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04/02/2016 | FRANCE | N°14LY01168

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 février 2016, 14LY01168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I...L...et Mme G...L..., Mme D...C..., M. E...J...et Mme O...J..., Mme N...M..., Mme H...A..., M. F...K...et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Auberives sur Varèze à leur verser une indemnité de 8 000 euros chacun en réparation des préjudices subis du fait des nuisances liées à la proximité d'un city-stade ainsi qu'une somme de 10 000 euros chacun en réparation du préjudice subi du fait de la perte de valeur vénale de leurs propriétés.

Par un

jugement n° 120847 du 11 février 2014, le tribunal administratif de Grenoble a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I...L...et Mme G...L..., Mme D...C..., M. E...J...et Mme O...J..., Mme N...M..., Mme H...A..., M. F...K...et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Auberives sur Varèze à leur verser une indemnité de 8 000 euros chacun en réparation des préjudices subis du fait des nuisances liées à la proximité d'un city-stade ainsi qu'une somme de 10 000 euros chacun en réparation du préjudice subi du fait de la perte de valeur vénale de leurs propriétés.

Par un jugement n° 120847 du 11 février 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2014, présentée pour M. et MmeL..., domiciliés 396 route de la Pêche à Auberives sur Varèze (38 550), Mme C...domiciliée..., M. et Mme J...domiciliés ...), MmeM..., domiciliée..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 120847 du 11 février 2014 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté leurs demandes indemnitaires ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Auberives sur Varèze la somme de 3 000 euros au profit de chacun des requérants, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête d'appel est recevable, l'affaire ayant été jugée en audience collégiale et les sommes réclamées excédant le seuil de 10 000 euros ;

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités résultant du défaut d'analyse, dans ses visas et ses motifs des moyens invoqués par les parties, d'une insuffisance de motivation et d'une erreur de fait et d'appréciation ;

- ils sont fondés à se prévaloir d'un régime de responsabilité pour faute du fait de la carence du maire dans l'utilisation de ses pouvoirs de police pour faire cesser les nuisances sonores provoquées par la circulation tardive des véhicules à moteurs et notamment des véhicules à deux roues ;

- il appartenait également au maire de prendre des mesures de police pour réglementer l'accès et l'utilisation du " city-stade " ;

- ils sont également fondés, en leur qualité de tiers par rapport au " city-stade " qui a la qualité d'un ouvrage public, à se prévaloir d'un régime de responsabilité sans faute de la commune d'Auberives sur Varèze, à raison des préjudices subis du fait de la présence du " city stade ", qui est à l'origine de troubles du voisinages qui excèdent le seuil des sujétions normales que doivent supporter les administrés ;

- ils subissent un préjudice d'agrément lié aux nuisances sonores provoquées par le fonctionnement du " city stade ", en raison du bruit occasionné, à toute heure du jour ou de la nuit par des cris, des bruits de ballon, de la diffusion de musique amplifiée et de dégradations, incivilités et infractions commises par les usagers du " city stade " ;

- Mme L...est fondée à demander réparation de son préjudice corporel résultant du choc d'un ballon ayant percuté sa nuque ;

- ils sont également fondés à demander l'indemnisation du préjudice économique correspondant à la diminution de la valeur vénale de leurs propriétés ;

- le préjudice subi par les riverains est indemnisable, dès lors qu'il présente un lien direct avec les responsabilités susmentionnées ;

- les préjudices résultant de la responsabilité sans faute de la commune d'Auberives sur Varèze présentent un caractère anormal et spécial, dès lors que seuls les riverains du " city stade " subissent les nuisances qui présentent un caractère grave et répété.

Par un mémoire, enregistré le 1er août 2014, la commune d'Auberives sur Varèze conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est entachée d'une irrecevabilité, résultant du montant de la demande indemnitaire présentée dans la requête introductive d'instance qui était inférieur à 10 000 euros ; que dès lors, le tribunal administratif statuait en premier et dernier ressort ;

- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- aucune carence dans l'utilisation de ses pouvoirs de police ne peut être reprochée au maire dès lors que les requérants n'ont pas utilement informé le maire des prétendues nuisances ;

- les requérants n'apportent pas la preuve des nuisances sonores occasionnées par le fonctionnement du stade de manière tardive ;

- le maire a pris un arrêté visant à limiter les horaires d'accès du " city stade " et le conseil municipal a adopté une délibération visant à mettre en place une clôture et un filet pare-ballon afin d'éviter la sortie des ballons du " city stade " ;

- les nuisances sonores ne sont pas établies ;

- les préjudices allégués résultant des troubles dans les conditions d'existence ne sont pas indemnisables, en l'absence de lien de causalité ;

- les conditions d'engagement de la responsabilité de la commune au titre de la présence et du fonctionnement d'un ouvrage public, tenant notamment aux critères de spécialité et d'anormalité du dommage et au lien de causalité ne sont pas réunies ;

- le préjudice économique lié à une perte de valeur vénale des biens appartenant aux requérants n'est pas établi.

