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11/02/2016 | FRANCE | N°15LY00502

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 11 février 2016, 15LY00502


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Guintoli a demandé, sous le n° 1201429, au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'Etat au paiement de la somme de 24 501 587,08 euros HT, soit 29 303 898,15 euros TTC, au titre de son décompte final demeuré sans réponse, ainsi que des intérêts moratoires au taux légal plus sept points et la capitalisation de ces intérêts, au titre de son décompte, ainsi que la somme de 8 942738,37 euros.

La société Guintoli a demandé, sous le n° 1301214, au tribunal administrat

if de Clermont-Ferrand de condamner l'Etat à lui payer la somme de 8 942 738,37 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Guintoli a demandé, sous le n° 1201429, au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'Etat au paiement de la somme de 24 501 587,08 euros HT, soit 29 303 898,15 euros TTC, au titre de son décompte final demeuré sans réponse, ainsi que des intérêts moratoires au taux légal plus sept points et la capitalisation de ces intérêts, au titre de son décompte, ainsi que la somme de 8 942738,37 euros.

La société Guintoli a demandé, sous le n° 1301214, au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'Etat à lui payer la somme de 8 942 738,37 euros, correspondant au montant de son mémoire en réclamation contestant le décompte général qui lui a été notifié le 29 octobre 2012, de laquelle il convient de soustraire les 18 000 euros consentis sur les 8 millions réclamés, ainsi que les intérêts moratoires au taux légal plus sept points et la capitalisation de ces intérêts.

Par jugement n° 1201429 - 1301214 en date du 21 novembre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête n° 1201429, a rejeté l'ensemble des conclusions à fin d'indemnisation présentées par la société Guintoli, à l'exception de celles relatives aux préjudices liés à l'évolution de l'ouvrage hydraulique n° 7 et à la nature des déblais rocheux au regard d'un contexte pluviométrique défavorable respectivement examinées aux points 12 et 22, a ordonné une expertise avant-dire droit à l'effet d'apprécier les causes, la réalité, l'étendue et le montant des préjudices dont il est demandé réparation aux points 12 et 22 et de faire toutes observations permettant d'apurer les comptes entre les parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 février et 29 octobre 2015, la société Guintoli, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 21 novembre 2014 en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur sa première demande et rejette ses conclusions ;

2°) d'ordonner le calcul des intérêts à l'expiration du délai de 45 jours après réception de son mémoire en réclamation par le maître d'oeuvre, ou à défaut à la date d'enregistrement de sa demande n° 1201429, ainsi que la capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 942 738,37 euros, dont il convient de soustraire 18 000 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa première demande dès lors que ne pas statuer sur cette demande revient à la priver d'un an d'intérêts et de la mise en oeuvre d'une année de capitalisation, il n'y a pas de raison légitime de ne pas statuer sur ce recours, fût-ce au titre des seuls intérêts et de leur capitalisation ;

- le jugement n'est pas contesté en tant qu'il porte sur l'évolution significative de l'ouvrage hydraulique OH n° 7 et s'agissant de la nature des déblais rocheux et des conditions météorologiques, elle se réserve le droit de critiquer le rapport d'expertise quant à la valorisation de son préjudice ;

- les conditions de réalisation de la couche de forme ont été différentes de celles convenues en raison notamment de la réduction unilatérale des emprises convenues pour la zone de dépôt et du caractère erroné du rapport sur la nature des gisements, elle a subi de ce fait une modification unilatérale des prestations mises à sa charge et non prévues par le marché ; elle a été en outre confrontée à des sujétions qui ont eu des conséquences significatives sur l'exécution du chantier ; c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'absence d'une réserve, qui n'était pas imposée à peine de forclusion ; le tribunal n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations ; si les premiers juges ont retenu que le contrat prévoyait la présence de boules de granit, ce motif est inopérant, dès lors que l'entreprise ne devait réaliser aucune investigation liée à la nature des sols et que ni le maître d'oeuvre ni le maître d'ouvrage n'ont contesté les moyens prévus par l'entreprise et leur adaptation à l'exécution des prestations, du fait de l'ignorance des parties sur la réalité de l'importance de la sujétion qui s'est révélée à ce stade ;

