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04/02/2016 | FRANCE | N°15LY00806

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 février 2016, 15LY00806


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...épouse C...a demandé le 30 octobre 2014 au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions du 1er septembre 2014 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet du Rhône, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie pri

vée et familiale " ;

Par un jugement n° 1406580 du 2 février 2015, le tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...épouse C...a demandé le 30 octobre 2014 au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions du 1er septembre 2014 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet du Rhône, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;

Par un jugement n° 1406580 du 2 février 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mars 2015 présentée pour MmeA..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1406580 du tribunal administratif de Grenoble du 2 février 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt et à titre subsidiaire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil, sous réserve qu'il se désiste de sa demande d'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur de droit sur l'étendue de son pouvoir d'appréciation en se fondant exclusivement sur la circonstance qu'elle peut bénéficier du dispositif de regroupement familial ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car elle est mariée depuis plus de 4 ans avec M.A..., vit avec son époux , disposant d'un certificat de résidence de 10 ans expirant le 27 septembre 2006, et leur enfant Nihad né en France le 27 mai 2014 et qu'ils reçoivent à leur domicile dans le cadre du droit de visite et d'hébergement Abdelhakim, enfant né d'un premier mariage de son époux ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant car elle aurait pour effet de séparer Nihad de l'un de ses parents et de le séparer de son frère Abdelhakim alors que son époux participe matériellement et pécuniairement à l'entretien d'Abdelhakim même s'il ne verse pas de pension alimentaire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Par ordonnance du 7 septembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 octobre 2015.

Par mémoire, enregistré le 22 septembre 2015, Mme A...maintient ses conclusions et ses moyens.

Un mémoire produit pour Mme A...a été enregistré le 8 janvier 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 2016 le rapport de Mme Cottier, premier conseiller.

1. Considérant que MmeC..., ressortissante algérienne, née le 13 décembre 1978 a, le 27 avril 2010, épousé en Algérie M.A..., de nationalité algérienne, disposant d'un certificat de résidence de 10 ans expirant le 27 septembre 2016 ; qu'elle est entrée en France le 2 avril 2013 sous couvert de son passeport et d'un visa court séjour valable trente jours ; qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français ; qu'elle a sollicité le 5 août 2014 un certificat de résidence sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que par décisions du 1er septembre 2014, le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le tribunal administratif de Grenoble par jugement du 2 février 2015 a rejeté la demande de Mme A...tendant à l'annulation des décisions du 1er septembre 2014 ; que Mme A...fait appel de ce jugement du 2 février 2015 ;

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; 2. Le demandeur ne dispose ou ne disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France/Peut être exclu de regroupement familial : 1. Un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ; 2. Un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français " ;

