titre sub

sidiaire, de condamner cette commune à leur verser la somme de 4 015 euros HT...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...et M. D...F...ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le marché conclu le 19 novembre 2013 entre la commune de Sens et la société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural (SICAHR) de l'Aube portant sur un marché de maîtrise d'oeuvre pour la réhabilitation du centre social des Chaillots à Sens et de condamner la commune de Sens, à titre principal, à leur verser la somme de 18 686,25 euros HT correspondant au manque à gagner résultant du rejet de leur offre, à titre subsidiaire, de condamner cette commune à leur verser la somme de 4 015 euros HT en vue du remboursement des frais inutilement engagés par eux pour soumissionner.

Par un jugement n° 1400232 du 7 août 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. C...et de M.F..., les a condamnés solidairement à verser la somme de 1 000 euros à la SICAHR de l'Aube ainsi que la somme de 210 euros à la commune de Sens.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 20 octobre 2014 et des mémoires enregistrés les 14 septembre 2015, les 7, 10 et 22 octobre 2015 et le 9 novembre 2015, M. C...et M.F..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) de réformer ou d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler le marché passé le 20 novembre 2013 entre la commune de Sens et la SICAHR de l'Aube portant sur un marché de maîtrise d'oeuvre pour la réhabilitation du centre social des Chaillots à Sens ;

3°) de condamner la commune de Sens à verser à M. C...et M.F..., à titre principal, une somme globale de 18 686,25 euros HT en vue de les indemniser du manque à gagner du fait de leur éviction du marché ou, subsidiairement, condamner la commune à leur verser la somme de 4 015 euros HT en vue du remboursement des frais engagés par eux pour soumissionner ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Sens le versement d'une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement du tribunal administratif de Dijon est entaché d'irrégularité pour omission à statuer sur la capacité juridique de la SICAHR de l'Aube à candidater, pour omission à statuer sur l'offre anormalement basse de cette société et pour insuffisance de motivation quant à l'appréciation portée sur sa capacité technique ;

- le jugement du tribunal administratif de Dijon est entaché d'erreurs de droit et d'inexactitudes matérielles en considérant que la SICAHR de l'Aube se conformait aux prescriptions de l'article L. 531-1 et R. 532-4 du code rural, que le pouvoir adjudicateur n'était pas autorisé à opérer un contrôle de l'objet social de cette société et que le périmètre d'action de celle-ci l'autorisait à candidater à ce marché ;

- le tribunal administratif de Dijon a dénaturé les faits de l'espèce en considérant qu'aucune compétence particulière en matière d'acoustique n'était requise et en se contentant des affirmations de la SICAHR de l'Aube quant à la possession par elle d'une référence professionnelle en la matière ;

- la sélection de la SICAHR de l'Aube traduit une méconnaissance du règlement de consultation alors qu'au regard de l'insuffisance de précision de la pondération des sous-critères de notation et des exigences précisément attendues des offres des candidats, les principes d'égalité et de transparence ont été méconnus ;

- l'offre retenue de la SICAHR de l'Aube était anormalement basse ;

- en considérant que les écarts relevés entre les seuls prix proposés par la SICAHR de l'Aube et par le groupement C...n'étaient pas significatifs et n'obligeaient pas le pouvoir adjudicateur à procéder des examens complémentaires, le tribunal a entaché son jugement d'inexactitude matérielle, d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit ;

- les motifs du rejet de leur offre, tels que ces motifs ont été communiqués au groupement, ne satisfont pas aux exigences de l'article 83 du code des marchés publics et le groupement a été, de ce fait, privé de la possibilité " d'exercer un recours en référé précontractuel ;

- le choix retenu de la SICAHR de l'Aube trahit de la part du pouvoir adjudicateur une méconnaissance des règles de concurrence ;

- les fautes commises par le pouvoir adjudicateur, eu égard à leur particulière gravité, justifient l'annulation du marché et, à titre principal, l'indemnisation des requérants à raison du manque à gagner qui a été le leur, soit la somme de 18 686, 25 € HT, ou, à titre subsidiaire, leur indemnisation au titre des seuls frais exposés par eux pour soumissionner, soit la somme de 4 015 € HT.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 février, 28 septembre et 2 novembre 2015, la société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural (SICAHR) de l'Aube, représentée par la SELARL d'avocats Cornet-Vincent-Ségurel, conclut au rejet de la requête et à la condamnation du groupement C...à lui verser une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Dijon est parfaitement motivé et n'est pas entaché d'omission à statuer ;

