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09/02/2016 | FRANCE | N°15LY03165

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 09 février 2016, 15LY03165


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...C...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Rhône du 14 août 2015 ordonnant son placement en rétention administrative et l'arrêté du préfet de l'Isère du 9 avril 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en désignant le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 1507300 du 18 août 2

015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...C...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Rhône du 14 août 2015 ordonnant son placement en rétention administrative et l'arrêté du préfet de l'Isère du 9 avril 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en désignant le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 1507300 du 18 août 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces deux arrêtés, l'arrêté du préfet de l'Isère seulement en tant qu'il l'obligeait à quitter le territoire français et désignait le pays de destination de la reconduite.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2015, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler les articles 3 et 5 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 août 2015 par lesquels le magistrat désigné a annulé son arrêté du 9 avril 2015 et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Vibourel, avocat de M. C...B..., une somme de 800 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la contribution de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Le préfet de l'Isère soutient que :

S'agissant de la procédure devant le tribunal administratif :

- le jugement est entaché d'une violation du principe du contradictoire et d'un vice de procédure tenant à la non prise en compte de ses observations par le tribunal, son mémoire étant réputé être parvenu après clôture au greffe du tribunal ;

- la requête contre l'arrêté du 9 avril 2015 était irrecevable car tardive.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il existe, dans son pays d'origine, des médicaments et des structures sanitaires où la pathologie de M. C...B...peut être prise en charge ;

- l'intéressé n'établit pas souffrir d'une pathologie ne pouvant être prise en charge en République Démocratique du Congo, notamment il ne précise pas quel soin ou quels outils virologiques qui lui seraient nécessaires ne sont pas disponibles dans son pays d'origine ;

- que les autres moyens développés devant le tribunal ne sont pas fondés.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- l'exception d'illégalité ne peut qu'être écartée ;

- cette décision n'est pas entachée d'une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une lettre du 18 novembre 2015 les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le préfet de l'Isère n'a pas qualité pour faire appel au nom de l'Etat du jugement n° 1507300 du tribunal administratif de Lyon du 18 août 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2015, M. C...B...conclut :

1) au rejet de la requête ;

2) à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 200 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Il soutient que :

- il résulte du jugement que le représentant du préfet du Rhône a représenté le préfet de l'Isère à l'audience et a produit l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; que c'est à tort que le préfet de l'Isère sollicite l'annulation du jugement pour violation du principe du contradictoire et vice de procédure ;

- la décision du 9 avril 2015 méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur des enfants au sens de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ;

- il y a lieu de confirmer l'annulation de la décision du préfet du Rhône ordonnant son placement en rétention pour les mêmes motifs que ceux invoqués en première instance tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle, de la violation de l'article L. 551-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur manifeste d'appréciation quant à ses garanties de représentation, et du défaut de nécessité de son placement en rétention ;

- le préfet de l'Isère n'a pas qualité pour interjeter appel au nom de l'Etat concernant la condamnation de l'Etat sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ; que l'appel du préfet de l'Isère, concernant les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens est, par suite, irrecevable.

Par un mémoire, enregistré le 3 décembre 2015, le préfet de l'Isère persiste dans ses écritures.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas qualité pour faire appel au nom de l'Etat est manifestement infondé dès lors qu'il est l'auteur de l'arrêté litigieux, que le jugement attaqué lui a été régulièrement notifié en faisant courir le délai d'appel ; qu'il doit être regardé comme ayant été représenté à l'audience de première instance par le représentant du préfet du Rhône ;

- pour autant ses observations écrites matérialisées en première instance par son mémoire en défense, n'ont pas été analysées ainsi que le reconnaît le tribunal dans son jugement ; que les moyens tirés de la violation du principe du contradictoire et du vice de procédure sont fondés.

M. F...C...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Terrade,

- et les conclusions de M.A....

1. Considérant que M. F...C...B..., ressortissant congolais, né le 3 novembre 1979 à Kinshasa (République démocratique du Congo), est entré en France le 20 avril 2008, selon ses dires ; que sa demande d'asile ayant été rejetée par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 septembre 2008, rejet confirmé par la cour nationale du droit d'asile le 18 mars 2009, M. C... B...a bénéficié, du 2 septembre 2010 au 13 janvier 2014, de titres de séjour délivrés sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de son état de santé ; que le 16 décembre 2013, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur ce même fondement ; que, toutefois, par décision du 9 avril 2015, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant la République Démocratique du Congo comme pays de renvoi ; que, par la suite, M. C... B...a été interpellé à la gare de la Part-Dieu ; que le préfet du Rhône constatant l'absence d'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont il était l'objet, a décidé le placement de M. C... B...en centre de rétention administrative par un arrêté du 14 août 2015 ; que l'étranger a alors saisi le juge administratif d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que de l'arrêté du préfet de l'Isère du 9 avril 2015 lui refusant un titre de séjour en qualité d'étranger malade et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que, par un jugement en date du 18 août 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé la décision de placement en rétention administrative ainsi que l'obligation de quitter le territoire français dont M. C... B...faisait l'objet et par voie de conséquence la décision fixant le pays de destination, et a, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour pour lesquelles il était incompétent ; que, par la présente requête, le préfet de l'Isère relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé ses décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au profit du conseil de M. C... B...;