4. Considérant que, Mme C...ayant épousé un compatriote titulaire d'un certificat de résidence de 10 ans, obtenu d'ailleurs dans le cadre d'un précédent mariage avec une ressortissante française, à la date de la décision en litige, elle entrait ainsi dans la catégorie des ressortissants algériens qui peuvent en vertu de l'article 4 précité de l'accord franco-algérien, bénéficier d'un regroupement familial en qualité de conjoint d'un ressortissant algérien séjournant régulièrement en France depuis au moins un an sous couvert d'un titre de séjour d'une validité de plus d'un an ; que, dès lors, à la date de la décision de refus de séjour, il est constant que Mme A...n'entrait pas dans les prévisions des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ; que par suite, le préfet a pu à bon droit dans son arrêté lui opposer cette dernière circonstance, avant d'examiner son droit au séjour au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ses liens en France ; qu'il ressort des termes mêmes de cette décision que le préfet a examiné la situation de l'intéressée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des liens personnels et familiaux de l'intéressée en mentionnant la possibilité pour les époux A...de retourner en Algérie avec leur enfant Nihad, en rappelant l'existence de liens familiaux forts en Algérie de Mme A...et la tenue d'un poste de gestionnaire par Mme A...en Algérie avant son entrée en France ; que par suite, le préfet n'a pas commis l'erreur de droit alléguée relative au seul examen de la possibilité du regroupement familial dans le cadre de l'analyse de la situation de la requérante et de son droit au séjour ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...se prévaut, au titre de ses liens en France, de son mariage célébré le 27 avril 2010 en Algérie, de son entrée en France le 2 avril 2013, de la naissance en France le 27 mai 2014 d'un enfant Nihad, fruit de son union avec M.A..., et de la circonstance que son mari et elle-même accueillent à leur domicile Abdelhakim, enfant né le 25 mars 2001 d'une précédente union de son époux et sur lequel son époux conserve un droit de visite et d'hébergement dans le cadre du divorce prononcé le 21 avril 2008 ; qu'elle indique également que son mari, s'il ne verse pas de pension alimentaire, contribue pourtant financièrement à l'entretien et à l'éducation d'Abdelhakim, notamment à travers l'achat de jouets et de paiement d'inscriptions à des clubs sportifs ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée n'est entrée en France que le 2 avril 2013, soit trois ans après son mariage, et depuis un an et cinq mois à la date de la décision attaquée ; qu'elle a vécu plus de 34 ans en Algérie avant son entrée en France, y a travaillé comme gestionnaire et y conserve des attaches familiales et sociales fortes en raison de la présence notamment de sa mère et de ses six frères et soeurs ; que l'attestation du 23 février 2015, au demeurant postérieure à la décision contestée de refus de titre de séjour, de l'ex-épouse de son mari indiquant que Abdelhakim séjournerait plusieurs jours et nuits par semaine chez son père et sa belle-mère sans autre précision sur la chronologie de cette prise en charge ni sur la nature précise des relations d'Abdelhakim avec sa belle-mère et son père ne sauraient pas suffire à démontrer l'existence de liens intenses et stables de la requérante depuis avril 2013, date de son entrée en France, avec Abdelhakim, son beau-fils ; qu'aucune pièce au dossier ne corrobore un suivi particulier de son beau-fils par la requérante ou un accueil de ce dernier au domicile de la requérante avant la date de la décision lui refusant un certificat de résidence ; que la circonstance qu'elle ait pu participer à un atelier d'apprentissage du français du 15 octobre 2013 au 4 avril 2014 dans une association et qu'elle se soit inscrite en février 2015, postérieurement à cette décision de refus de séjour, à un nouvel d'atelier d'apprentissage du français, ne saurait pas établir son insertion sociale et professionnelle en France ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

7. Considérant que la requérante fait valoir que ce refus de certificat de résidence aurait pour effet de séparer Nihad, l'enfant né de son union avec son mari, d'un de ses deux parents et aurait aussi pour effet de séparer Nihad de son demi-frère Abdelakim ; que toutefois, un tel refus de séjour n'a pas pour objet ni pour effet de séparer Nihad d'un de ses parents ni d'empêcher Nihad, de nationalité algérienne, de vivre avec ses parents, ressortissants algériens en Algérie ; que ce refus de séjour n'emporte pas nécessairement la cessation de liens entre Nihad âgé de 3 mois à la date de la décision de refus de séjour en litige avec son demi-frère français Abdelhakim âgé de 13 ans, relations au demeurant qui ne sont établies par aucune pièce au dossier ; que les circonstances évoquées en appel, selon lesquelles M. A...aurait procédé en 2012 et en 2014 à des achats de jeux pour consoles informatiques pour les donner à Abdelhakim ou payer son inscription dans un club de football en 2012, circonstances par ailleurs non étayées par les pièces au dossier lesquelles ne comportent pas le nom de M. A...comme étant le payeur, et le fait que M. A...a, postérieurement au refus de séjour opposé à son épouse, payé le 5 septembre 2015 à Abdelhakim une inscription pour la saison 2015/2016 à un club de football, éléments qui en tout état de cause ne se rattachent pas au refus de titre opposé à la requérante, ne sauraient démontrer par eux-mêmes et en l'absence de tout lien avec ce refus de titre l'existence d'une atteinte à l'intérêt supérieur de Nihad, fils commun de la requérante et de M. A...; que Mme A...ne se prévaut pas de liens spécifiques avec Abdelhakim son beau-fils et n'allègue pas que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé par le préfet de l'Isère le 1er septembre 2014 entrainerait des conséquences susceptibles de porter atteinte à l'intérêt supérieur de son beau-fils ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

8. Considérant qu'eu égard à ce qui a été exposé précédemment, et pour les mêmes motifs en l'absence d'autres éléments évoqués par la requérante, doit être écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation de Mme A... ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2016.

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N° 15LY00806


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00806
Date de la décision : 04/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-02-04;15ly00806 ?
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