- la SICAHR de l'Aube justifie de ses capacités juridiques et techniques à se voir attribuer le marché ;

- les critères de sélection mis en oeuvre par le pouvoir adjudicateur n'ont pas été de nature à entacher la procédure de passation du marché d'irrégularités ;

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté le moyen des requérants tiré de la différence entre l'estimation du pouvoir adjudicateur et le prix proposé par la SICAHR de l'Aube et a écarté la qualification d'offre anormalement basse ;

- le groupement C...n'est pas fondé à soutenir que la commune de Sens aurait méconnu les articles 80 et 83 du code des marchés publics et ne peut prétendre avoir été privé de la possibilité d'exercer un recours en référé précontractuel ;

- elle justifie de la régularité de sa situation fiscale, de sorte qu'elle justifie de l'absence totale d'atteinte à la concurrence par l'attribution du marché en cause ;

- l'annulation du marché emporterait des conséquences excessives sur l'intérêt général, de sorte que les conclusions d'annulation du groupement doivent être rejetées ;

- faute pour le groupement de justifier de la réalité de son préjudice, sa demande indemnitaire ne pourra qu'être rejetée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 février, 7 et 20 octobre 2015, la commune de Sens, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation du groupement C...à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du cde de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas commis d'omission à statuer ni n'a manqué à son obligation de motivation ;

- les appelants se contentent de simples affirmations et n'établissent pas en quoi les justifications apportées par la SICAHR de l'Aube seraient insuffisantes pour justifier que cette société répondait aux exigences des articles L. 531-1 et R. 532-4 du code rural ;

- le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en retenant qu'aucune disposition n'imposait à la commune de Sens de vérifier que l'objet social de la SICAHR correspondait à l'objet du marché litigieux ;

- l'affirmation selon laquelle le tribunal administratif a dénaturé les faits de l'espèce en considérant qu'aucune compétence particulière en matière d'acoustique n'était requise de la part de l'attributaire du marché, est erronée ;

- la commune de Sens n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en retenant la candidature de la SICAHR de l'Aube ;

- il ne peut être soutenu que les dispositions du règlement de consultation auraient été méconnues ;

- le pouvoir adjudicateur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en oeuvre la procédure d'exclusion d'une offre anormalement basse s'agissant de celle présentée par la SICAHR de l'Aube ;

- les appelants ne peuvent valablement soutenir que la commune de Sens aurait failli à son obligation de motivation de la décision de rejet de l'offre du groupement au regard des articles 80 et 83 du code des marchés publics ;

- les demandes indemnitaires des appelants seront rejetées alors, au surplus, que ceux-ci ne justifient aucunement le chiffrage des préjudices qu'ils allèguent avoir subis.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code rural ;

- le code de l'environnement ;

- le code des marchés financiers ;

- la loi n°77-2 du 3 janvier 1977 ;

- le décret n°78-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- l'arrêté du 28 août 2006 pris en application de l'article 45 du code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant MM. C...etF..., etG..., représentant la SICAHR de l'Aube ;