- s'agissant des contraintes environnementales, il appartenait au maître d'ouvrage d'assumer la direction et le contrôle du chantier, or en l'espèce les dispositions à prendre ont été laissées à l'entreprise à laquelle aucun objectif n'a été imposé ; le maître d'ouvrage a fait intervenir le centre d'études techniques de l'équipement (ci-après CETE), alors que les soumissionnaires n'étaient pas informés de l'intervention d'une maîtrise d'oeuvre sur ce point, ce qui a entraîné une désorganisation, ainsi que la mise en oeuvre de travaux et d'interventions non prévus par le marché ; c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions à ce titre, dès lors qu'elle a réalisé des prestations dans des conditions différentes de celles convenues, le prix de la prestation ayant été chiffré en fonction de l'absence d'intervention prévue d'un assistant à maîtrise d'ouvrage, du fait du maître d'ouvrage, et qu'elle doit être indemnisée de la prestation réellement acquittée ; le motif tiré de l'absence de réclamation en cours de chantier est inopérant, aucune mention du cahier des clauses administratives générales (ci-après CCAG) ou du cahier des clauses administratives particulières (ci-après CCAP) n'ayant pour objet ou pour effet de la contraindre à présenter une réclamation dans cette hypothèse ; le tribunal n'a pas tiré les conséquences de ses constatations ;

- le bouleversement des travaux dans la section D0-1/D8 a été rendu nécessaire pour limiter la dérive du coût des travaux, il a justifié un surcoût pour son sous-traitant de 58 264,10 euros ; les événements relatifs aux emprises, à la géologie, à la météorologie et à l'ouvrage hydraulique n° 7 ont occasionné, s'agissant des matériels et personnels d'exploitation, un surcoût respectivement de 90 911,05 €, 2 116 491,25 €, 1 514 131,55 €, 166 472,15 €, ainsi qu'une augmentation des coûts de transfert de matériels de 75 753,30 € HT, un surcoût respectif de 5 004,08 €, 116 419,67 €, 83 273 € et 9 152,76 € pour l'assainissement ; l'approfondissement supplémentaire des drains auquel le maître d'ouvrage a décidé de procéder a impliqué un surcoût de 150 000 € HT, ainsi qu'une multiplication des reprises, pour un surcoût de l'ordre de 100 000 € HT ; les fractionnements supplémentaires, associés à la nécessité de prendre les matériaux minés avant leur mise en PST, a impliqué un préjudice de 931 980,30 € HT ; les travaux de reprise de la couche de forme peuvent être évalués à 83 936,21 € HT ; le surcoût au titre des intempéries atteint 613 818,34 € ; le surcoût direct au titre de l'environnement est de 124 351,62 € HT ; le montant total des coûts directs est de 6 239 959,20 € ; les impacts induits, liés aux services supports de la production, aux frais de chantier, aux frais hors chantier, au redressement du barème matériel et au coût intrinsèque du préjudice, représentent 45 581,26 € au titre des emprises, 1 253 481,87 € au titre de la géologie, 888 832,62 € au titre de la météorologie, 91 162,32 € au titre de l'ouvrage hydraulique n° 7, soit 2 279 057,96 euros au total ; c'est à tort que les premiers juges lui ont reproché de n'avoir produit que des tableaux synthétiques s'agissant des impacts induits, il convient de se référer au rapport d'expertise et à ses annexes ; s'agissant des impacts directs, elle se réserve le droit de discuter de l'évaluation qui sera retenue à l'issue de l'expertise ordonnée par le tribunal ;

