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11/02/2016 | FRANCE | N°14LY01550

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 février 2016, 14LY01550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL France Frais a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1201752 du 12 février 2013, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 13LY01099 du 28 mai 2013, la cour administr

ative d'appel de Lyon a rejeté la requête de la SARL France Frais.

Par une décision n° 3...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL France Frais a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1201752 du 12 février 2013, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 13LY01099 du 28 mai 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête de la SARL France Frais.

Par une décision n° 370632 du 30 avril 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance n° 13LY01099 du 28 mai 2013 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 avril 2013, la SARL France Frais, représentée par la SELAFA Fidal, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201752 du tribunal administratif de Dijon, en date du 12 février 2013 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les pertes consécutives à des abandons de créances revêtant un caractère commercial sont à comprendre intégralement dans les charges déductibles du résultat imposable de l'entreprise qui les a consentis, alors que celles revêtant un caractère financier ne le sont pas ;

- selon la jurisprudence, la doctrine administrative et la doctrine universitaire, la qualification et le traitement fiscal des abandons de créances dépendent de l'appréciation des éléments de fait et de droit qui ont motivé ces abandons ;

- elle réalise un chiffre d'affaires important avec ses filiales, dont la situation financière est analysée par les sociétés d'assurances crédit de ses fournisseurs, ce qui l'a contraint, pour le maintien de relations commerciales qu'elle a un véritable intérêt à maintenir, à procéder à des abandons de créances ;

- les actes de cession d'abandon de créance mentionnent expressément la motivation commerciale de ces abandons ;

- le caractère prépondérant de son activité commerciale par rapport à son activité de holding est clairement établi par les comparaisons entre le montant des dividendes perçus et la rémunération commerciale payée par les filiales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les abandons de créances à caractère financier n'ont été admis en déduction des résultats qu'à hauteur de la fraction correspondant à la situation nette négative de la filiale et de la fraction correspondant à sa situation nette positive à la suite des opérations retenues dans la proportion de son capital détenue par d'autres sociétés ;

- la SARL France Frais ne se comporte pas comme un commissionnaire mais comme un courtier, sans entretenir de relations clients fournisseurs avec ses filiales ni avec les fournisseurs de ses filiales ;

- le caractère financier des abandons de créances est confirmé par la lecture des conventions établies entre la requérante et ses filiales ;

- les omissions constatées ont été commises dans une intention délibérée, la requérante ne pouvant ignorer eu égard au contrôle ayant porté sur les exercices 2003 et 2004 le caractère financier des abandons de créances litigieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny,

- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SARL France Frais.

1. Considérant que la SARL France Frais, dont le capital est intégralement détenu par la coopérative Les Maîtres Laitiers du Cotentin, assure une mission économique de groupement d'achat et de vente pour des sociétés de distribution du groupe France Frais dont elle détient la quasi-totalité du capital ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos les 31 mars 2006, 2007 et 2008 à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, notifiées selon la procédure contradictoire, assorties de majorations pour manquement délibéré ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ; que la SARL France Frais relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la loi fiscale :

2. Considérant qu'il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges supportées dans l'intérêt de l'entreprise ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL France Frais a consenti, au cours des exercices clos en 2006, 2007 et 2008, des abandons de créances à certaines de ses filiales, dont elle détenait de 99,50 % à 100 % du capital ; que l'administration a estimé que ces abandons de créances présentaient un caractère financier et ne les a admis en déduction des résultats de la requérante que dans la mesure où ils correspondaient à la situation nette négative des filiales concernées et, pour le surplus, dans la proportion du capital de chacune des sociétés concernées détenu par des tiers ;

4. Considérant que, pour contester cette analyse et soutenir que les abandons de créances dont il s'agit revêtent un caractère commercial, la SARL France Frais fait valoir qu'elle n'est pas seulement une société holding, procédant à l'acquisition des titres des sociétés de distribution, mais qu'elle remplit également la double fonction de groupement d'achat, négociant des accords nationaux d'approvisionnement avec des fournisseurs, et de vente, négociant des accords nationaux de commercialisation avec des clients ; qu'elle ajoute que le caractère prépondérant de son activité commerciale est clairement établi par le constat que ses recettes commerciales générées par la facturation aux sociétés filiales de distribution sont en moyenne cinquante fois supérieures aux dividendes distribués par lesdites filiales et soutient qu'elle a ainsi un intérêt commercial à régulariser la situation comptable de ces sociétés filiales pour éviter la suspension des livraisons et préserver la couverture crédit de leurs fournisseurs ;