1. Considérant que par un avis d'appel public à la concurrence publié au bulletin officiel des marchés publics le 6 juillet 2013, la commune de Sens a lancé une consultation en vue de l'attribution, selon la procédure adaptée mentionnée à l'article 28 du code des marchés publics, un marché de maîtrise d'oeuvre portant sur la réhabilitation du centre social des Chaillots dans cette commune ; que, par courrier en date du 22 octobre 2013, le pouvoir adjudicateur a informé le groupementC..., architectes, du rejet de son offre ; que le marché de maîtrise d'oeuvre a été signé le 19 novembre 2013 entre la commune de Sens et la société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural (SICAHR) de l'Aube ; que, par avis d'attribution en date du 26 novembre 2013, la commune de Sens a porté à la connaissance des candidats dont l'offre n'avait pas été retenue, l'identité de l'attributaire, le montant du marché ainsi que sa date de notification ; que MM. C...etF..., membres du groupementC..., ont contesté la validité du marché ainsi conclu et ont demandé à être indemnisés, à titre principal de leur manque à gagner et, à titre subsidiaire, des frais inutilement engagés par eux en vue de soumissionner ; qu'ils relèvent appel du jugement du 7 août 2014 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que pour rejeter les conclusions du groupement C...tendant à contester, au vu de ses statuts, la capacité juridique de la SICAHR de l'Aube à participer à la procédure de passation du marché, les premiers juges ont retenu " que les statuts du SICAHR précisent que sa circonscription territoriale comprend " le département et les régions limitrophes " et ont précisé " ...que les dispositions précitées, eu égard à leur caractère général et imprécis, ne pouvaient avoir pour effet d'interdire à une telle société de se porter candidate au marché en litige " ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer sur le moyen des requérants tirés du défaut de capacité juridique de la SICAHR de l'Aube à candidater manque en fait et doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le tribunal administratif de Dijon, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par le groupementC..., n'a pas davantage entaché son jugement d'insuffisance de motivation en s'abstenant d'indiquer la nature précise de la référence professionnelle qui permettait à la société attributaire de prouver sa capacité technique, notamment en matière phonique et acoustique ;

4. Considérant, en dernier lieu, que, si les requérants soutiennent que les premiers juges auraient commis des erreurs de droit ou de fait susceptibles d'affecter la validité de la motivation du jugement en ce que celui-ci n'aurait pas répondu à la totalité du moyen tiré de ce que l'écart de prix entre l'offre de la SICAHR de l'Aube et les prix des offres des autres concurrents ne saurait être apprécié dès lors que le montant de ces dernières offres n'avait pas été communiqué, une telle erreur de motivation dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, resterait, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que, ainsi saisi de telles conclusions par le concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après voir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

En ce qui concerne la motivation du rejet de la candidature du groupement :

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 28 du code des marchés publics : " I.-Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat. Le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix. Pour la détermination de ces modalités, le pouvoir adjudicateur peut s'inspirer des procédures formalisées, sans pour autant que les marchés en cause soient alors soumis aux règles formelles qu'elles comportent. En revanche, s'il se réfère expressément à l'une de ces procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur est tenu de l'appliquer dans son intégralité. Quel que soit son choix, le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des opérateurs économiques plus de renseignements ou de documents que ceux prévus pour les procédures formalisées par les articles 45, 46 et 48. (...) " ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 80 du code des marchés publics : " I.-1° Pour les marchés et accords-cadres passés selon une procédure formalisée autre que celle prévue au II de l'article 35, le pouvoir adjudicateur, dès qu'il a fait son choix pour une candidature ou une offre, notifie à tous les autres candidats le rejet de leur candidature ou de leur offre, en leur indiquant les motifs de ce rejet. Cette notification précise le nom de l'attributaire et les motifs qui ont conduit au choix de son offre aux candidats ayant soumis une offre et à ceux n'ayant pas encore eu communication du rejet de leur candidature " et qu'aux termes de l'article 83 du même code : " Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat écarté qui n'a pas été destinataire de la notification prévue au 1° du I de l'article 80 les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre dans les quinze jours de la réception d'une demande écrite à cette fin " ;

8. Considérant que le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait notifié au groupement le rejet de son offre sans exposer les motifs de ce rejet, ce en méconnaissance des dispositions susmentionnées des articles 80 et 83 du code des marchés publics et aurait, par suite, privé les requérants de la faculté d'exercer un recours en référé précontractuel, est inopérant dès lors que lesdites dispositions ne sont pas applicables aux marchés passés, comme en l'espèce, en procédure dite " adaptée " sur le fondement de l'article 28 précité du code des marchés publics ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que par courrier en date du 22 octobre 2013, la commune de Sens a indiqué au groupement C...que le marché avait été attribué à la SICAHR de l'Aube, a précisé le rang de classement (3ème position) du groupement et la notation de son offre ainsi que celle de la société à laquelle ce marché a été attribué et a, enfin, complété cette information par l'envoi au groupement du rapport d'analyse des offres ainsi que par la publication d'un avis d'attribution ;

En ce qui concerne la validité du marché de maîtrise d'oeuvre :