- s'agissant des désaccords sur les métrés relatifs aux enrochements, le maître d'ouvrage doit payer sur la base des quantités réellement mises en oeuvre, elle a réalisé une épaisseur non de 25 centimètres, comme prévu à la coupe type, mais de 40 centimètres ; elle a droit au montant effectivement exposé pour le réglage de la PST rocheuse ; le prix 1 000 pour le revêtement en terre végétale ne comprend pas toutes les sujétions de remise en état des lieux ; les drains sur plateforme ont été posés à une profondeur moyenne de 90 centimètres, supérieure à ce que prévoyaient les profils en travers ; elle a droit à 423 721,21 euros HT à ce titre ; c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions à ce titre, dès lors que le constat n° 74 est contradictoire entre les parties, il a valeur contractuelle, il ne saurait être écarté d'un revers de main, le tribunal a délibérément dénaturé les faits, l'entreprise ayant réalisé deux fois la prestation, d'abord avec des matériaux du site à la demande du maître d'oeuvre puis en ayant recours à des matériaux d'apport, du fait de l'inefficacité du choix du maître d'oeuvre ;

- le projet de décompte final reçu le 21 juin 2011 doit servir de point de départ au délai de production du décompte général en application de l'article 13.42 du CCAG ; le retard dans la notification du décompte général constitue une violation de la loi et du contrat, c'est à tort que le maître d'ouvrage a prétendu différer son édiction ; les intérêts moratoires ont commencé à courir à l'expiration du délai de 45 jours à compter du 20 juin 2011 ; à défaut, la cour tiendrait compte de la mise en demeure du 23 novembre 2011 ; il y a lieu de capitaliser les intérêts ; le maître d'ouvrage admet, dans ses écritures, qu'une réclamation régulière a été déposée le 18 novembre 2011, le point de départ des intérêts ne saurait démarrer à une date ultérieure.

Par un mémoire enregistré le 5 octobre 2015, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas irrégulier en ce qu'il a retenu qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la première demande, dès lors que, par une réclamation du 11 décembre 2012 contre le décompte général, la société a repris tous les points de réclamation antérieurs qui n'avaient pas fait l'objet d'un règlement définitif, dont ceux de sa première demande ; le moyen de la société requérante est inopérant car le déclenchement des intérêts moratoires est sans lien avec la date d'enregistrement de la demande auprès du tribunal administratif ; il ne peut être utilement demandé à la cour de statuer au titre des seuls intérêts et de la capitalisation de sommes dont elle n'a pas ordonné le versement ;

- c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la société n'avait pas à être indemnisée de surcoûts au titre de la couche de forme ; le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient utilisé à tort le terme de réserve est inopérant, la société n'a pas émis de réclamation à la suite du changement dans la réalisation de la couche de forme ; le fait que la société n'avait pas à réaliser d'investigation complémentaire sur la nature des sols ne contredit pas le raisonnement des premiers juges, le contrat est clair sur l'existence de contraintes d'extraction liées à la présence de blocs rocheux ; le fait que ni le maître d'oeuvre, ni le maître d'ouvrage n'aient contesté les moyens prévus et leur caractère adapté est sans incidence, ces aspects relevant de la compétence de l'entreprise ;

- s'agissant du respect de l'environnement, le tribunal a fidèlement interprété le contrat et les obligations en découlant pour l'entreprise, qui n'ont pas été respectées ; c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aucune disposition contractuelle ne s'opposait à ce que le CETE, en sa qualité de service du ministère en charge de l'environnement, se voie confier une mission de contrôle et de direction appartenant au maître de l'ouvrage ; le moyen tiré de ce qu'aucune stipulation du CCAG ou du CCAP ne contraint l'entreprise à présenter une réclamation en l'espèce n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, il est inopérant et sans influence sur l'interprétation des faits retenue par les premiers juges ;

- s'agissant des impacts induits, la requérante ne justifie pas du caractère réel et certain des préjudices invoqués ni du lien de causalité ;

- le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient dénaturé les faits s'agissant des désaccords sur les métrés n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le constat n° 74 faisait seulement état d'un constat estimé ; l'argument selon lequel ce document aurait valeur contractuelle est sans influence sur la légalité du jugement ;