Vu l'ordonnance du 30 décembre 2014 fixant la clôture d'instruction au 23 janvier 2015.

Vu le mémoire enregistré le 23 janvier 2015 par lequel M. et Mme L...et autres maintiennent les conclusions de leur requête par les mêmes moyens.

Vu l'ordonnance du 29 janvier 2015 reportant la clôture d'instruction au 20 février 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits du voisinage ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 14 janvier 2016 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lopez, avocat de M. et Mme L...et autres.

1. Considérant que M. et MmeL..., MmeC..., M. et MmeJ..., Mme M..., MmeA..., M. K...et Mme B...ont, en date des 16 novembre 2011 et 12 janvier 2012, demandé au maire d'Auberives sur Varèze de réparer les préjudices résultant selon eux des nuisances, sonores en particulier, ainsi que de la perte de valeur vénale de leurs biens, du fait de la présence d'un terrain de jeux multisports dit city stade, à proximité de leurs habitations ; que, par décisions en date des 19 décembre 2011 et 18 janvier 2012, le maire a refusé de faire droit à ces demandes ; que M. et MmeL..., MmeC..., M. et Mme J..., MmeM..., M. K...et Mme B...relèvent appel du jugement du 11 février 2014 du tribunal administratif de Grenoble, rejetant leurs demandes ;

Sur la responsabilité de la commune d'Auberives sur Varèze :

En ce qui concerne l'exercice de ses pouvoirs de police par le maire :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les requérants ont alerté le maire d'Auberives sur Varèze, à partir du 1er mars 2011 et au cours du premier semestre 2012, par courrier et mails, de l'existence de nuisances, notamment en soirée et en fin de semaine, liées au bruit de ballons, aux cris et conversations des usagers du city stade ou aux abords de celui-ci, aux allers et retours bruyants, de jour comme de nuit, de véhicules deux roues à moteur, aux menaces, agressions et dégradations diverses qu'ils avaient à subir ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le maire, après avoir assuré la mise en sécurité du city stade par la pose d'une clôture, d'un filet pare-ballon et l'installation d'un système de vidéosurveillance, a conclu un contrat de maintenance et d'entretien de l'équipement le 29 mars 2012 afin d'en assurer le bon fonctionnement, et a souscrit dès le 24 mai 2012, un contrat de surveillance prévoyant le passage quotidien, de nuit, d'un agent chargé d'effectuer des rondes et d'évacuer toute personne se trouvant sur le city stade en dehors des horaires autorisés par l'arrêté qu'il a spécialement pris le 4 septembre 2012 ; que les 4 et 5 mars 2013, postérieurement à la mise en oeuvre de ces différentes mesures, les requérants ont relevé que, moins de soixante minutes après l'heure règlementairement fixée de fermeture du city stade, soit 18 heures, celui-ci n'était pas effectivement clos et qu'une quinzaine de personnes y étaient présentes ; que toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance était habituelle, ni que d'autres manquements du même ordre se soient produits ; que s'il résulte d'un constat d'huissier établi en 2014 que le passage des véhicules, les jeux d'enfants ou les différents bruits inhérents à l'utilisation de l'équipement pouvaient, en journée, être la cause de troubles, ceux-ci ne sont pas pour autant d'une importance telle qu'ils auraient nécessairement dû conduire le maire à prendre d'autres mesures dans le cadre de ses pouvoirs de police que lui confère l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le maire d'Auberives sur Varèze a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police municipale ; qu'ils ne peuvent pas non plus, dès lors, demander l'indemnisation des préjudices qu'ils allèguent au titre d'une telle carence ;

En ce qui concerne la responsabilité au titre de dommages permanents de travaux publics :

