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02/02/2016 | FRANCE | N°13LY03523

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 02 février 2016, 13LY03523


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Aouste-sur-Sye a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- dans l'instance n° 1002969, de la décharger de l'obligation de payer la somme de 82 725,74 euros mise à sa charge par la décision du 24 décembre 2009 par laquelle le préfet de la Drôme lui a ordonné le reversement de cette somme correspondant à une partie de la subvention du Fonds européen de développement régional perçue au titre de la zone artisanale de la Condamine et d'annuler la décision du 11 juin 2010 par la

quelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriale...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Aouste-sur-Sye a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- dans l'instance n° 1002969, de la décharger de l'obligation de payer la somme de 82 725,74 euros mise à sa charge par la décision du 24 décembre 2009 par laquelle le préfet de la Drôme lui a ordonné le reversement de cette somme correspondant à une partie de la subvention du Fonds européen de développement régional perçue au titre de la zone artisanale de la Condamine et d'annuler la décision du 11 juin 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision préfectorale ;

- dans l'instance n° 1003797, de la décharger totalement, sinon partiellement, de l'obligation de payer ladite somme de 82 725,74 euros qui lui a été notifiée par titre de perception émis le 5 janvier 2010 par le préfet de la région Rhône-Alpes et d'annuler la décision du 4 mai 2010 par laquelle le même préfet a rejeté son recours gracieux contre ce titre de perception ;

- dans l'instance n° 1300505, de la décharger totalement, sinon partiellement, de l'obligation de payer ladite somme de 82 725,74 euros qui lui a été notifiée par titre de perception émis le 5 janvier 2010 par le préfet de la région Rhône-Alpes, d'annuler la décision du 11 juin 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté son recours hiérarchique contre ce titre de perception et d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le directeur régional des finances publiques de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône sur sa réclamation préalable contre ce titre de perception.

Par un jugement nos 1002969, 1003797 et 1300505 du 31 octobre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2013, et un mémoire, enregistré le 16 janvier 2015, la commune d'Aouste-sur-Sye, représentée par la Selarl Cabinet Champauzac, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 octobre 2013 ;

2°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 82 725,74 euros mise à sa charge par la décision du préfet de la Drôme du 24 décembre 2009 lui ordonnant le reversement d'une partie de la subvention du Fonds européen de développement régional perçue au titre de la zone artisanale de la Condamine ;

3°) d'annuler la décision du 11 juin 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre cette décision préfectorale ;

4°) à titre principal, de la décharger de l'obligation de payer la somme de 82 725,74 euros notifiée par titre de perception émis le 5 janvier 2010 par le préfet de la région Rhône-Alpes ;

5°) à titre subsidiaire, de ramener la somme mise à sa charge à 30 851,65 euros ;

6°) d'annuler la décision du 11 juin 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre ce titre de perception ;

7°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le directeur régional des finances publiques de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône sur sa réclamation préalable contre ce titre de perception ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision préfectorale du 24 décembre 2009 portant retrait partiel de la subvention du Fonds européen de développement régional méconnaît les règles de droit interne de retrait des actes administratifs créateurs de droits, dès lors qu'elle a été prise plus de quatre mois après l'octroi de la subvention, la commune étant de bonne foi et ce délai de quatre mois ne rendant pas impossible, ni excessivement difficile, la récupération de l'aide indument versée sur le fondement des textes communautaires relatifs à cette subvention ;

- le préfet de la Drôme a retenu à tort un montant de dépenses éligibles de 413 555,47 euros hors taxe, ce montant s'élevant en réalité à 621 051,84 euros hors taxe, dès lors que le coût total de la première tranche de l'opération s'élève à 641 845,98 euros hors taxe, que le b) de l'article 5.1.1. du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999 portant dispositions générales sur les Fonds structurels limite à 10 % du coût de l'opération l'intégration du coût d'acquisition des terrains dans le montant des dépenses éligibles et qu'elle justifie d'un coût des acquisitions foncières de 84 978,74 euros ;

- c'est à tort que l'administration a appliqué le taux de 25 % et non celui de 40 % au montant des dépenses éligibles pour calculer la subvention, dès lors que l'opération n'a pas généré de recettes nettes substantielles au sens du a) du 4 de l'article 29 du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999 qui s'entendent des recettes substantielles après déduction du coût de réalisation de l'opération ; qu'en effet, le produit de la commercialisation des lots s'élève à la somme de 210 797,70 euros, avec un prix de cession de 9,15 euros par m² largement inférieur au prix du marché, rapportée à un coût total de l'aménagement de la première tranche de la zone artisanale de la Condamine de 641 777,21 euros, soit un pourcentage de 32,84 % proche du pourcentage de 25 % indiqué par le règlement ;