Quant à la candidature de la SICAHR de l'Aube :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 45 du code des marchés publics : " I.- Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. Le pouvoir adjudicateur peut également exiger, si l'objet ou les conditions du marché le justifient, des renseignements relatifs à leur habilitation préalable, ou à leur demande d'habilitation préalable, en application des articles R. 2311-1 et suivants du code de la défense relatifs à la protection du secret de la défense nationale. / La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie. / Lorsque le pouvoir adjudicateur décide de fixer des niveaux minimaux de capacité, il ne peut être exigé des candidats que des niveaux minimaux de capacité liés et proportionnés à l'objet du marché. Les documents, renseignements et les niveaux minimaux de capacité demandés sont précisés dans l'avis d'appel public à concurrence ou, en l'absence d'un tel avis, dans les documents de la consultation (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2006 pris en application de l'article 45 du code des marchés publics : " A l'appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des capacités des candidats, le pouvoir adjudicateur ne peut demander, en application de l'article 45 du code des marchés publics ou de l'article 17 du décret du 30 décembre 2005 susvisé, que le ou les renseignements et le ou les documents suivants : - déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les fournitures, services ou travaux objet du marché, réalisés au cours des trois derniers exercices disponibles ; - déclaration appropriée de banques ou preuve d'une assurance pour les risques professionnels ; - bilans ou extraits de bilans, concernant les trois dernières années, des opérateurs économiques pour lesquels l'établissement des bilans est obligatoire en vertu de la loi ; (...) " et qu'aux termes de l'article 2 de ce même arrêté : " L'acheteur public précise dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le règlement de la consultation ceux des renseignements et documents énumérés à l'article 1er que doit produire le candidat " ; qu'il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution d'un marché public et que cette vérification s'effectue au vu des seuls renseignements ou documents prévus à l'article 1er précité de l'arrêté du 28 août 2006 ;

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 531-1 alinéa 2 du code rural et de la pêche maritime : " Les sociétés d'intérêt collectif agricole ont pour objet de créer ou de gérer des installations et équipements ou d'assurer des services soit dans l'intérêt des agriculteurs d'une région rurale déterminée, soit de façon plus générale dans celui des habitants de cette région sans distinction professionnelle. " ; qu'aux termes de l'article R. 532-4 du même code : " La moitié du chiffre d'affaires ou du volume des opérations des sociétés d'intérêt collectif agricole autres que celles soumises aux prescriptions d'un cahier des charges doit, au cours d'un exercice déterminé, être réalisée avec des sociétaires ayant la qualité d'agriculteurs ou de groupements pouvant s'affilier aux caisses de crédit agricole mutuel. " ;

11. Considérant que la SICAHR de l'Aube, en application des dispositions précitées de l'alinéa 2 de article L. 531-1 du code rural et de la pêche maritime, a pour vocation de créer ou de gérer des installations et équipements ou d'assurer des services, soit dans l'intérêt des agriculteurs d'une région rurale déterminée, soit de façon plus générale dans celui des habitants de cette région sans distinction professionnelle ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que son statut juridique de société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural faisait en lui-même obstacle à ce qu'elle se porte candidate au marché litigieux ;

12. Considérant, par ailleurs, que les statuts du SICAHR mentionnent que sa circonscription territoriale comprend " le département et les régions limitrophes " ; qu'il résulte de l'instruction que le siège social de la SICAHR de l'Aube est situé à Troyes, que le marché en litige devait s'exécuter à moins de 80 km de cette ville et que les départements de l'Aube et de l'Yonne sont limitrophes ; que le tribunal administratif de Dijon a pu estimer, par suite, sans se méprendre sur la portée des dispositions sus rappelées de l'article L. 531-1 alinéa 2 du code rural et de la pêche maritime, qu'eu égard à leur caractère général et imprécis, ces dispositions ne pouvaient avoir pour effet d'interdire à cette société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural de se porter candidate au marché en litige ;

13. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction, que le chiffre d'affaires de la SICAHR de l'Aube pour l'année 2013 est constitué, pour sa fraction égale à 381 681, 70 euros HT, de la somme des actions menées en vue de satisfaire les besoins exprimés par des agriculteurs et des affiliés et, pour sa fraction égale à 334 934,26 euros HT, de la somme des actions menées en vue de satisfaire les besoins exprimés par d'autres clients ; que, dès lors, le chiffre d'affaires réalisé par la SICAHR de l'Aube avec des sociétaires ayant la qualité d'agriculteurs ou de groupements pouvant s'affilier aux caisses de crédit agricole mutuel, dont le montant est légèrement supérieur à la moitié du chiffre d'affaires de cette société, était bien de nature à permettre à celle-ci d'être regardée comme se conformant aux obligations qui étaient les siennes en application des dispositions sus rappelées de l'article R. 532-4 du code rural et de se porter, en conséquence, candidate au marché en litige ;

14. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 3ème alinéa du I de l'article 52 du code des marchés publics : " (...) Les candidatures qui n'ont pas été écartées en application des dispositions de l'alinéa précédent sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. L'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier l'élimination d'un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d'examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats. L'appréciation des capacités professionnelles, techniques et financières d'un groupement est globale. Il n'est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des compétences techniques requises pour l'exécution du marché(...) " ; que l'article 2.3 du règlement de la consultation du marché en cause prévoyait que " le candidat ou le groupement de maîtrise d'oeuvre sera composé de spécialistes capables, ensemble, de maîtriser la totalité des disciplines concernées par la spécificité de l'ouvrage et réunissant au minimum les compétences nécessaires à l'objet du marché dans les domaines suivants : - Architectures ; - Etudes techniques : structure, fluide, isolation thermique et acoustique (...) " ;

15. Considérant d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la SICAHR de l'Aube, qui n'a pas soumissionné au marché sous la forme d'un groupement d'architectes, pouvait se prévaloir de l'emploi par elle de deux architectes salariés conformément à l'article 14 de la loi susvisée du 3 janvier 1977 selon lequel " ...l'architecte exerce selon l'un ou plusieurs modes suivants : (...) En qualité de salarié d'une société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural " ;

16. Considérant, d'autre part, que la SICAHR de l'Aube dont l'offre prévoyait qu'elle aurait recours à plusieurs sous-traitants dont la SARL FM21 en ce qui concerne la réalisation de l'étude thermique, a pu se prévaloir d'une expérience en matière de construction d'édifices nécessitant des obligations acoustiques ou phoniques particulières en faisant état de sa participation à une opération de conception d'un aménagement d'un auditorium ; que dès lors, compte tenu de l'objet du marché litigieux qui ne conduisait pas à l'édification d'un ensemble architectural centré autour d'un auditorium ou d'une salle de concert et alors au surplus qu'il n'est pas précisément établi par les requérants que cette opération nécessitait la maîtrise de techniques particulières en matière d'acoustique ou d'isolation sonore, le moyen tiré du défaut de capacités techniques et professionnelles de la société attributaire ne peut qu'être écarté ;

Quant à la valeur technique de l'offre de la SICAHR de l'Aube :

17. Considérant que les requérants soutiennent que la sélection de la SICAHR de l'Aube traduit de la part du pouvoir adjudicateur, une méconnaissance du règlement de consultation au regard de l'insuffisance de précision de la pondération des sous-critères de sélection ainsi que de la satisfaction des exigences techniques précisément attendues dans les offres des candidats ;

18. Considérant, d'une part, qu'il ressort de l'article 8.1 du règlement de la consultation que la valeur technique de l'offre serait appréciée en fonction notamment d'une note méthodologique comportant un chapitre relatif à l'" organisation de l'équipe ", noté sur 15 points sur 60 ; que ce règlement précisait que " La composition et l'organisation de l'équipe mise à disposition pour l'exécution du marché sera détaillée par phase (au minium conception et réalisation sur la durée des travaux) et les Curriculum vitae de toutes les personnes participants à l'exécution de la mission seront joints " ; que les informations demandées au titre de ce sous-critère, distinctes de celles sollicitées pour la présentation des candidatures, n'étaient pas étrangères à la nature des prestations demandées ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le sous-critère de sélection de l'offre " organisation de l'équipe " aurait relevé de la phase de sélection des candidats et non de celle de la sélection des offres doit être écarté ;