Sur la recevabilité de la requête présentée par le préfet de l'Isère au nom de l'Etat concernant la condamnation de l'Etat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-20 du code de justice administrative : " L'Etat est représenté en défense par le préfet du département qui a pris la décision de placement en rétention administrative ou d'assignation à résidence. /Toutefois, des observations orales peuvent être présentées au nom de l'Etat par le préfet du département dans lequel est situé le centre de rétention administrative où se trouve l'étranger (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 811-1 du même code : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative : " I.-Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : 1° Entrée et séjour des étrangers en France ; (...) " ;

3. Considérant que M. C...B...soutient que le préfet de l'Isère n'a pas qualité pour interjeter appel au nom de l'Etat s'agissant de la condamnation de l'Etat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 par le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'était pas défendeur en première instance dès lors, qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 776-20 du code de justice administrative, seul le préfet ayant décidé le placement en rétention administrative de M. C...B..., c'est-à-dire le préfet du Rhône, avait qualité pour représenter l'Etat dans cette instance ; que, toutefois, l'Etat étant partie à l'instance, il peut en application des dispositions de l'article R. 811-1 du code susmentionné faire appel de ce jugement ; qu'en vertu des dispositions précitées de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative, le préfet a qualité pour faire appel, au nom de l'Etat, devant la cour administrative d'appel, des jugements rendus sur des litiges relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers en France lorsque ceux-ci sont nés de l'activité des services de la préfecture ; qu'en l'espèce, les décisions litigieuses portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, qui relèvent de cette catégorie, ont été prises par le préfet de l'Isère qui est, par suite, recevable à relever appel du jugement du 18 août 2015 en tant que celui-ci a condamné l'Etat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a prononcé l'annulation de ses décisions alors même que l'Etat était représenté en première instance par le préfet du Rhône et que ce dernier n'a pas contesté l'annulation de la décision de mise en rétention prise à l'encontre de M. C...B...;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et la recevabilité de la demande de première instance ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...B...s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 9 avril 2015 ; qu'ainsi, à la même date, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;

7. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

8. Considérant que pour annuler, par le jugement attaqué, l'obligation de quitter le territoire français décidée par le préfet de l'Isère à l'encontre de M. C...B..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a estimé que cette décision avait été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort des pièces dossier que, par un avis en date du 30 janvier 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. C...B...nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existait pas dans son pays d'origine, et que les soins devaient être poursuivis pour une durée de douze mois ; que le préfet de l'Isère, par la décision contestée du 9 avril 2015, s'est écarté de cet avis, auquel il n'est pas tenu, et a considéré que les soins nécessaires à l'état de santé de M. C...B...étaient disponibles en République Démocratique du Congo ; que M. C...B...produit un certificat médical, en date du 28 mai 2015, émanant du praticien hospitalier qui assure son suivi médical au sein du service d'hépatogastroentérologie du CHU de Grenoble, qui précise que son patient est porteur d'une hépatite virale chronique B à virus mutant, comportant des charges virales élevées, et que la dernière biopsie réalisée, le 1er avril 2015, retrouve une légère progression de sa fibrose, qui n'implique pas la prescription d'un traitement antiviral mais nécessite la poursuite d'une surveillance rigoureuse " avec des outils virologiques performants, qui ne sont pas disponibles dans son pays d'origine et nécessitent son maintien sur le territoire français " ;

9. Considérant, toutefois, que le préfet de l'Isère produit au débat une fiche santé Cimed sur la République Démocratique du Congo attestant de la présence de structures sanitaires, de la possibilité de contrôle pour les porteurs du virus de l'hépatite B et de la disponibilité des traitements préconisés pour cette pathologie (la lamivudine et le tenofovir) ainsi qu'un extrait du rapport établi sous la direction du Professeur Daniel Dhumeaux et sous l'égide de l'ANRS et de l'AFEF, portant sur les recommandations 2014 quant à la prise en charge des personnes infectées par le virus de l'hépatite B qui confirme l'utilisation de ces deux molécules dans le traitement de cette pathologie ; qu'il produit également une fiche " Medical Country of Origin Information ", la base de données médicales européennes, concernant la situation sanitaire en République Démocratique du Congo, ainsi que la " liste des médicaments essentiels accessibles en République Démocratique du Congo " qui confirment la disponibilité de la lamivudine et du tenofovir dans ce pays ; qu'il produit enfin un message transmis le 5 septembre 2013 par le médecin référent de l'Ambassade de France à Kinshasa qui confirment les capacités des institutions de santé congolaises ; que, pour sa part, M. C... B... ne produit aucun document précisant le type de contrôle ou d'outil virologique nécessaire au traitement de sa pathologie qui serait absent en République Démocratique du Congo ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Isère doit être regardé comme établissant la possibilité d'un suivi et d'un traitement médical approprié de la pathologie de M. C... B...en République Démocratique du Congo ; que, par suite, la décision l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision au motif qu'elle avait été prise en méconnaissance des ces dispositions ;

10. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...B...et le préfet de l'Isère devant le tribunal administratif et en appel ;

En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français :

S'agissant de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

11. Considérant que M. C...B...excipe de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; qu'il soulève à l'encontre du refus de titre de séjour les moyens tirés de l'incompétence du signataire, de l'insuffisance de motivation, de la méconnaissance des dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

12. Considérant que l'arrêté du 9 avril 2015 portant refus de séjour est signé par M. E...D...préfet de l'Isère, nommé par décret du 19 février 2015 publié au journal officiel du 20 février 2015 ; que celui-ci était compétent pour prendre une telle décision ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait et doit être écarté ;

13. Considérant que l'arrêté mentionne les circonstances de fait propres à la situation de M. C...B...et les considérations de droit sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par conséquent, suffisamment motivé ; que, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plain droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

15. Considérant qu'il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle est saisie d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, de se prononcer au regard des conditions de délivrance de ce titre prévues par les dispositions qui viennent d'être rappelées ; qu'il suit de là que, saisi d'une demande présentée sur un fondement déterminé, l'autorité compétente n'est pas tenue de rechercher si la demande de titre de séjour aurait pu être satisfaite sur le fondement d'autres dispositions ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est, par suite, inopérant à l'encontre du refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sollicité sur le fondement du 11° de ce même article ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

16. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 9 ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 15 que, saisi d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet n'avait pas à rechercher si le refus de titre qu'il envisageait d'opposer à l'étranger ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'intéressé n'a pas invoqué une atteinte à sa vie privée et familiale devant l'autorité administrative compétente ; qu'un tel moyen est, par suite, inopérant ;

18. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 15 et 17, le préfet, saisi d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, n'avait pas à rechercher si le refus de titre qu'il envisageait d'opposer à l'étranger ne méconnaissait pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le refus de titre de séjour opposé à M. C... B...n'est pas entaché d'illégalité ; que, par suite, M. C...B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

S'agissant des autres moyens :

20. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

21. Considérant que M. C... B...déclare sans l'établir être entré en France le 20 avril 2008 ; que si le requérant soutient vivre en concubinage avec sa compagne de même nationalité et leurs deux enfants, nés en France, l'un le 2 octobre 2013, et l'autre le 22 juin 2015, soit pour cette dernière postérieurement à la décision attaquée, il ressort des propres déclarations de l'intéressé et d'un courrier produit par sa compagne que le couple ne vit ensemble que depuis mars 2015, soit un mois seulement à la date de la décision attaquée, et, sans qu'il ne soit ni établi, ni même allégué que l'intéressé aurait auparavant effectivement contribué à l'entretien et à l'éducation de son premier enfant ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que M. C... B...conserve des attaches familiales en République Démocratique du Congo, où résident notamment sa fille mineure née en 2001 ainsi que ses parents et ses quatre frères, et où il a vécu l'essentiel de son existence ; que, par suite, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

22. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

23. Considérant que rien ne paraît s'opposer à ce que les enfants de M. C... B... quittent le territoire français avec leurs parents ; que, dès lors, la décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à M. C...B...n'a pas porté, à l'intérêt supérieur de ses enfants, une atteinte méconnaissant les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

24. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

25. Considérant que si M. C...B...invoque l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'assortit son moyen d'aucune précision et ne fait notamment état, même sommairement, d'aucun risque en cas de retour dans son pays ; que ce moyen, tiré de la violation des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut, par suite, qu'être écarté ;

26. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, et alors même que l'annulation de la décision du préfet du Rhône du 14 août 2015 est devenue définitive, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, les frais de première instance non compris dans les dépens ;

27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 9 avril 2015 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. C...B...d'une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel de M. C... B... tendant au remboursement des frais d'instance non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1507300 du tribunal administratif de Lyon du 18 août 2015 est annulé en tant qu'il a annulé les décisions du 9 avril 2015 du préfet de l'Isère portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de l'éloignement de M. C...B...et en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à son conseil.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. C...B...tendant à l'annulation des décisions du 9 avril 2015 du préfet de l'Isère portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et ses conclusions tendant au remboursement des frais de première instance non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions d'appel de M. C...B...sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressé au préfet de l'Isère et au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 février 2016.

2

N° 15LY03165

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03165
Date de la décision : 09/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Règles de procédure contentieuse spéciales.

Procédure - Introduction de l'instance - Qualité pour agir.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : VIBOUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-02-09;15ly03165 ?
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