- le projet de décompte final du 20 juin 2011 a été rejeté par le maître d'oeuvre par ordre de service n° 2897 du 6 décembre 2011 pour non-respect de l'article 13.31 du cahier des clauses administratives générales du fait de l'absence des pièces mentionnées à son article 13.17 ; ce n'est que le 23 septembre 2011 que l'entreprise a présenté un projet de décompte final complet ; la réclamation du 21 juin 2011 a été rejetée le 27 septembre 2011 au motif que le préjudice n'était pas décomposé poste par poste ; la réclamation régulière a été déposée le 18 novembre 2011 et la réclamation sur le décompte général, qui s'est substituée à la précédente, a été formulée le 11 décembre 2012 ; en tout état de cause, la date à prendre en compte pour le calcul des intérêts est celle de la réclamation initiale ; les prétentions de la société sont prématurées puisque la quasi-totalité du montant de sa réclamation a trait aux chefs de préjudice dont l'évaluation est l'objet de l'expertise en cours.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.

1. Considérant que, par acte d'engagement signé le 15 décembre 2008, la direction régionale de l'équipement d'Auvergne a attribué à la société Guintoli un marché de travaux portant sur l'exécution de travaux de terrassement, d'assainissement et de réalisation de la couche de forme de la chaussée, dans le cadre de l'opération de mise à deux fois deux voies de la route nationale 7, s'agissant d'une section de 9,5 kilomètres située entre la commune de Saint-Prix (Allier) et le département de la Loire ; que la réception des travaux a été prononcée le 8 mars 2011, avec effet au 16 décembre 2010 ; que la société Guintoli a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand de deux demandes successives relatives au règlement de ce marché, l'une en se fondant sur un projet de décompte final qu'elle avait adressé, l'autre en contestation du décompte général signé par le maître d'ouvrage le 25 octobre 2012 ; que, par jugement du 21 novembre 2014, le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la première requête ; que le tribunal a, en outre, ordonné, avant-dire droit, une expertise en vue d'apprécier les causes, la réalité, l'étendue et le montant des préjudices dont il est demandé réparation s'agissant de l'évolution de l'ouvrage hydraulique n° 7, de la nature des déblais rocheux et des conditions météorologiques et de faire toutes observations permettant d'apurer les comptes entre les parties ; que le tribunal a, par ailleurs, rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de la société Guintoli ; que cette dernière relève appel de ce jugement en ce qu'il oppose un non-lieu à statuer à sa première demande et rejette une partie des conclusions indemnitaires de sa seconde demande ;

Sur le non-lieu à statuer opposé à la demande n° 1201429 :

2. Considérant que la société requérante soutient qu'elle a intérêt à contester ce non-lieu pour des raisons financières, au regard des points de départ des intérêts et de la capitalisation, qui seraient plus avantageux au regard de la première demande dont elle avait saisi le tribunal que de la seconde, sur laquelle il a été statué, et qu'il n'y a aucun intérêt légitime à ne pas statuer sur sa première demande ; que, toutefois, ces considérations sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la légalité du non-lieu prononcé par les premiers juges ; que, dans ces conditions, la société Guintoli n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande n° 1201429 ; qu'au demeurant, le point de départ des intérêts contractuels qui lui sont dus n'est pas affecté par le non-lieu qui a été opposé par les premiers juges ; qu'il en va de même s'agissant de la capitalisation des intérêts, sachant que le non-lieu ainsi opposé ne saurait avoir pour effet de priver de ses conséquences leur demande de capitalisation présentée dans le cadre de leur première demande auprès du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, et qui demeure une " demande judiciaire " de capitalisation des intérêts au sens de l'article 1154 du code civil ;

Sur le rejet d'une partie des conclusions indemnitaires de la demande n° 1301214 :

En ce qui concerne la réduction de l'emprise nécessaire à la gestion intermédiaire des matériaux de couche de forme et la qualité des matériaux :

3. Considérant que la société requérante soutient, d'une part, qu'elle a été confrontée à des conditions de réalisation des travaux distinctes de ce qui était prévu par le contrat, car le rapport sur la nature du gisement D 20 à partir duquel elle devait extraire les matériaux nécessaires à la réalisation de la couche de forme se serait avéré erroné ;

4. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport réalisé par l'expert nommé par ordonnance du juge des référés de la cour du 26 février 2013, que la légende du profil en long géotechnique et les comptes-rendus des sondages PM 01 24 et PM 01 25, documents contenus dans le dossier de consultation des entreprises, faisaient apparaître, au niveau du gisement D 20, le risque de zones d'altération avec blocs rocheux (boules de granit) impliquant des contraintes d'extraction et la présence d'éléments supérieurs à 80 mm de 2,10 à 4 m de profondeur ; que, dès lors, les difficultés constatées sur ce point, par la société Guintoli, étaient prévisibles ; qu'ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, la société Guintoli ne pouvait ignorer que le recours aux engins de chantier dont elle entendait faire usage pour l'extraction des matériaux destinés à la constitution de la couche de forme pourrait, de ce fait, s'avérer impossible ; qu'elle ne peut utilement soutenir qu'elle n'avait pas d'obligation de réaliser des investigations supplémentaires ; qu'il ne résulte ainsi pas de l'instruction que ces difficultés présenteraient le caractère de sujétions imprévues, ou que le maître d'ouvrage aurait commis une faute en lui communiquant des informations erronées sur la nature des sols sur le gisement D 20 ; que, si la société Guintoli soutient par ailleurs que ni le maître d'ouvrage ni le maître d'oeuvre ne l'ont alertée sur l'inadéquation des moyens qu'elle avait prévus, cette circonstance ne caractérise pas l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité du maître d'ouvrage à son égard, dès lors qu'il n'appartenait qu'à l'entreprise d'identifier les moyens pertinents ;

5. Considérant que la société Guintoli soutient, d'autre part, que l'aire de stockage dont elle a disposé n'était pas conforme à ce dont elle était censée disposer au regard des stipulations contractuelles et qu'elle a subi de ce fait un préjudice ;

6. Considérant qu'il est constant que tant la superficie que la forme des espaces de stockage mis à disposition de l'entreprise n'étaient pas conformes aux stipulations contractuelles, la surface dédiée étant sensiblement inférieure à celle qui était prévue ; que, cependant, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance aurait effectivement occasionné un surcoût pour la société requérante, qui ne s'était d'ailleurs pas plainte, à ce titre, des surfaces mises à sa disposition lors du chantier ; que, dans ces conditions, la société Guintoli n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont rejeté sa demande sur ce point ;

En ce qui concerne les contraintes liées à l'environnement :

7. Considérant que la société Guintoli soutient qu'elle a dû réaliser des prestations différentes de celles qui étaient prévues par le contrat, s'agissant en particulier des bassins de décantation, que le contrat ne prévoyait pas l'intervention d'un assistant à maîtrise d'ouvrage et qu'elle a subi des surcoûts du fait des préconisations du Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement (CETE) ;

8. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que les huit bassins de décantation que la société avait initialement prévu d'aménager dans le cadre du plan d'assurances d'environnement, document de valeur contractuelle dont la réalisation lui avait été confiée, n'ont pas pu être réalisés car ils auraient excédé l'emprise du chantier, sans qu'il ne soit établi, ni même allégué, que ces difficultés d'emprise seraient en lien avec celles mentionnées au point 6 ; que, dans ces conditions, la circonstance qu'elle a dû réaliser un autre dispositif, constitué de mini-bassins, n'est pas imputable à l'administration mais à sa propre carence dans la conception du dispositif de décantation, dont il n'est pas contesté qu'il relevait de sa responsabilité ; qu'ainsi, l'impossibilité de réaliser les ouvrages initialement prévus ne découle ni d'une faute de nature à engager la responsabilité du maître d'ouvrage, ni d'une modification unilatérale du contrat et ne relève pas non plus des sujétions imprévisibles ;