19. Considérant, d'autre part, qu'il ressort du même article du règlement de consultation que la définition du sous-critère " Méthodologie ", ainsi rédigée : " (Sous-pondération sur 15 points) Description des modalités d'exécution de la mission proposées en termes de : concertations avec les utilisateurs et la maitrise d'ouvrage ; maîtrise de la qualité architecturale, technique et environnementale ; maîtrise des coûts ; maîtrise des délais ", conduisait à une décomposition de ce sous-critère en divers items qui, constituant des simples éléments d'appréciation, n'avaient pas à être eux-mêmes pondérés ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à se soutenir que l'insuffisance de précision de la pondération de ce sous-critère entacherait d'irrégularité l'appréciation qui a été faite de l'offre présentée par la SICAHR de l'Aube ;

20. Considérant, enfin, qu'en se bornant à mettre en cause les compétences de l'attributaire en cette matière, les requérants n'établissent pas que l'offre retenue ne répondrait pas aux spécifications techniques acoustiques exigées par le marché ;

Quant au prix proposé par la SICAHR de l'Aube :

21. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 55 du code des marchés publics : " Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies (...) " ; qu'il résulte des dispositions citées ci-dessus que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse, de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé ;

22. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le prix proposé par la SICAHR était de 71 583,77 euros alors que celui du groupement C...s'élevait à 89 395,02 euros, le prix proposé par l'offre du concurrent classé 2ème s'élevant, pour sa part, à un montant de 74 044,36 euros ; que si le montant du marché a été initialement estimé par le pouvoir adjudicateur à 113 250 euros, soit une somme alors manifestement surévaluée, le seul écart de prix existant entre celui proposé par la société attributaire et ceux proposés par les autres candidats à l'attribution du marché, notamment par le groupement requérant, n'était pas tel qu'il incombait au pouvoir adjudicateur de mettre alors en oeuvre la procédure prévue par l'article 55 précité du code des marchés publics ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le prix proposé par le SICAHR aurait été manifestement sous-évalué et susceptible ainsi de compromettre la bonne exécution du marché ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'offre retenue aurait été anormalement basse, doit être écarté ;

23. Considérant, en second lieu, que si les requérants soutiennent que le statut et le régime fiscal qui permettent à une société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural de candidater à un marché public constitueraient une distorsion de concurrence avec les entreprises privées du secteur, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes de nature à établir que la SICAHR de l'Aube, pour déterminer le prix qu'elle a proposé, aurait précisément disposé d'un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de la mission de service public qui lui est dévolue en application des dispositions sus rappelées de l'article L. 531-1 alinéa 2 du code rural et de la pêche maritime ; que le moyen tiré de la méconnaissance par le pouvoir adjudicateur des règles de concurrence du seul fait du choix retenu par la commune de Sens d'attribuer le marché à une société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural doit, dès lors, être écarté ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à la contestation de la validité du marché de maîtrise d'oeuvre portant sur la réhabilitation du centre social des Chaillots à Sens doivent être rejetées ;

En ce qui concerne la demande indemnitaire :

25. Considérant que lorsqu'une entreprise se porte candidat à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner ;

26. Considérant que par voie de conséquence du rejet des conclusions tendant à la contestation de la validité du contrat conclu entre la commune de sens et la SICAHR de l'Aube, M. C...et M. F...ne sont pas fondés à demander l'indemnisation du préjudice qu'ils estiment avoir subi en raison de leur éviction, tant du fait du manque à gagner qui aurait pu être le leur suite au rejet de leur offre, qu'en raison des frais qu'ils ont pu avoir à engager pour présenter cet offre ; que, dès lors, leurs conclusions à fin d'indemnisation doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sens et de la SICAHR de l'Aube, qui ne sont pas les parties perdantes, une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées sur ce fondement par M. C...et par M. F...doivent, par suite, être rejetées ;

28. Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de M. C...et de M. F...le versement à la commune de Sens et à la SICAHR de l'Aube une somme de 1 500 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...et de M. F...est rejetée.

Article 2 : M. C...et de M.F..., solidairement, verseront à la commune de Sens et à la société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural (SICAHR) de l'Aube chacune, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., M. D...F..., à la commune de Sens et à la société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural (SICAHR) de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 18 février 2016 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président de chambre,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mars 2016.

''

''

''

''

2

N° 14LY03270


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03270
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-01 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats. Délégations de service public.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : NERAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-17;14ly03270 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award