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15/03/2016 | FRANCE | N°14LY01640

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 15 mars 2016, 14LY01640


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL restaurant de l'Etoile a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 et de la contribution sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2005 ;

2°) la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont

été réclamés pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ;

3°) la décharge de l'amende ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL restaurant de l'Etoile a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 et de la contribution sur l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2005 ;

2°) la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ;

3°) la décharge de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1759 du code général des impôts au titre des années 2006 et 2007.

Par un jugement n° 1005969 du 18 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 mai 2014 et le 18 novembre 2014, la SARL restaurant de l'Etoile, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 avril 2014 ;

2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;

3°) subsidiairement d'ordonner, en application des articles R. 621-1 et suivants du code de justice administrative, qu'il soit procédé à une expertise aux fins de déterminer le poids de la viande kebab achetée, le poids de la viande cuite et les conséquences fiscales de la reconstitution de chiffre d'affaires ainsi opérée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner l'Etat aux dépens.

La SARL restaurant de l'Etoile soutient que :

- la procédure est irrégulière dès lors qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire concernant l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts qui constitue l'essentiel des conséquences financières du contrôle fiscal ; l'administration a reconnu que l'application de l'amende n'avait pas été discutée oralement ; l'administration n'a, à aucun moment, débattu et expliqué oralement la teneur et les conséquences de cette procédure au cours et à l'issue de la vérification de comptabilité ; en dépit de la simple mention du rappel des conséquences de la procédure de l'article 117 du code général des impôts et de l'amende de l'article 1759 du code général des impôts, il n'est pas clairement expliqué que cette procédure et l'automaticité de sa sanction étaient distincts de la procédure de contrôle ; cette demande de l'article 117 du code général des impôts ne représentait que deux paragraphes noyés dans une proposition de rectification comprenant 70 pages ;

- l'avis de mise en recouvrement n°05120 est irrégulier dès lors qu'il ne précise pas la nature des créances n°1002890 et 1002900 en méconnaissance des dispositions de l'article R.*256-1 du livre des procédures fiscales et de la doctrine BOI-REC-PREA-10-10-20 §310 du 12 septembre 2012 ; la mention de l'amende n'est pas renseignée à l'emplacement prévu à cet effet comme pour les autres impôts et taxes ; en face de la rubrique majorations, en dépit qu'il ne s'agisse nullement de majorations, référence est faite à une lettre de motivation du 5 mai 2009 qui n'est jamais parvenue à la contribuable ; dans la rubrique " origine " de cet avis de mise en recouvrement il est fait mention de l'avis de la commission du 18 décembre 2009 qui pourtant ne mentionne nullement l'amende de l'article 1759 du code général des impôts ;

- l'administration n'a pas apporté la preuve des graves irrégularités de la comptabilité en méconnaissance de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration n'a pas suffisamment pris en compte la perte de poids de la viande consécutive à la cuisson de la viande Kebab ; cette perte est de 36,50 % et non de 16,19 % comme l'a retenu l'administration, ainsi que l'établit la jurisprudence ;

- les produits finis servis au consommateur sont fongibles entre eux, parfaitement interchangeables ; le bloc de viande utilisé pour le constat d'huissier, d'un format de 15 kg avec tige de rotation intégrée pour faciliter la fixation au rôtisseur constitue une norme usuellement employée pour les fonds de commerce de restauration spécialisés dans le kebab ; la puissance des brûleurs, la vitesse de rotation de la viande, les huiles et aromates utilisés sont les mêmes qu'en cas de service de restauration ; l'opération de cuisson constatée dans l'état dressé par l'huissier s'est déroulée dans des conditions plus optimales que les conditions réelles d'exploitation puisque la cuisson n'a pas été discontinue et évitant ainsi que la viande ne sèche et forme davantage de déchets impropres à la consommation ; le constat d'huissier est opposable à l'administration ;

- à la perte due à la cuisson, il convient d'ajouter celles liées aux manipulations de la viande cuite et aux restes inutilisables en fin de service (viande carbonisée sur le grill et la tige de rotation), évaluée à 10 %, à tout le moins à 6,19 % comme implicitement admis par l'administration, comme l'aurait démontré l'expertise qu'elle avait demandée devant le tribunal qui a rejeté sa requête ;

