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04/02/2016 | FRANCE | N°14LY02334

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 février 2016, 14LY02334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Montbard à lui verser une indemnité de 526 821,88 euros en réparation des préjudices subis, liés aux conditions de sa naissance dans cet établissement le 10 septembre 1988.

Par un jugement n° 1302310 du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2014, présentée pour M. A...B..., domicilié...,

il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1302310 du 5 juin 2014 du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Montbard à lui verser une indemnité de 526 821,88 euros en réparation des préjudices subis, liés aux conditions de sa naissance dans cet établissement le 10 septembre 1988.

Par un jugement n° 1302310 du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2014, présentée pour M. A...B..., domicilié..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1302310 du 5 juin 2014 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montbard la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance, comprenant les frais d'expertise.

Il soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier de Montbard doit être retenue à raison de la faute de la sage-femme à conduire de manière suffisamment rigoureuse l'accouchement présentant des risques, et en s'abstenant de faire appel à l'obstétricien de garde dont l'intervention aurait dû normalement permettre à l'enfant de naître indemne de tout handicap ; cette faute lui a fait perdre une chance de naître indemne de toute lésion du plexus brachial ;

- il est fondé à demander réparation dans les conditions suivantes :

1) au titre du préjudice temporaire avant consolidation :

• une indemnité de 105 120 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne,

• 600 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire total pendant un mois,

• 32 850 euros en réparation d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 %,

• 15 000 euros au titre des souffrances endurées,

• 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

2) au titre du préjudice permanent après consolidation :

• 115 351,88 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne pendant 18 ans,

• 100 000 euros en réparation du préjudice professionnel,

• 117 900 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 45 %,

• 15 000 euros en réparation du préjudice esthétique définitif,

• 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément.

Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2014, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, elle conclut à l'annulation du jugement attaqué et à la condamnation du centre hospitalier de Montbard à lui verser une somme de 66 415,36 euros en remboursement des prestations servies à son assuré, une somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les conditions dans lesquelles l'accouchement de la mère de M. B... a été réalisé révèlent une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service.

Par un mémoire, enregistré le 16 juillet 2015, présenté pour le centre hospitalier de Montbard, il conclut au rejet de la requête de M. B... et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or.

Il soutient que :

- la requête d'appel de M. B..., qui se borne à reproduire strictement sa demande de première instance, à l'exception du bref développement relatif à la prescription quadriennale, sur lequel le tribunal, faisant usage du principe de l'économie de moyen, ne s'est pas prononcé, est irrecevable, dès lors qu'il ne procède à aucune critique du jugement attaqué ;

- l'action de M. B... est prescrite, conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1968, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, qui ne prévoit pas de suspension du délai de prescription au profit du mineur non émancipé, dès lors que, même si on admet que l'état de M. B... n'a été consolidé qu'entre 2004 et 2006, le délai de prescription a commencé à courir, au plus tard, à compter du 1er janvier 2007 et expirait le 31 décembre 2010, alors que l'intéressé n'a saisi le juge des référés que le 16 avril 2012 et n'adressé sa réclamation préalable que le 5 juillet 2013 ; le délai de prescription introduit à l'article L. 1142-28 du code de la santé publique par la loi du 4 mars 2002 n'est pas applicable, eu égard à la date des faits ;

- aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de l'établissement, dès lors qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise, qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la sage-femme qui était en charge de l'accouchement de MmeB..., les reproches relatifs à la tenue du dossier étant sans lien avec le préjudice allégué ; le requérant ne saurait utilement se prévaloir des exigences prévues dans le décret " périnatalité", postérieur à la date des faits ;

- les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or sont irrecevables dès lors qu'elle n'a pas chiffré sa demande en première instance ; en outre, la caisse ne démontre pas l'imputabilité des sommes qu'elle réclame aux conditions de la naissance de M. B....

Par un mémoire, enregistré le 8 septembre 2015, présenté pour M. B..., il maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens.

Il soutient, en outre, que :

- la nouvelle prescription de 10 ans, en tant qu'elle est plus favorable que l'ancienne, s'applique, selon la loi du 4 mars 2002, aux affaires n'ayant pas encore donné lieu à une décision de justice irrévocable à la date d'entrée en vigueur de la loi, de sorte que le délai de 10 ans se substitue au délai de 4 ans ; sa créance n'était pas prescrite puisqu'il était mineur à la date d'entrée en vigueur de la loi ; il disposait d'un délai de 10 ans, à compter du 1er janvier 2007, pour faire valoir sa créance à l'encontre du centre hospitalier de Montbard ;

- sa requête est recevable dès lors qu'il a exposé les raisons pour lesquelles il considérait qu'il y avait lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 5 juin 2014.