- à supposer que soit applicable le taux de 25 % au montant des dépenses éligibles pour calculer la subvention, celle-ci s'élèverait à 155 262,96 euros, correspondant à 25 % du montant de 621 051,84 euros hors taxe, alors qu'elle a perçu la somme de 186 114,61 euros à ce titre, soit un trop-perçu de 30 851,65 euros et non de 82 725,74 euros comme retenu à tort par le préfet ;

- en méconnaissance du premier alinéa de l'article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, le titre de perception contesté n'indique pas les bases de liquidation et notamment pas les modalités de calcul et les différents éléments de la dette, ni l'objet du titre ;

- ce titre de perception est illégal du fait de l'illégalité de la décision préfectorale du 24 décembre 2009 ordonnant le reversement de la somme de 82 725,74 euros ;

- à supposer que soit applicable le taux de 25 % au montant des dépenses éligibles pour calculer la subvention, le titre de perception pour trop-perçu doit être ramené à la somme de 30 851,65 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2014, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le délai de quatre mois pour retirer une décision individuelle créatrice de droits accordant un avantage financier ne peut être en l'espèce opposé à l'administration, dès lors qu'il rend excessivement difficile la récupération de trop-perçus par l'effet de plafonnement du taux de la subvention consécutif à la prise en compte d'investissements en infrastructures générateurs de recettes nettes substantielles connues à l'issue de la réalisation de l'opération considérée ;

- la requérante n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, que le montant de dépenses éligibles doit s'élever à 621 051,84 euros ;

- les recettes nettes substantielles au sens du a) du 4 de l'article 29 du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999 ne s'entendent pas des recettes substantielles après déduction du coût de réalisation de l'opération ;

- les bases de liquidation du titre de perception litigieux étaient mentionnées dans la décision antérieure ordonnant le reversement de la somme de 82 725,74 euros ;

- il reprend à son compte les écritures présentées en défense par l'administration dans la première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

- le règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999 portant dispositions générales sur les Fonds structurels ;

- le règlement (CE) n° 448/2004 de la Commission du 10 mars 2004 modifiant le règlement (CE) n° 1685/2000 de la Commission du 28 juillet 2000 portant modalités d'exécution du règlement (CE) nº 1260/1999 du Conseil en ce qui concerne l'éligibilité des dépenses dans le cadre des opérations cofinancées par les Fonds structurels et abrogeant le règlement (CE) n° 1145/2003 ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

- le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 modifiant le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et fixant les dispositions applicables au recouvrement des créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 de ce décret ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...B..., pour la commune d'Aouste-sur-Sye.

1. Considérant que la commune d'Aouste-sur-Sye relève appel du jugement nos 1002969, 1003797 et 1300505 du 31 octobre 2013 par lequel tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharger de l'obligation de payer la somme de 82 725,74 euros mise à sa charge par la décision du 24 décembre 2009 par laquelle le préfet de la Drôme lui a ordonné le reversement de cette somme correspondant à une partie de la subvention du Fonds européen de développement régional Objectif 2 2000-2006 perçue au titre de la tranche 1 de l'extension de la zone artisanale de la Condamine, à l'annulation de la décision du 11 juin 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision préfectorale, à la décharger totalement, sinon partiellement, de l'obligation de payer la somme de 82 725,74 euros résultant du titre de perception émis le 5 janvier 2010 par le préfet de la région Rhône-Alpes, à l'annulation de la décision du 11 juin 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté son recours hiérarchique contre ce titre de perception ainsi que de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le directeur régional des finances publiques de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône sur sa réclamation préalable contre ce titre de perception ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision préfectorale du 24 décembre 2009 et la décision ministérielle du 11 juin 2010 rejetant le recours hiérarchique contre cette décision, en litige dans l'instance n° 1002969 devant le tribunal administratif :

2. Considérant que, lorsqu'est en cause, comme en l'espèce, la légalité d'une décision de récupération d'une aide indûment versée en application d'un texte de l'Union européenne, il y a lieu de vérifier d'abord si une disposition du droit de l'Union définit les modalités de récupération de cette aide ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : " 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue. " ; qu'aux termes de l'article 2 de ce règlement : " 1. Les contrôles et les mesures et sanctions administratives sont institués dans la mesure où ils sont nécessaires pour assurer l'application correcte du droit communautaire. Ils doivent revêtir un caractère effectif, proportionné et dissuasif, afin d'assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés. (...) 4. Sous réserve du droit communautaire applicable, les procédures relatives à l'application des contrôles et des mesures et sanctions communautaires sont régies par le droit des Etats membres. " ; qu'aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1 (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : " 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : / - par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indument perçus (...). / 2. L'application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l'avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d'intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire (...). / 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions. " ; qu'il résulte des termes mêmes de ce règlement qu'il a pour objet de constituer une réglementation générale devant servir de cadre juridique commun à tous les domaines couverts par les politiques de l'Union européenne ;