- les blocs de viandes sont facturés pour 15 kg, poids retenu pour la reconstitution du chiffre d'affaires ; d'après le constat d'huissier, la viande après cuisson représente 9,680 kg ; la perte due à la cuisson représente 5,32 kg soit 35,466 % de la viande facturée ; les pertes dues à la manipulation du produit représentent 6,19 % d'après la proposition de rectification du 5 mai 2009 ; il reste donc 9,081 kg soit 60,54 % du bloc de départ, soit une perte totale de 39,46 % ; il convient de modifier la reconstitution du chiffre d'affaires en tenant compte de ces données ; le taux de perte est supérieur à celui avancé par l'administration et justifie l'absence de rehaussement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 octobre 2014 et le 31 mars 2015 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :

- la proposition de rectification permettait à la contribuable de répondre à la demande qui lui était adressée sur le fondement de l'article 117 et de l'article 1759 du code général des impôts dès lors qu'elle mentionne les articles du code général des impôts dont il est fait application et fait état de l'amende encourue à défaut d'une telle désignation, d'une part, et précise le montant des revenus en cause et renvoie pour le détail de ce montant à d'autres parties de la proposition de rectification, d'autre part ; la SARL ne peut utilement prétendre ne pas avoir été " pleinement informée " des conséquences de la procédure de l'article 117 du code général des impôts et de l'automaticité de la sanction en cas de défaut de réponse de sa part ; elle ne peut utilement prétendre avoir été privée du débat oral et contradictoire puisqu'elle a formulé des observations par courrier du 2 juillet 2009 en réponse à la proposition de rectification, observations auxquelles l'administration a répondu le 24 juillet 2009, prenant acte du défaut de désignation dans le délai imparti des bénéficiaires finaux et réels des sommes rehaussées, et procédant à la taxation de la SARL à l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ;

- le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement n'est pas fondé ; les dispositions de l'article R.*256-1 du livre des procédures fiscales ont été respectées puisque la nature et le montant de l'amende sous tendant les créances n°1002890 et 1002900, figurent sur la dernière ligne de chaque créance ;

- les irrégularités comptables énumérées par le service démontrent le bien-fondé du rejet de la comptabilité de la SARL ; en l'absence de tout justificatif de recettes présenté par la SARL, la comptabilité a été considérée comme dépourvue de valeur probante, ce que n'a pas contesté la société, comme cela a été relevé par la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires dans son avis du 17 décembre 2009 ; la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions incombe à la SARL restaurant de l'Etoile ;

- les données prises en compte pour reconstituer les chiffres d'affaires ont été d'une part communiquées par la gérance elle-même, et d'autre part extraites et traitées à partir des éléments de gestion tels que les factures d'achat de la SARL ; il a été procédé au traitement des factures d'achats de viande pour déterminer, après prise en compte des stocks, des pertes à la cuisson, des offerts et de la consommation personnelle, la quantité nette de viande utilisée ; le chiffre d'affaires a ensuite été calculé en multipliant les différents tarifs appliqués par la société aux nombres d'assiettes et de sandwichs vendus ; le poids de viande des parts servies retenu par le service, soit 250 g pour les sandwichs et 300 g pour les assiettes, est supérieur aux quantités utilisées pour la confection des sandwichs et des assiettes dans la profession et est très favorable à la société ;

- concernant les pertes de viande kebab, la SARL demande la prise en compte d'un taux de perte de 36,5 %, ce taux aboutissant in fine à des taux d'achats de viande de kebab non vendue qui se seraient élevés au final à 46 % pour 2006 et 47 % pour 2007, soit la quasi-moitié des achats de viande kebab qui n'auraient pas été vendus à des clients et n'auraient pas contribué au chiffre d'affaires des deux années mais auraient a contrario augmenté considérablement les charges d'exploitation pour réduire le bénéfice restant ; le constat d'huissier n'identifie pas le fournisseur de la viande ; il permet uniquement de savoir que le bloc présenté pesait 15 kg ; pour la reconstitution de recettes, l'administration s'est appuyée sur les données propres à l'entreprise et a accepté d'ajouter un taux de perte de viande de 10 % en complément des autres défalcations déjà prises en compte ; le taux de perte et d'offerts ressort à 24 % pour 2006 et 25 % pour 2007, conformes aux taux retenus usuellement lors des reconstitutions de recettes pour les restaurant de kebab ; il a également été tenu compte de la consommation personnelle du gérant et du personnel ;

