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03/03/2016 | FRANCE | N°15LY03045

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 03 mars 2016, 15LY03045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- la désignation d'un expert afin d'évaluer le préjudice qu'elle a subi à la suite de sa chute survenue le 18 octobre 2011 sur le parvis de la place Mistral-Eaux Claires à Grenoble ;

- la condamnation de la commune de Grenoble à lui verser une somme, à hauteur du total des préjudices évalués par l'expert, en réparation des préjudices de tous ordres subis ;

- la mise à la charge de la commune de Grenoble de la somme d

e 2 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- la désignation d'un expert afin d'évaluer le préjudice qu'elle a subi à la suite de sa chute survenue le 18 octobre 2011 sur le parvis de la place Mistral-Eaux Claires à Grenoble ;

- la condamnation de la commune de Grenoble à lui verser une somme, à hauteur du total des préjudices évalués par l'expert, en réparation des préjudices de tous ordres subis ;

- la mise à la charge de la commune de Grenoble de la somme de 2 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a demandé 1°) la condamnation de la commune de Grenoble à lui verser une somme, non chiffrée, en remboursement de ses débours ainsi qu'au titre des intérêts au taux légal et de l'indemnité forfaitaire instituée par l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale, 2°) la mise à la charge de la commune de Grenoble des frais exposés et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1303340 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ainsi que les conclusions de la caisse d'assurance maladie de l'Isère.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2015, présentée pour MmeA..., elle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2015 ;

2°) de faire droit à sa demande présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Grenoble la somme de 3 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune n'a pas entretenu correctement la voie publique ;

- le bassin où elle a chuté n'est pas délimité par une construction ni signalé, hormis une légère déclivité, les dalles au sol étant identiques ;

- le bassin, une fois vidé, se confond avec le parvis et devient, en l'absence d'interdiction signalée, une zone de circulation normale pour les piétons qu'il appartient au maire de sécuriser par un entretien correct, en supprimant notamment les algues glissantes, alors que des chutes sont déjà survenues sur cet espace ;

- il appartient également au maire de prendre toutes mesures utiles pour signaler le danger, alors que les services municipaux avaient été alertés à plusieurs reprises sur l'état du parvis du fait de la mise en eau du bassin ;

- elle a fait faire un constat d'huissier le 3 septembre 2015, qu'elle produira.

- la responsabilité de la commune de Grenoble est engagée à raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage et d'une carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police pour un défaut de signalisation du danger.

Par un mémoire en défense, enregistré par télécopie le 29 octobre 2015 et régularisé le 2 novembre 2015, pour la commune de Grenoble, elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme A...connaissait les lieux et savait que l'espace qu'elle traversait constituait un bassin régulièrement rempli d'eau et donc susceptible d'être glissant ;

- il existe une zone de contournement du bassin, constituant un passage piétons de cinq mètres de large qui longe le bassin ;

- la délimitation du bassin est clairement matérialisée par la présence de murets et de plots cimentés ainsi que par une déclivité ;

- généralement, lorsque des algues sont présentes sur le fond du bassin, elles sont visibles par les usagers, alors que l'accident est survenu de jour ;

- la présence de ce bassin sur le parvis ne présente pas de danger susceptible de justifier une signalisation particulière et qu'aucun antécédent d'accident n'a été signalé ;

- en période hors gel, ce qui était alors le cas, le bassin est nettoyé quotidiennement avant remplissage et décapé mensuellement en périodes de fortes chaleurs mais qu'à l'heure de l'accident : 8 h 30, ce nettoyage quotidien n'était pas encore intervenu ;

- aucun défaut d'entretien n'est à déplorer ;

- Mme A...a commis une imprudence fautive en empruntant cette zone qui ne constitue pas une zone de circulation pour les piétons.

Par ordonnance du 8 janvier 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 février 2016.

Par mémoire enregistré le 29 janvier 2016 pour MmeA..., elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Elle ajoute que :

- un usager normalement diligent peut, sans outrepasser une interdiction ou enfreindre une signalisation, emprunter le bassin qui après vidange et avant remise en eau se confond avec la place et peut s'attendre légitimement à ce que les bassins, qui deviennent ainsi agrégés à la place piétonne lorsqu'ils ne sont plus en eau, ne présentent pas un danger particulier ;

- le constat d'huissier du 15 septembre 2015 sur la configuration des lieux établit que la continuité entre la zone de circulation à pied et la zone qui est mise en eau est parfaite et est difficilement discernable, que le revêtement est identique, que seule une pente marque l'entrée dans la zone habituellement mise en eau ; que lors du constat le sol était recouvert sur plusieurs zones d'une fine pellicule de résidus boueux et brunâtres et noirâtres très glissante ; que ce constat indique qu'elle a chuté dans la zone Nord-Est du bassin donnant côté rue Anatole France en face de l'établissement " le Plateau " ;

Par une ordonnance du 2 février 2016, l'instruction a été réouverte ;

Par mémoire enregistré le 5 février 2016, qui n'a pas été communiqué, pour la commune de Grenoble, elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités locales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Chauvet, avocat de Mme A...et de Me Ligas-Raymond, avocat de la commune de Grenoble.