3. Considérant qu'un terrain multisports aménagé par une commune constitue un ouvrage public dont la présence est susceptible d'engager envers les tiers la responsabilité de la personne publique, même en l'absence de faute ; qu'il appartient toutefois aux tiers d'apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués et du lien entre la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage et lesdits préjudices ; que ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le city stade en cause est implanté, ainsi qu'il a été dit au point 1., à proximité des propriétés des requérants ; que ceux-ci produisent un procès-verbal de constat d'huissier réalisé à la demande de Mme L...les 16 et 17 septembre 2014, faisant état, durant sa mission d'une durée totale d'une heure trente, de trois dépassements de l'émergence maximale sonore admise prévue par le décret du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits du voisinage, en raison des cris et jeux d'enfants et de l'impact d'une balle lancée au pied contre la clôture pendant une durée d'environ vingt minutes ; qu'il ne résulte pas pour autant de l'instruction que ces nuisances sonores atteignent un niveau difficilement supportable, eu égard, en particulier, à leur relativement faible occurrence ainsi qu'aux horaires d'utilisation de l'ouvrage ; que, dans ces conditions, les préjudices allégués à raison de ces troubles ne peuvent être regardés comme présentant un caractère anormal - c'est-à-dire grave et spécial - excédant les sujétions susceptibles d'être, sans indemnité, normalement imposées dans l'intérêt général aux riverains des ouvrages publics ; que, par ailleurs, les autres troubles dont les requérants se plaignent, constitués d'incivilités, de dégradations, de nuisances sonores liés à des réunions de personnes ou de passage de véhicules, lesquels d'ailleurs, existaient antérieurement à la réalisation du city stade, n'ont pas pour origine la présence et le fonctionnement de l'ouvrage public lui-même ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à conclure à la réparation des préjudices qu'ils allèguent au titre de dommages permanents de travaux publics liés à l'existence et au fonctionnement même de l'équipement ;

En ce qui concerne la responsabilité au titre des dommages accidentels de travaux publics :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des certificats médicaux produits par la requérante, établis les 26 et 28 mars 2011, et qu'il n'est pas contesté par la commune, qu'en date du 26 mars 2011, vers 17 heures, Mme L...a été frappée à l'arrière de la tête par un ballon provenant du city stade, alors qu'elle entrait chez elle ; que dans la suite ont été constatées des douleurs à la palpation des régions occipitale et cervicale droites, au niveau des contusions entrainées par ce choc ; que l'intéressée a fait l'objet d'une incapacité temporaire totale de travail d'un jour ; que Mme L...avait la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public constitué par ce city stade, qui n'était pas clôturé et n'était pas muni d'un filet de protection au jour de cet accident ; que l'ouvrage doit dès lors être regardé comme étant à l'origine de ce dommage ; que, par suite, et alors qu'il n'est ni allégué ni établi que la victime aurait commis une faute ayant contribué même pour partie à ce dommage, la responsabilité de la commune d'Auberives sur Varèze est engagée à l'égard de Mme L...sur le fondement de la responsabilité sans faute concernant les conséquences dommageables de l'accident ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas établi que ce dommage est la cause directe et certaine des migraines persistantes et des difficultés de sommeil dont fait état Mme L..., ni de la perte de la valeur vénale de sa propriété, laquelle n'est au demeurant pas établie ; qu'il sera en revanche fait une juste appréciation du préjudice résultant des troubles dans les conditions d'existence de MmeL..., qui a notamment subi une incapacité de travail temporaire totale d'un jour imputable à cet incident, en le fixant à la somme de 100 euros ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme L...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que la commune d'Auberives sur Varèze lui verse une indemnité qui doit être limitée à 100 euros ; que les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ;

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme L...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que doivent être rejetées les conclusions présentées par les autres requérants contre la commune d'Auberives sur Varèze, qui n'est pas la partie perdante à leur égard, au titre des frais exposés, non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu enfin, dans les circonstances de l'espèce, de faire droits aux conclusions présentées par la commune d'Auberives sur Varèze sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La commune d'Auberives sur Varèze est condamnée à verser à Mme L...la somme de cent euros.

Article 2 : Le jugement n ° 120847 du 11 février 2014 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et MmeL..., MmeC..., M. et MmeJ..., MmeM..., M. K...et Mme B...et à la commune d'Auberives sur Varèze.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2016.

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N° 14LY01168


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01168
Date de la décision : 04/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de police - Police municipale.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Notion de dommages de travaux publics - Absence.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL STRAT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-02-04;14ly01168 ?
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