- le taux de perte à la cuisson de 39,46 % discrédite l'argumentation de la SARL puisque la prise en compte de tels taux aurait pour effet d'établir des taux d'achats de viande kebab non vendue à près de 50 %, soit une perte nette totale avant charge d'exploitation de la moitié du total des achats de viande ; que la société prétende à de tels taux de viande achetée n'a d'autre objectif que d'essayer de s'affranchir de l'impôt en prétextant un bénéfice inexistant du fait du montant total des charges d'exploitation augmentées de la perte de plus de quatre tonnes de viande non vendue par exercice ;

- concernant la demande d'expertise, l'administration démontre dans son mémoire de première instance que les conditions de réalisation d'une telle démarche ne sont jamais identiques à celles rencontrées dans des conditions réelles d'exploitation, et qu'en conséquence les résultats obtenus ne peuvent être considérés comme exacts ; l'expertise sollicitée n'est donc pas justifiée ;

- les autres moyens soulevés par le SARL ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL restaurant de l'Etoile, créée en avril 2005, constituée de deux associés cogérants, M. A...F...et M. B...E..., qui possèdent 50 % des parts de la société chacun, et qui exerce l'activité spécialisée dans la vente de kebab, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 pour ce qui concerne l'ensemble des impôts et taxes, période étendue au 30 septembre 2008 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, selon la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 à L. 61 du livre des procédures fiscales ; que l'administration ayant considéré la comptabilité présentée par la société comme non probante, a reconstitué ses recettes pour les années 2006 et 2007 et lui a assigné des droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007, de contribution à l'impôt sur les sociétés pour l'année 2005 et de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, assortis de majorations pour manquement délibéré au titre des trois mêmes années et de l'amende de 100 % prévue à l'article 1759 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre des années 2006 et 2007 pour absence de désignation des bénéficiaires des distributions ; que les impositions en procédant ont été mises en recouvrement le 5 février 2010 ; que les réclamations adressées par la SARL le 19 février 2010 ont été partiellement admises par l'administration fiscale ; que la SARL restaurant de l'Etoile, après avoir vainement contesté devant l'administration le surplus des impositions demeuré à sa charge, en a demandé la décharge au tribunal administratif de Grenoble ; que, par un jugement du 18 avril 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par la présente requête, la SARL restaurant de l'Etoile relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'année 2005 :

2. Considérant qu'après avoir constaté une minoration de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée en 2007 par la SARL Restaurant de l'Etoile afférente à ses ventes, l'administration lui a notifié un rappel de taxe de 5 138 euros et a considéré que l'avantage réalisé au détriment du Trésor du fait du non paiement de la taxe sur la valeur ajoutée légalement exigible était constitutif d'un profit qu'elle a réintégré dans le bénéfice imposable au titre de l'exercice clos en 2005 à hauteur de 6 562 euros ; qu'ainsi, le moyen relatif à la reconstitution de son chiffre d'affaires qui n'a été opéré par l'administration que sur les exercices clos en 2006 et 2007 est inopérant s'agissant de l'année 2005 ;

En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité et la charge de la preuve :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a constaté que, sur les exercices clos en 2006 et 2007, les recettes du restaurant de l'Etoile étaient enregistrées globalement en fin de journée, sans être appuyées de pièces justifiant leur montant telles qu'un brouillard de caisse ou des bandes de caisse enregistreuse (tickets Z), qu'aucun bon de commande n'avait été conservé sur la période vérifiée, que la caisse enregistreuse ne permettait pas de distinguer la nature des produits vendus et que la globalisation quotidienne des recettes sur un cahier n'indiquait pas le détail des produits vendus, ni les modalités de règlement ; que, dès lors, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la portée des autres anomalies relevées par le vérificateur, c'est à bon droit qu'après avoir écarté la comptabilité comme non probante, l'administration a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires et de son bénéfice sur la période vérifiée ; que les impositions résultant de cette reconstitution ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il appartient, en conséquence, à la société requérante d'apporter la preuve de leur caractère exagéré ; qu'il lui revient, ainsi, soit de démontrer que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit de proposer une méthode de reconstitution plus précise que celle retenue par l'administration ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

