Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Royal Parc a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008.
Par un jugement n° 1101335 du 22 septembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2014 et le 15 juillet 2015, la société Royal Parc, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 septembre 2014 ;
2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Royal Parc soutient que :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
- le redressement n'est pas suffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'administration n'ayant pas pris le soin de préciser les termes de la comparaison permettant de démontrer que le prix qu'elle a fixé correspond au prix du marché.
Sur le bien fondé des impositions :
- l'administration ne pouvait faire application du 2 de l'article 266 du code général des impôts puisque :
- elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la valeur vénale réelle des biens en cause en faisant référence à des termes de comparaison portant sur des biens intrinsèquement similaires, conformément à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, en se contentant de faire référence à la grille tarifaire de 2005 et à l'évaluation générale des prix de l'immobilier telle qu'elle ressort des données statistiques intervenues entre 2005 et 2007 ;
- elle n'apporte pas la preuve de l'intention frauduleuse, qui doit découler, d'une part, du fait que le prix de vente est significativement inférieur à la valeur vénale réelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les écarts notés par l'administration étant seulement de 10 et 17 %, et d'autre part de la volonté d'évasion fiscale, laquelle peut résulter de l'existence d'intérêts liés entre les sociétés parties à l'acte ;
- le paragraphe 190 de la doctrine BOI-TVA-IMM-10-20-10 prévoit que l'administration est tenue d'établir que la différence entre l'évaluation de la valeur vénale faite par le service et le prix stipulé dans l'acte résulte de la fraude ou l'évasion fiscale.
Sur la majoration pour manquement délibéré :
- l'administration n'apporte pas la preuve d'un manquement délibéré, dès lors que l'écart de prix n'est pas significatif et que l'existence de liens capitalistiques ne démontre rien, par elle-même.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 mars 2015 et le 19 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre des finances et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par la société Royal Parc ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 novembre 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 23 novembre 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la société Royal Parc.
1. Considérant que la société Royal Parc, qui a pour objet la réalisation d'un programme immobilier comportant 114 logements dans la zone d'aménagement concertée de Courrier à Annecy, a vendu le 13 avril 2007, en l'état futur d'achèvement, à la Société Sogimm Patrimoine, deux lots de ladite copropriété comprenant chacun un appartement de type T4 ou T3, une cave et un garage ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la société Royal Parc, l'administration, estimant que la vente de ces deux lots avait été conclue à un prix inférieur à leur valeur vénale, a modifié l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur la vente de ces deux lots, sur le fondement du b du 2 de l'article 266 du code général des impôts ; que l'administration a adressé une proposition de rectification à la société Royal Parc en ce sens le 2 octobre 2009, reçue le 10 octobre 2009 ; qu'à la suite des observations présentées par la société le 4 décembre 2009, l'administration a maintenu les rehaussements envisagés ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant, ainsi que les pénalités afférentes, ont été mis en recouvrement le 9 avril 2010 ; que la société Royal Parc relève appel du jugement du 22 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, alors applicable : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. / Cette procédure s'applique également lorsque l'administration effectue la reconstitution du montant déclaré du bénéfice industriel ou commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires déterminé selon un mode réel d'imposition " ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'il résulte de ces dispositions que pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations ; qu'en revanche sa régularité ne dépend pas du bien fondé de ses motifs ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée à la société Royal Parc le 2 octobre 2009 indique qu'elle porte notamment sur la taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ; que, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée sur les ventes à prix minorés réalisées au bénéfice de la société Sogimm Patrimoine, sur lesquelles porte le présent litige, la proposition de rectification indique que cette dernière société a acquis le 13 avril 2007, sous la forme d'une vente en l'état futur d'achèvement, deux appartements, un T3, un T4, deux caves et deux garages pour le prix de 403 000 euros TTC, chacun des ensembles, constitué d'un appartement, d'une cave et d'un garage représentant respectivement pour le T4 557/10 000èmes et pour le T3 580/10 000èmes des parties communes ; qu'un tableau annexé à la proposition de rectification permet de comparer le prix de cession de ces biens avec le prix de cession d'appartements présentant des caractéristiques similaires, dans la même cage d'escalier de l'ensemble immobilier, en déterminant un prix de cession moyen des T3 et des T4 rapporté au tantième ; que la proposition de rectification indique qu'il résulte de cette comparaison, après déduction des frais de commercialisation que la société Royal Parc aurait dû supporter si elle avait cédé ces biens à des tiers, que les prix des cessions litigieuses ont été minorés de 10,55 % s'agissant du T4 et de 17,98 % s'agissant du T3, soit une insuffisance totale de 68 089 euros TTC ; qu'enfin, la proposition de rectification précise que la fraude ou l'évasion fiscale est établie compte tenu de l'écart de prix, des liens qui unissent les deux sociétés, la société Sogimm Patrimoine étant détenue par la société Sogimm Maurice Monod Constructeur qui détient elle-même 95 % de la société Royal Parc et en est la gérante, et du fait que la société Sogimm Patrimoine ne peut déduire la taxe sur la valeur ajoutée pour ces acquisitions et les a donc inscrites à son actif pour le prix TTC ; que la proposition de rectification conclut que la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'insuffisance de prix par rapport à la valeur vénale doit être rappelée au titre de l'année 2007 pour un montant de 11 158 euros ; que, dans ces conditions, la proposition de rectification qui comprend, outre la mention de sa nature et de son montant, des indications précises sur le chef de redressement envisagé, est suffisamment motivée, sans que puisse avoir d'incidence sur cette suffisance la contestation soulevée par la société requérante sur la pertinence des termes de la comparaison utilisée ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Sur le terrain de la loi fiscale :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 266 du code général des impôts : " (...) 