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15/03/2016 | FRANCE | N°14LY00657

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 15 mars 2016, 14LY00657


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le département de l'Oise et la compagnie Areas, in solidum, ainsi que le département du Puy-de-Dôme à lui payer :

- la somme de 201 180 euros, indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction, depuis la date du procès-verbal de constatation des dommages, soit le 28 octobre 2011, jusqu'au parfait paiement, en réparation du préjudice que lui a causé la destruction des bâtiments dont elle est propri

étaire, situés sur le territoire de la commune de Sauviat ;

- la somme de 14 437...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le département de l'Oise et la compagnie Areas, in solidum, ainsi que le département du Puy-de-Dôme à lui payer :

- la somme de 201 180 euros, indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction, depuis la date du procès-verbal de constatation des dommages, soit le 28 octobre 2011, jusqu'au parfait paiement, en réparation du préjudice que lui a causé la destruction des bâtiments dont elle est propriétaire, situés sur le territoire de la commune de Sauviat ;

- la somme de 14 437 euros au titre des frais d'expertise ;

- la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par jugement n° 1201742-1300008 du 19 décembre 2013 le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné d'une part, le département de l'Oise et la compagnie Areas, solidairement, à payer à Mme C...un tiers de la somme de 77 550 euros, d'autre part, le département du Puy-de-Dôme à payer à Mme C...un tiers de la même somme.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2014, MmeC..., représentée par la SCP Collet, de Rocquigny, Chantelot, Romenville et associés demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il limite l'indemnisation de son préjudice à 77 550 euros ;

2°) de faire droit à ses conclusions indemnitaires à hauteur des sommes demandées en première instance ;

3°) de lui allouer une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- en limitant l'indemnisation de son préjudice à 77 550 euros le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a insuffisamment pris en compte les frais liés à la reconstruction de la grange qui sont nécessairement plus élevés que la valeur vénale de la grange au jour du sinistre ;

- le rapport d'expertise de la société Galtier était indispensable pour évaluer le montant son préjudice et les frais exposés à ce titre doivent lui être remboursés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 juin, 31 octobre 2014 et 4 février 2016, le dernier n'ayant pas été communiqué, le département du Puy-de-Dôme, représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- il est de jurisprudence constante que le montant de l'indemnisation doit être déterminé en fonction de la valeur vénale du bien détruit au jour du dommage ;

- Mme C...n'établit pas avoir été dans l'impossibilité d'entreprendre les travaux de reconstruction depuis octobre 2011, date à laquelle la nature et la consistance des travaux ont été décrits de façon suffisamment pertinente ;

- les frais d'expertise demandés par la requérante ne peuvent donner lieu à remboursement dès lors que l'expertise a été réalisée en dehors du cadre judiciaire et à la seule demande de MmeC... ;

- les conclusions du département de l'Oise doivent être rejetées comme constituant un litige distinct de l'appel principal formé par MmeC... ;

- il n'est pas démontré que le jeune E...ait été moins responsable que les autres jeunes ; ainsi le département de l'Oise ne peut soutenir que sa responsabilité doit être minorée ;

- le département de l'Oise ne peut demander à appeler en garantie les départements du Puy-de-Dôme et du Rhône.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 octobre 2014 et 23 octobre 2015, le département de l'Oise et la compagnie d'assurance Areas, représentés par MeI..., concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre incident, à la réduction des sommes réclamées, à la condamnation du département du Puy-de-Dôme à les garantir à hauteur de 45 % des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre et à la condamnation de la Fondation La vie au grand air à les garantir de l'intégralité des condamnations restant éventuellement à leur charge ;

3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le lien de causalité entre l'incendie de la grange de Mme C...et le feu allumé par les enfants n'est pas avéré ; il ne peut être exclu qu'un tiers ait volontairement mis le feu au bâtiment ;

- la responsabilité du département, alors gardien du jeune A...M., ne peut être retenue puisque ce dernier n'a pas allumé de feu ;

- Mme C...a commis une faute en ne protégeant pas de manière suffisante l'accès à sa grange ;

- l'indemnisation de Mme C...doit être limitée à la valeur vénale de son bien évaluée à 77 550 euros ;

- la demande d'indemnisation au titre des frais d'expertises de 14 437 euros doit être rejetée dès lors que la requérante ne justifie pas avoir réglé cette somme et que cette expertise a été diligentée hors de toute procédure judiciaire ;

- ils sont fondés à appeler en garantie les départements du Puy-de-Dôme et du Rhône afin qu'ils les garantissent à hauteur de 45 % chacun des éventuelles condamnations, la responsabilité du mineur dont le département de l'Oise avait la garde pouvant être évaluée à 10 % ;

- ils sont fondés à appeler en garantie l'association la Fondation la vie au grand air afin que celle ci les garantisse à hauteur des 10 % correspondant à leur part de responsabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2016, le département du Rhône représenté par MeJ..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le département de l'Oise n'est pas fondé à l'appeler en garantie ;

- le rôle joué par l'enfant confié à la garde du département de l'Oise n'a pas été minime dans la réalisation du sinistre et rien ne justifie que 45 % des conséquences dommageables soient mises à sa charge ;

- Mme C...ne peut critiquer le jugement sur l'évaluation de son préjudice ;

- la requérante n'établit pas la nature et l'utilité des prestations facturées par le cabinet Galtier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de MeJ..., pour le département du Rhône, ainsi que celles de MeG..., substituant MeF..., pour la Fondation La vie au grand-air.

