Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser la somme de 239 532,77 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite d'une intervention chirurgicale réalisée au centre hospitalier d'Annecy le 20 mars 2008.
Par un jugement n° 1204573 du 14 février 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 avril 2014, présentée pour Mme A...B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 février 2014 ;
2°) de prononcer la condamnation demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les dommages qu'elle a subis résultent de l'intervention chirurgicale constitutive d'un accident médical et non d'une faute de l'hôpital, sont sans lien avec son état antérieur et constituent des complications anormales qui ne sont pas habituelles ni fréquentes ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le critère de gravité est rempli dès lors qu'elle est inapte, en raison de cet accident médical, à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant cet accident ;
- la condition liée à l'anormalité du préjudice est remplie ;
- elle justifie d'une perte de revenus s'élevant à 149 955,97 euros soit 2 288,88 euros pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2010, et un capital de 147 667,09 euros à compter du 1er janvier 2011, d'un préjudice d'incidence professionnelle évalué à 50 000 euros qui est lié à la perte de champ de compétences et à la prise en compte de son handicap conduisant à une dévalorisation professionnelle ;
- le préjudice lié à un déficit fonctionnel temporaire total et partiel doit être fixé à 436,80 euros, les souffrances endurées à 3 000 euros, le préjudice esthétique temporaire à 1 500 euros, le déficit fonctionnel permanent à 7 140 euros, le préjudice esthétique permanent à 2 500 euros, et le préjudice d'agrément à 25 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2015, l'ONIAM conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le dommage ne résulte pas d'un accident médical ;
- les conséquences dommageables ne sont pas anormales ;
- le critère de gravité requis n'est pas rempli.
Le 16 mars 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie a présenté ses observations.
Elle expose que les débours versés à Mme B...se sont élevés à la somme de 15 139,05 euros.
Par un mémoire enregistré le 19 janvier 2016, Mme B...conclut aux mêmes fins que précédemment sauf à ce que le montant de l'indemnité qui doit lui être versée soit actualisé à la somme de 292 293,10 euros.
Elle soutient que ses préjudices de pertes de gains professionnels futurs, relatifs aux déficits fonctionnels temporaire et permanent et au préjudice esthétique permanent doivent être actualisés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 21 décembre 2015 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Favre, avocat de MmeB....
1. Considérant que MmeB..., née le 14 mai 1963, a été opérée le 20 mars 2008 au centre hospitalier d'Annecy d'un hallux Valgus du pied gauche ; que cette opération a consisté en une correction par ostéotomies ; qu'après cette intervention chirurgicale, l'intéressée présente un déficit de flexion des orteils avec une déformation et un trouble de l'appui du pied gauche entraînant des douleurs dans le genou gauche ; qu'elle a saisi le 14 octobre 2010 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de la région Rhône-Alpes d'une demande tendant à être indemnisée du préjudice ainsi subi à la suite de cette opération ; qu'à la suite du rapport établi par le docteur Nachin, expert désigné par cette commission, la CRCI a, dans son avis du 13 avril 2011, estimé que cette demande de l'intéressée ne remplissait pas le critère de gravité prévu à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique et s'est par suite déclarée incompétente pour engager la procédure de règlement amiable ; que Mme B...a alors saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser la somme de 239 532,77 euros en réparation du préjudice subi à la suite de cette intervention chirurgicale ; que Mme B...relève appel du jugement du 14 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande ;
2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret " ; qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / (...) A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : / 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; / 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état, et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ;
4. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux que Mme B..., qui ne le conteste pas, subit un déficit fonctionnel permanent évalué au taux de 6 %, inférieur alors à celui de 24 % ouvrant droit à une prise en charge au titre de la solidarité en application des dispositions précitées du code de la santé publique ;
5. Considérant qu'il résulte également de ce rapport d'expertise, et qu'il n'est pas davantage contesté par la requérante, que la durée de l'arrêt temporaire de ses activités professionnelles et celle du déficit fonctionnel temporaire imputables à l'accident médical étaient inférieures alors à celles ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale en vertu des dispositions précitées du code de la santé publique ;
6. Considérant qu'enfin, s'agissant de la prise en charge à titre exceptionnel prévue par les dispositions précitées de l'article D 1142-1 du même code, il résulte de ce même rapport d'expertise que Mme B...a été reconnue travailleur handicapé et a été classée en invalidité de 1ère catégorie, le 3 juin 2010, avec un taux de calcul pour sa pension de 30 % , le praticien conseil estimant que son état d'invalidité réduisait des 2/3 sa capacité de travail ou de gain justifiant ce classement en catégorie 1 ; que Mme B...a été déclarée par le médecin du travail, les 23 juillet et 6 août 2010, inapte au poste de conductrice et aide conductrice au conditionnement après étude de poste, et apte médicalement pour un poste de travail sans station debout permanente, sans manutentions lourdes, sans cadence rapide imposée avec des horaires en journée ; qu'elle a dû cesser ce travail de conductrice au conditionnement, correspondant à un emploi d'ouvrière de niveau 3 et de coefficient 175 ; que toutefois, alors que l'intéressée a été reclassée dans l'entreprise, compte tenu des préconisations du médecin du travail, sur un poste d'assistante de qualité, à temps partiel mais correspondant également à un emploi d'ouvrière de niveau 3 et avec le même coefficient, cette inaptitude résultait des suites dommageables à son pied gauche et à ses genoux de l'accident médical mais également d'un syndrome dépressif sévère dont elle souffrait dès avant l'intervention dont s'agit ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des avis d'inaptitude, de la fiche de poste, et du rapport de l'expertise diligentée par la CRCI, que ce syndrome dépressif sévère était pris en charge avant l'accident médical, avait justifié un arrêt de travail depuis près de six mois à la date de l'intervention, et nécessitait un poste sans cadence rapide imposée et avec des horaires en journée incompatible avec le poste de travail de conductrice de conditionnement auquel elle avait été affectée avant l'accident et qui impliquait des contraintes d'ordre mental en raison de la cadence imposée dans le cadre du contrôle, du diagnostic et de la gestion des pannes comme dans le cadre du respect des objectifs de production ; qu'ainsi MmeB..., qui demeure apte à un emploi d'ouvrière de même niveau que celui de son poste d'origine alors qu'elle se trouvait, dès avant l'intervention en cause, dans l'incapacité définitive d'exercer son poste de conductrice de conditionnement en raison de ce syndrome dépressif sévère, ne peut, contrairement à ce qu'elle soutient, être regardée comme ayant, à raison de l'intervention en cause, été déclarée définitivement inapte à l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, au sens des dispositions précitées de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM).
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. Segado et MmeC..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
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N° 14LY01089