5. Considérant que la SARL restaurant de l'Etoile critique le taux de perte de viande à la cuisson de 10 % retenu par l'administration pour les exercices clos en 2006 et 2007, en s'appuyant sur un constat d'huissier réalisé par Me D...le 19 mai 2009 faisant état de pertes de 36,50 % ; que, toutefois, ainsi que l'a relevé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la prise en compte d'un taux de perte liée à la cuisson de 36,50 %, alors revendiqué par la société qui, dans le dernier état de ses écritures, le chiffre à 39,46 %, aurait pour conséquence d'aboutir à des chiffres d'affaires inférieurs à ceux qu'elle a déclarés pour la période litigieuse ; qu'il est vrai que les résultats du constat d'huissier, réalisé postérieurement à la période vérifiée, tout comme le contrôle d'ailleurs, ne permettent pas de rendre compte des conditions d'exploitation de l'établissement au cours des exercices clos en 2006 et 2007 ; que comme le fait valoir l'administration, le poids de la pièce de viande crue qui a été pris en compte dans le cadre de ce constat d'huissier comprend le poids de l'emballage et de l'axe métallique intégré au bloc de viande qui n'ont pas été décomptés ; que si, comme le soutient l'administration, la composition des blocs de viande varie d'un fournisseur à l'autre et que la perte liée à la cuisson de la viande en est modifiée, cette circonstance ne suffit pas à démontrer le caractère fondé du taux de perte de 10 % retenu lors du contrôle porté à 16,5 %, suite aux observations de la contribuable, pour tenir compte de la perte de viande résultant des différentes manipulations ; que ce taux de perte est, en tout état de cause, inférieur à la fourchette des taux généralement retenus en la matière ; qu'il y a lieu, dès lors, au vu des éléments du dossier, de porter à 25 % le taux de perte à la cuisson de la viande ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée par la SARL Restaurant de l'Etoile, que celle-ci est fondée à demander la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 résultant de la diminution de ses bases imposables par la prise en compte d'un taux de perte à la cuisson du poids de viande utilisé pour la reconstitution du chiffre d'affaires porté de 10 % à 25 % ;

Sur l'amende :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas ou la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte de déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 " ; qu'aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. ( ...). " ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / a cet effet, doivent être motivées les décisions qui : /(...) -infligent une sanction (...) ; et qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

9. Considérant que les dispositions précitées de l'article 1759 du code général des impôts instaurent une pénalité fiscale sanctionnant le refus par une personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus ; que si cette pénalité est au nombre des sanctions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et faire l'objet d'une procédure contradictoire en application de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, l'administration étant tenue à ces deux obligations à l'égard de la société qu'elle envisage de soumettre à la pénalité, n'est pour autant pas tenue d'engager un débat oral et contradictoire concernant l'application de cette pénalité ; que le fait générateur de l'amende, postérieur à l'expiration du délai de trente jours laissé au contribuable pour présenter ses observations, la procédure revêtant ainsi un caractère contradictoire, est également postérieur à la notification de la proposition de rectification, en sorte que l'amende litigieuse ne peut être évoquée lors du débat oral et contradictoire qui se tient au cours de la vérification de comptabilité ;

10. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, l'administration fiscale a adressé à la SARL Restaurant de l'Etoile une première proposition de rectification le 18 décembre 2008 concernant les rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée notifiés pour l'exercice clos en 2005, puis une seconde proposition de rectification le 5 mai 2009 concernant des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée au titre des exercices clos en 2006 et 2007, selon la procédure de rectification contradictoire ; que cette dernière proposition de rectification invitait la société à faire connaître l'identité du ou des bénéficiaires de revenus distribués que l'administration estimait résulter des chefs de rehaussement à l'impôt sur les sociétés résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires, sous peine de se voir infliger l'amende fiscale prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts ; que la SARL Restaurant de l'Etoile s'étant abstenue de répondre à la demande de désignation des bénéficiaires dans le délai imparti, l'administration fiscale l'a soumise à l'amende de 100 % prévue à l'article 1759 du code général des impôts qu'elle a mise en recouvrement, le 5 février 2010 ;

11. Considérant que la proposition de rectification du 5 mai 2009, par laquelle l'administration a informé la société des résultats du contrôle opéré et l'a invitée, dans son point VIII, à désigner les bénéficiaires des revenus regardés comme distribués, mentionnait, d'une part, les articles du code général des impôts dont il était fait application et faisait état de l'amende encourue à défaut d'une telle désignation, et, d'autre part, précisait, le montant des revenus en cause pour chacune des deux années vérifiées ; qu'elle permettait à la contribuable de répondre à la demande qui lui était adressée sur le fondement de l'article 117 et de l'article 1759 du code général des impôts ; qu'elle était ainsi suffisamment motivée ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;