5. Considérant que, si les conventions établies entre la SARL France Frais et chacune de ses filiales rappellent en introduction que la filiale " connaissant des difficultés financières et présentant un résultat négatif, l'actionnaire France Frais a décidé d'abandonner une partie de sa créance en compte courant, afin d'assurer la pérennité de ses relations commerciales avec la société " concernée, l'administration fiscale fait valoir sans être contredite que la SARL France Frais n'avait pas de relations commerciales avec ses filiales, pour lesquelles elle ne réalisait que des opérations de courtage sans prendre d'engagement quand à la bonne exécution des contrats conclus entre elles et leurs fournisseurs ; que, par ailleurs, ces conventions précisent que " cette opération se situe hors champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée puisqu'elle ne constitue pas la contrepartie d'une prestation de services taxables précise et individualisée rendue par la société France Frais " et stipulent que la dette redeviendra de plein droit exigible si, pendant un délai de dix ans à compter de leur signature, il était porté atteinte aux éléments constitutifs du fonds de commerce ou, notamment, " en cas de perte du contrôle majoritaire de la société débitrice sur le créancier et, ou son groupe familial ", sans faire état de relations commerciales entre la SARL France Frais et ses filiales ; que, de plus, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, aucune pièce au dossier ne vient corroborer l'argumentation très générale de la société sur les risques allégués de suspension des livraisons, de retrait de la couverture crédit ou, plus généralement, de déréférencement des sociétés de distribution dans le cadre des accords nationaux conclus avec les fournisseurs, qu'engendrerait la situation financière de ces filiales susceptible de justifier l'intérêt commercial pour la SARL France Frais, eu égard à ses relations autres que financières avec lesdites filiales, de procéder aux abandons de créances litigieux ; que, par suite, même si les dividendes perçus des filiales concernées sont largement inférieurs aux chiffres d'affaires réalisés avec ces filiales, c'est à bon droit que l'administration a pu considérer que ces abandons de créances revêtaient un caractère purement financier et a refusé, en conséquence, de les déduire, dans les limites précitées, des résultats de la SARL France Frais ;

En ce qui concerne la doctrine :

6. Considérant que la doctrine administrative évoquée par la SARL France Frais exprimée par l'instruction du 22 août 1983 et par la documentation de base du 9 mars 2001 4 A-2162, ne contient pas, sur les points en litige, une interprétation de la loi fiscale différente de celle qui en a été donnée ci-dessus ; que, par suite, à supposer que la société requérante ait entendu se prévaloir de cette instruction, son argumentation ne peut être qu'écartée ;

Sur les majorations :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ;

8. Considérant que, pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré, l'administration fiscale a retenu que des insuffisances consécutives à l'absence de réintégration d'une fraction non déductible d'abandons de créances avaient déjà fait l'objet d'une procédure de rectification dont le bien-fondé avait été confirmé par un jugement du tribunal administratif de Dijon et que la société requérante ne pouvait ignorer qu'une partie des sommes abandonnées à ses filiales rendait leur situation nette comptable positive ; que, toutefois, l'appréciation du manquement délibéré doit être réalisée à la date à laquelle la contribuable a déposé sa déclaration ; qu'à la date de dépôt des déclarations de résultats des exercices 2006, 2007 et 2008, le jugement du tribunal administratif de Dijon, dont se prévaut l'administration fiscale, n'était pas encore intervenu ; que, dès lors, eu égard à l'importance des relations économiques entre la société requérante et ses filiales, l'administration fiscale ne peut être regardée comme établissant le caractère délibéré du manquement reproché à la contribuable ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL France Frais est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des majorations pour manquement délibéré dont ont été assortis les droits en litige ;

Sur les dépens et l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser les dépens à la charge de la SARL France Frais ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat verse à la SARL France Frais une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La SARL France Frais est déchargée des majorations pour manquement délibéré dont ont été assortis les droits procédant des rectifications relatives aux abandons de créances qu'elle a consentis à ses filiales au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon, en date du 12 février 2013, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL France Frais est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL France Frais et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

Mme Bourion, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 février 2016.

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N° 14LY01550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01550
Date de la décision : 11/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-083 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Relations entre sociétés d'un même groupe.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : FIDAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-02-11;14ly01550 ?
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