1. Considérant que MmeA..., alors âgée de 66 ans, a été victime d'une chute, le 18 octobre 2011 à 8 h 30, sur le parvis de la place Mistral-Eaux Claires à Grenoble, en traversant à pied un bassin décoratif alors à sec ; qu'elle a présenté une fracture du fémur gauche qui a nécessité une intervention chirurgicale ; que Mme A... interjette appel du jugement du 9 juillet 2015, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté l'ensemble de ses conclusions tendant à l'organisation d'une expertise aux fins d'évaluer l'étendue de ses préjudices liés à sa chute et à la condamnation de la commune à l'indemniser de ses préjudices ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient à la victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage dont s'agit et le dommage dont elle se prévaut ; que la collectivité en charge de l'ouvrage peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve, soit de l'entretien normal de celui-ci, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime, soit encore d'un cas de force majeure ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la déclaration d'accident du 26 octobre 2011, que Mme A...a, à sa sortie de l'établissement culturel et sportif dit ''le Plateau'', délibérément traversé un des deux bassins, alors à secs, présents sur le parvis de la place Mistral-Eaux Claires à Grenoble ; qu'elle impute sa chute au sol au caractère glissant de ce bassin, du fait de la présence de résidus et d'algues résultant, selon elle, d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ainsi qu'à la mauvaise délimitation et au défaut de signalisation dudit bassin ; que toutefois, il est constant que ces deux bassins se différencient visuellement du reste de la place par des murets formant rebord, par des plots ainsi que par des dénivelés suffisamment importants pour leur permettre de retenir l'eau lorsqu'ils sont remplis ; qu'ils sont ainsi facilement visibles et identifiables comme n'étant pas destinés à la circulation des piétons ; qu'en ce qui concerne plus particulièrement la partie du bassin située au Nord-Est de la rue Anatole France, en face du ''Plateau'', à l'endroit où Mme A...indique être tombée, sans au demeurant qu'elle fournisse aucune précision à cet égard, la présence de plots tronqués de différentes hauteurs, de rebords ainsi que l'avancée du toit du bâtiment abritant ''Le Plateau'', permettent de distinguer sans hésitation la surface du bassin de l'espace dévolu à la circulation des piétons ; que si le nettoyage quotidien du bassin précédant son remplissage n'avait pas encore été effectué à 8h30, heure de la chute de MmeA..., cette circonstance est toutefois sans incidence sur la responsabilité de la collectivité dès lors que l'intéressée, qui ne conteste pas qu'elle connaissait les lieux et donc l'existence dudit bassin, ne pouvait pas non plus ignorer l'imprudence dont elle faisait preuve en s'engageant sur cet espace qui, du fait de sa destination, présentait nécessairement un risque de glissade, et alors en outre qu'il lui était loisible de le contourner aisément en empruntant le passage piétonnier prévu à cet effet ; que, par suite, l'accident dont a été victime Mme A..., qui est survenu en plein jour et qui concerne une personne adulte dont il n'est ni établi ni même allégué qu'elle aurait été affectée de troubles diminuant sa perception ou sa vigilance, est exclusivement imputable au comportement fautif de l'intéressée ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; (...) " ;

5. Considérant qu'il est constant que le maire de Grenoble n'a pas apposé de panneau interdisant la traversée du bassin, que celui-ci soit vide ou plein ; que, toutefois, à supposer même que cette carence présente le caractère d'une faute, elle ne saurait en l'espèce engager la responsabilité de la commune à l'égard de MmeA..., laquelle, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, a agi par imprudence et non par manque d'information, et doit être regardée comme seule responsable de l'accident ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'organisation d'une expertise aux fins d'évaluer l'étendue de ses préjudices liés à sa chute et à la condamnation de la commune à l'indemniser desdits préjudices ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Grenoble, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de Mme A..., au titre des frais exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens ;

8. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...quelque somme que ce soit au profit de la commune de Grenoble, au titre des frais exposés par cette dernière devant la cour et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Grenoble tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère et à la commune de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 11 février 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mars 2016.

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N° 15LY03045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03045
Date de la décision : 03/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CABINET J. ROBICHON

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-03;15ly03045 ?
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