9. Considérant, par ailleurs, que le simple fait que le CETE, organisme d'Etat, soit intervenu dans le cadre de l'exécution du marché, alors même qu'il n'était pas identifié comme étant l'organisme de contrôle extérieur pour la mise en oeuvre du plan d'assurances de l'environnement, ne saurait, par lui-même, constituer une sujétion imprévue ou une faute engageant le maître d'ouvrage ; que, s'il est allégué que cet interlocuteur lui aurait imposé la réalisation de prestations non prévues par le contrat, ces allégations ne sont pas assorties d'éléments de nature à l'établir, étant précisé que le contrat prévoyait, à l'article 3.2.1 du cahier des clauses administratives particulières, que les prix du marché étaient établis en tenant compte des sujétions d'exécution particulières tenant à l'inclusion d'un maximum de mesures de protection de l'environnement pour préserver la qualité du site ; que, par suite, la société Guintoli n'est pas fondée à se plaindre du rejet de ses conclusions présentées sur ce fondement par le tribunal ;

En ce qui concerne les métrés :

10. Considérant que la société Guintoli fait état de divergence concernant certains métrés ;

11. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges énumérés aux points 33, 35 et 36 du jugement en litige, de rejeter ses conclusions au titre de l'épaisseur supplémentaire des quantités d'enrochement, de la remise en état et de la profondeur de la pose de drains ;

12. Considérant, d'autre part, que la société requérante n'a produit, que ce soit devant le tribunal ou devant la cour, aucun document de nature à remettre en cause le fait, retenu par le maître d'ouvrage dans le décompte général du marché, que le constat n° 74, retenant une surface d'enrochement de 190 692,86 m², serait erroné en indiquant qu'il s'agissait d'un total constaté ; que la circonstance que ce constat avait été établi de manière contradictoire et signé par les parties ne faisait pas obstacle, en absence de stipulations contractuelles en ce sens, à ce que les éléments de faits rapportés soient ultérieurement remis en cause, comme cela l'a été par le constat n° 86, au motif qu'ils ne correspondaient pas à la réalité ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont refusé de réintégrer le montant correspondant à ces métrés supplémentaires dans le décompte ;

En ce qui concerne l'indemnisation au regard des fautes retenues par le tribunal :

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les premiers juges ont estimé que la responsabilité contractuelle de l'Etat était engagée au titre de l'évolution de l'ouvrage hydraulique n° 7 ainsi que de la nature des déblais rocheux et des conditions météorologiques ; que la société Guintoli ne relève pas appel du jugement en tant qu'il porte sur les préjudices directs en découlant, dont l'évaluation a fait l'objet d'une expertise avant dire droit ; qu'elle entend toutefois relever appel du jugement qui, tout en ordonnant une expertise sur certains préjudices induits au point 32, a néanmoins, aux points 28 à 31, rejeté une partie de ses conclusions au titre de ces chefs de préjudice ;

14. Considérant qu'ainsi que l'avaient déjà relevé les premiers juges, la société requérante ne produit toujours, en cause d'appel, aucun document de nature à justifier les données qu'elle utilise, dans les multiples tableaux figurant dans ses écritures et visant à calculer son préjudice indemnisable ; que, si elle soutient que l'analyse des premiers juges sur ce point procède d'une lecture incomplète du rapport d'expertise et de ses annexes, ces documents, dans la version dans laquelle ils ont été produits devant la cour comme devant le tribunal, ne comportent aucun élément de nature à apporter ces précisions ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont refusé de faire droit à sa demande et ont ordonné une mesure d'expertise sur ce point ;

15. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Guintoli n'est pas fondée à demander l'annulation ou la réformation des articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 21 novembre 2014 ; que les conclusions de la société Guintoli tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, par voie de conséquence ; que, la cour ne modifiant pas le décompte général du marché et n'accordant aucune indemnité à la société requérante, elle n'a pas à se prononcer sur le point de départ des intérêts qui lui seraient dus ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Guintoli est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Guintoli et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016, où siégeaient :

- Mme Verley-Cheynel, président,

- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 février 2016.

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N° 15LY00502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00502
Date de la décision : 11/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Modalités de la réparation - Intérêts - Capitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : TORRON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-02-11;15ly00502 ?
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