12. Considérant, au surplus, que le droit du contribuable de formuler contradictoirement des observations n'est pas restreint au seul débat oral mais se poursuit sous forme écrite jusqu'à la fin de la procédure de rectification contradictoire ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la société requérante a formulé des observations par un courrier du 2 juillet 2009 en réponse à la proposition de rectification à la suite desquelles l'administration a pris acte, dans sa réponse aux observations du 24 juillet 2009, du défaut de désignation par la contribuable, dans le délai imparti, des bénéficiaires finaux et réels des sommes rehaussées et a indiqué qu'elle procédait à la taxation de la requérante à l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, égale à 100 % des sommes distribuées, en précisant le montant de l'amende pour chacune des deux années ; que, par suite, le moyen tiré d'un défaut de procédure contradictoire manque en fait ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a avisé la société dans sa réponse aux observations du contribuable, notifiée le 24 juillet 2009, que faute d'avoir répondu à la demande de désignation des bénéficiaires des revenus distribués, elle était passible de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts dont le montant était indiqué ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence d'explication sur l'amende encourue doit être écarté ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article R.*256-1 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à l'avis de mise en recouvrement du 5 février 2010 : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions l'avis de mise en recouvrement doit en principe faire référence à la lettre de motivation des amendes ; que, toutefois, il n'a pas à être motivé ;

15. Considérant que la société requérante soutient que l'avis de mise en recouvrement est irrégulier dès lors qu'il ne précise pas la nature des créances n° 1002890 et 1002900 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la nature et le montant de l'amende sous tendant les créances n° 1002890 et 1002900, figurent sur la dernière ligne de chaque créance intitulée " amende " ; que l'avis de mise en recouvrement fait, en outre, référence à la réponse aux observations du contribuable du 24 juillet 2009, laquelle détaille, sous l'intitulé " revenus distribués ", les motifs de fait et de droit pour lesquels l'amende prévu à l'article 1759 du code général des impôts est appliquée, conformément aux prescriptions précitées de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; que si la requérante soutient ne pas avoir été destinataire de la lettre de motivation de l'amende, et se prévaut de ce que l'avis de mise en recouvrement litigieux renvoie, en outre, à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 18 décembre 2009 lequel ne fait pas état de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, ces circonstances sont sans incidence sur la régularité dudit avis ; que celui-ci a ainsi mis la société à même de connaître le fondement et le montant de l'amende mise en recouvrement et de la contester dans les délais impartis ; que la SARL Restaurant de l'Etoile détenait, par conséquent, une information suffisante ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'avis de mise en recouvrement serait entaché d'un défaut de motivation ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " ; que la SARL Restaurant de l'Etoile ne peut utilement, sur le fondement des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, invoquer la doctrine administrative BOI-REC-PREA-10-10-20 §310 du 12 septembre 2012 laquelle n'ajoute rien à la loi ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Restaurant de l'Etoile est seulement fondée à demander la décharge du montant de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1759 du code général des impôts correspondant à la réduction du montant des distributions résultant de la prise en compte d'un taux de perte de 25 % ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Restaurant de l'Etoile est seulement fondée à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Grenoble dans cette mesure ;

Sur les dépens :

19. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens " ;

20. Considérant que la SARL Restaurant de l'Etoile ne fait valoir aucun frais compris dans les dépens ; que, dès lors, ses conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SARL Restaurant de l'Etoile ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le taux de perte du poids de viande utilisé pour la reconstitution du chiffre d'affaires des années 2006 à 2007 de la SARL Restaurant de l'Etoile est porté de 10 % à 25 %.

Article 2 : La SARL restaurant de l'Etoile est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007, de la contribution à cet impôt pour l'année 2005 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis, résultant de la diminution des bases imposables, en application de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : La SARL Restaurant de l'Etoile est déchargée du montant de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts correspondant à la réduction du montant des distributions par un taux de perte porté de 10 % à 25 % conformément à l'article 1er.

Article 4 : Le jugement n° 1005969 du 18 avril 2014 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à la SARL Restaurant de l'Etoile la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié société restaurant de l'Etoile et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 16 février 2016 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2016.

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N° 14LY01640


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01640
Date de la décision : 15/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : TOMME JEAN-JACQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-15;14ly01640 ?
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