1. Considérant que Mme C...relève appel du jugement du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné d'une part, le département de l'Oise et la compagnie Areas, solidairement, à lui payer un tiers de la somme de 77 550 euros, d'autre part, le département du Puy-de-Dôme à lui payer un tiers de la même somme, en réparation du préjudice que lui a causé la destruction de bâtiments dont elle est propriétaire, sur le territoire de la commune de Sauviat ; qu'elle demande que ce préjudice soit réévalué à hauteur de la somme de 201 180 euros, indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction, depuis la date du procès-verbal de constatation des dommages, soit le 28 octobre 2011, jusqu'à parfait paiement, qu'une somme de 10 000 euros lui soit versée en réparation de son préjudice moral et que les frais qu'elle a exposés pour une expertise lui soient remboursés à hauteur de 14 437 euros ; que le département de l'Oise et la compagnie Areas demandent, par voie d'appel incident, d'une part, à être déchargés de toute responsabilité et subsidiairement, que le montant des indemnités allouées au titre du préjudice matériel soit réduit et, par voie d'appel provoqué, d'autre part, la condamnation du département du Puy-de-Dôme et du département du Rhône à les garantir, à hauteur de 45 %, des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ainsi que la condamnation de la Fondation La vie au grand air à les garantir de l'intégralité des condamnations qui resteraient à leur charge ;

Sur la responsabilité du département de l'Oise et la compagnie Areas :

2. Considérant que la décision par laquelle le juge des enfants confie la garde d'un mineur, dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants du code civil, à l'une des personnes mentionnées à l'article 375-3 du même code, transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur ; qu'en raison des pouvoirs dont le département se trouve ainsi investi lorsque le mineur lui a été confié, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur ; que cette responsabilité n'est susceptible d'être atténuée ou supprimée que dans le cas où elle est imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ; que la circonstance que le juge des enfants assortisse sa décision de confier un mineur à la garde du service départemental d'aide à l'enfance du "souhait" que ce mineur soit placé au sein d'un organisme privé qu'il désigne, est sans incidence sur le transfert au département de la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les jeunes A...M., D...S. et Alexandre C., respectivement confiés, dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative prise sur le fondement de l'article 375 du code civil, aux services de l'aide sociale à l'enfance des départements de l'Oise, du Puy-de-Dôme et du Rhône, ont allumé un feu, le 1er novembre 2010, dans la grange appartenant à Mme C...provoquant un incendie qui a détruit ce bâtiment ; qu'en se fondant sur les propos des intéressés indiquant qu'ils pensaient avoir éteint le feu allumé à l'intérieur de la grange, le département de l'Oise et la compagnie Areas n'établissent pas que la destruction de la grange de Mme C...aurait pour origine, l'intervention postérieure d'un rôdeur ou d'un voisin malveillant ; qu'il n'est pas plus établi, que le jeune A...M. dont le département de l'Oise avait la garde, se serait contenté de regarder la scène ; que, dans ces conditions, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la responsabilité du département de l'Oise doit être retenue à hauteur d'un tiers pour la réparation des dommages subis par Mme C... ;

Sur les préjudices de MmeC... :

4. Considérant que la somme due à Mme C...au titre de la destruction de son immeuble ne saurait excéder la valeur vénale de celui-ci au jour où il a été détruit par l'incendie, qui constitue la limite de l'indemnisation d'un tel préjudice ; que, dès lors, Mme C...ne saurait demander une indemnité fondée sur le coût réel de reconstruction à l'identique de son bien ; qu'enfin, il n'est pas établi que Mme C...ne pouvait procéder aux travaux nécessaires à la remise en état de son bien, au jour du dépôt du rapport d'expertise ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à demander l'indexation de l'indemnité qui lui est due sur la base de l'indice du coût de la construction BT 01 ;

5. Considérant que Mme C...ne conteste pas les motifs d'irrecevabilité opposés par le jugement à ses conclusions tendant à l'indemnisation d'un préjudice moral ; que, par suite, ces conclusions, qu'elle reprend en appel, ne peuvent qu'être rejetées ;

6. Considérant que Mme C...ne justifie, pas plus en appel que devant les premiers juges, avoir procédé au paiement de la somme de 14 437 euros correspondant aux frais de l'expertise réalisée à la suite de l'incendie; que par suite, elle ne justifie pas d'un préjudice né et actuel à ce titre ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme C...et les conclusions incidentes du département de l'Oise et de la compagnie Areas doivent être rejetées ;

Sur l'appel provoqué du département de l'Oise et de la compagnie Areas :

8. Considérant que le rejet des conclusions de l'appel principal de Mme C...n'aggrave pas la situation département de l'Oise et de la compagnie Areas ; que leurs conclusions d'appel provoqué ne sont dès lors pas recevables ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chaque partie la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et provoqué du département de l'Oise et de la compagnie Areas sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., au département de l'Oise, à la compagnie Areas, au département du Puy-de-Dôme, au département du Rhône et à la Fondation La vie au grand air.

Délibéré après l'audience du 9 février 2016 à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre ;

Mme Dèche, premier conseiller ;

Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2016.

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N°14LY00657


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00657
Date de la décision : 15/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-012 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services sociaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SCP COLLET-DE ROCQUIGNY CHANTELOT-ROMENVILLE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-15;14ly00657 ?
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