Par un mémoire, enregistré le 7 janvier 2016, présenté pour le centre hospitalier de Montbard, il maintient ses conclusions pour les mêmes motifs.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 14 janvier 2016 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant qu'il est constant que M. B...est né le 10 septembre 1988 à la maternité du centre hospitalier de Montbard ; que son poids de naissance de 4 300 g, sa taille de 53 cm et son périmètre crânien de 39 cm caractérisaient une macrosomie foetale ; que lors de l'extraction a été posé le diagnostic d'une dystocie des épaules ; que dès sa naissance a été constatée une paralysie flasque du membre supérieur droit ; qu'il souffre, après consolidation, d'un déficit fonctionnel permanent de 45 %, imputable à une lésion d'origine obstétricale du plexus brachial ; qu'après le dépôt, le 15 novembre 2012, du rapport rédigé par l'expert désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Dijon, M. B... a adressé, le 5 juin 2013, une demande préalable indemnitaire au centre hospitalier de Montbard, qui a été explicitement rejetée le 11 juillet 2013 ; que M. B...fait appel du jugement du 5 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation dudit centre hospitalier à réparer ses préjudices ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or demande, pour sa part, la condamnation du centre hospitalier de Montbard à lui verser une somme en remboursement des prestations servies à son assuré ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par le centre hospitalier de Montbard aux conclusions de la requête et de la caisse primaire d'assurance maladie et sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription invoquée ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport d'expertise, rédigé plus de vingt années après la naissance du requérant et alors que la maternité du centre hospitalier de Montbard a été fermée en 1994, que la sage-femme qui avait assisté la mère du requérant n'avait pas porté son nom sur le partogramme, n'y avait pas non plus noté l'orientation de l'enfant avant son expulsion, ni son engagement, ni les manoeuvres effectuées pour réduire la dystocie importante des épaules dont elle faisait pourtant état dans le dossier, lequel n'indiquait pas davantage le nom de la personne ayant procédé à l'accouchement ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces carences dans l'organisation du service ont eu des conséquences sur l'état de santé de M. B..., alors au demeurant que l'expert a pu déduire de la mention du nom de la sage-femme figurant sur le carnet de santé et le registre des accouchements que c'était cette dernière qui avait procédé à l'accouchement et réduit la dystocie des épaules ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 369 du code de la santé publique devenu l'article L. 4151-3 : " En cas d'accouchement dystocique (...) [les sages-femmes] (...) doivent faire appeler un médecin. " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque survient une dystocie pendant un accouchement se déroulant sous la surveillance d'une sage-femme, celle-ci a l'obligation d'appeler un médecin ; que l'absence d'un médecin dans de telles circonstances est constitutive d'un défaut dans l'organisation et le fonctionnement du service engageant la responsabilité du service public hospitalier, à moins qu'il ne soit justifié d'une circonstance d'extrême urgence ayant fait obstacle à ce que la sage-femme appelle le médecin ou que le médecin appelé ait été, pour des motifs légitimes, placé dans l'impossibilité de se rendre au chevet de la parturiente ;

4. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que lors de la naissance de M. B..., le travail s'est déroulé normalement, la dilatation ayant été rapide et harmonieuse et " ne justifiant pas l'appel à l'obstétricien d'astreinte ", que " la dystocie des épaules n'était pas prévisible ", et que la sage-femme a fait le diagnostic de dystocie majeure des épaules et pratiqué les manoeuvres ayant permis l'extraction de l'enfant vivant ; qu'il en résulte également que "Devant cette urgence vitale foetale, imprévisible, en absence de médecin, qui même prévenu, aurait mis un délai non compatible avec l'urgence extrême de la situation, la sage-femme devait tout faire pour extraire le foetus, l'asphyxie foetale pouvant être fatale entre 3 et 10 minutes. " ; que, dès lors, eu égard à la nécessité de faire naître l'enfant dans un temps très bref à compter du diagnostic de dystocie des épaules posé par la sage-femme en cours d'extraction, le centre hospitalier de Montbard justifie d'une circonstance d'extrême urgence ayant fait obstacle à ce que la sage-femme appelle le médecin, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il était alors déjà présent sur place ; qu'il n'en résulte pas davantage, en dépit de l'absence de mention des manoeuvres effectuées par la sage-femme, que cette dernière a effectué un geste fautif, alors que, ainsi que l'indique l'expert, une manoeuvre d'extraction, même correctement réalisée, peut encore se compliquer d'une lésion foetale traumatique, telle qu'une atteinte du plexus brachial ; que, par suite, M. B... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité du centre hospitalier de Montbard à raison des préjudices liés aux conditions de sa naissance dans cet établissement ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or n'est pas davantage fondée à demander la condamnation de cet hôpital au remboursement des frais exposés pour le compte de son assuré ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, en premier lieu, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande et, en second lieu, que les conclusions indemnitaires présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or doivent être rejetées ; que doivent également être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de la caisse présentées sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au centre hospitalier de Montbard et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2016.

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N° 14LY02334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02334
Date de la décision : 04/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : PICHON

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-02-04;14ly02334 ?
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