2. En ce qui concerne les opérations entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : (...) / b. Pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société sur : / Le prix de la cession, le montant de l'indemnité ou la valeur des droits sociaux rémunérant l'apport, augmenté des charges qui s'y ajoutent ; / La valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, si cette valeur vénale est supérieure au prix, au montant de l'indemnité ou à la valeur des droits sociaux, augmenté des charges (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. / La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations. " ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ont pour objet et pour effet d'ouvrir à l'administration la faculté de substituer, pour la détermination de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, la valeur vénale réelle du bien au prix stipulé lorsque cette valeur vénale est supérieure ; que conformément toutefois aux dispositions de l'article 27 de la sixième directive n° 77/388 du Conseil des communautés européennes et aux termes de la demande française notifiée à la Commission européenne le 23 décembre 1977, il ne peut être recouru à ce mécanisme de substitution que dans le cas de livraisons d'immeubles et dans le but de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscales ; que dès lors que l'administration relève, d'une part, que les prix de locaux faisant l'objet de mutations ont été minorés et, d'autre part, que le vendeur et l'acheteur sont étroitement liés, elle peut, en application des articles 27 de la sixième directive et 266 2-b du code général des impôts, substituer la valeur vénale des immeubles aux prix déclarés pour l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi, l'administration peut, sans contrariété à la directive communautaire, opérer une telle substitution à condition de rapporter la preuve que l'insuffisance du prix de vente des locaux résulte d'une volonté d'évasion fiscale au sens de l'article 27 de la sixième directive, l'importance de l'insuffisance de prix n'étant pas, à elle seule, de nature à établir une telle volonté d'évasion fiscale ; que celle-ci, toutefois, se présume du seul fait de l'insuffisance significative du prix, lorsque les parties sont en relation d'intérêt, sauf preuve contraire apportée par le contribuable ;
6. Considérant, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, que l'administration a retenu comme éléments de comparaison le prix de cession en l'état futur d'achèvement d'appartements T3 et T4, situés dans le même programme, dans la même cage d'escalier, vendus au cours de l'année 2005 auprès de tiers ; qu'elle a calculé, à partir de ces cessions un prix moyen au tantième pour les appartements de type T4 et un prix moyen au tantième pour les appartements de type T3 qui ont fait apparaître, après la neutralisation des frais de commercialisation, qui étaient inclus dans les prix de cession des biens cédés à des tiers, un écart de prix de 10,55 % s'agissant du T4 et de 17,98 % s'agissant du T3 ; que si la société fait grief à l'administration d'avoir basé sa comparaison sur des cessions intervenues deux ans avant les cessions litigieuses, toutefois, l'administration fait valoir, sans être contredite, que les prix de l'immobilier ont fortement augmenté à Annecy entre 2005 et 2007, et que si elle s'était fondée sur les prix du marché des appartements neufs à Annecy émanant des données recueillies par les notaires en 2007, les écarts de prix eussent été de 33 % et 39 % ; qu'ainsi, malgré l'antériorité de ces cessions, les termes de la comparaison choisis par l'administration étaient appropriés pour démontrer une insuffisance de prix ; que les écarts de prix de 10,55 % s'agissant du T4 et de 17,98 % s'agissant du T3 constatés par l'administration dans ces circonstances, pour la vente de biens immobiliers, sont significatifs ; que, par suite, et alors que la société ne conteste pas qu'elle était en relation d'intérêt avec la Société Sogimm Patrimoine, dans les conditions qui ont été rappelées au point 3 du présent arrêt, la volonté d'évasion fiscale doit être présumée ; que la société Royal Parc n'apporte pas la preuve contraire ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a mis en oeuvre les dispositions de l'article 266 précité du code général des impôts pour fonder le redressement litigieux ;
Sur le terrain de la doctrine :
7. Considérant que la société Royal Parc n'est pas fondée à se prévaloir, en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 190 de la doctrine BOI-TVA-IMM-10-20-10 qui ne comporte pas d'interprétation différente de celle de la loi fiscale ;
Sur les pénalités :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette et la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
9. Considérant qu'en relevant les liens unissant les deux parties aux cessions via la société Sogimm Maurice Monod Constructeur, le fait qu'il s'agissait de deux sociétés spécialisées dans le domaine de l'immobilier, et la circonstance que la société Royal Parc s'était, dès le début du programme, réservé les biens finalement cédés à la Société Sogimm Patrimoine qui les a payés, deux ans après le lancement du programme, à un prix minoré, l'administration établit l'intention délibérée d'éluder l'impôt justifiant l'application aux rectifications de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Royal Parc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Royal Parc la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Royal Parc est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Royal Parc et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 16 février 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016
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N° 14LY03573
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