4. Considérant qu'en vertu du ii) du a) du second alinéa du paragraphe 4 de l'article 29 du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999 portant dispositions générales sur les Fonds structurels, dans le cas d'investissements en infrastructures générateurs de recettes nettes substantielles, l'intervention ne peut dépasser 25 % du coût total éligible dans les zones couvertes par l'objectif n° 2 ; qu'aux termes de l'article 38 du même règlement : " 1. (...) les Etats membres assument en premier ressort la responsabilité du contrôle financier de l'intervention. A cette fin, ils prennent notamment les mesures suivantes: / (...) / h) ils récupèrent les montants perdus à la suite d'une irrégularité constatée, en appliquant, le cas échéant, des intérêts de retard. / (...) " ;

5. Considérant qu'aucune irrégularité n'est reprochée à la commune d'Aouste-sur-Sye ; qu'en particulier, il résulte de l'instruction que sa demande de subvention en date du 11 janvier 2002 faisait apparaître, pour l'année 2002, des recettes prévisionnelles de cession aux entreprises de terrains viabilisés de la tranche 1 de l'extension de la zone artisanale de la Condamine d'un montant de 241 000 euros ; qu'il n'est pas contesté que l'état au 1er octobre 2002 de la commercialisation de ces terrains par la commune mentionnant un montant de recettes de 210 797,70 euros a été porté à la connaissance des services préfectoraux au plus tard en mars 2005, lors du versement du solde de la subvention ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des courriers et factures produits pour la première fois en appel par la commune d'Aouste-sur-Sye, que celle-ci a communiqué au préfet de la Drôme en février 2003 et en décembre 2004, les montants, accompagnés des factures justificatives, des dépenses supportées par elle au titre de la réalisation de cette tranche 1 ; que, par suite, ni les termes du règlement (CEE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995, ni ceux de l'articles 38 du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999, ni aucune autre disposition du droit de l'Union sanctionnant des irrégularités ne trouvent à s'appliquer en l'espèce ;

6. Considérant qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes, notamment dans ses arrêts du 21 septembre 1983 Deutsche Milchkontor et autres (aff. C-205/82 à 215/82) et du 13 mars 2008 Vereniging Nationaal Overlegorgaan Sociale Werkvoorziening (aff. C-383/06), en l'absence de disposition communautaire, les modalités de récupération d'une aide indûment versée sur le fondement d'un texte communautaire sont soumises aux règles de droit national, sous réserve que l'application de ces règles se fasse de façon non discriminatoire au regard des procédures visant à trancher des litiges nationaux du même type et qu'elle ne porte pas atteinte à l'application et à l'efficacité du droit communautaire ou n'ait pas pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la récupération des sommes octroyées ; que le droit communautaire ne s'oppose pas à ce qu'une législation nationale exclue la répétition d'une aide indûment versée en prenant en compte des critères tels que la protection de la confiance légitime, la disparition de l'enrichissement sans cause ou l'écoulement d'un délai ; qu'il exclut en revanche, ainsi que l'a par exemple jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 12 mai 1998 Steff-Houlberg Export et autres, (aff. C-366/95), qu'un opérateur qui n'a pas été de bonne foi pour demander et obtenir une aide puisse se prévaloir des dispositions limitant le délai dans lequel une décision d'octroi de l'aide peut être retirée ; qu'il appartient en tout état de cause au juge national d'apprécier si, pour le règlement du litige qui lui est soumis, la règle de droit national doit être écartée ou interprétée, afin que la pleine efficacité du droit communautaire soit assurée ;

7. Considérant qu'une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ; que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors les hypothèses d'inexistence de la décision en cause, de son obtention par fraude, ou de demande de son bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant son édiction ;

8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces règles auraient pour effet de rendre impossible ou excessivement difficile la récupération des aides accordées au titre des fonds structurels européens, ni qu'elles auraient un caractère discriminatoire au regard des règles appliquées dans le règlement des litiges afférents à la récupération d'aides nationales ; qu'en particulier, un délai de quatre mois à compter, au plus tard, du versement du solde de la subvention à la commune d'Aouste-sur-Sye en mars 2005, doit être regardé comme suffisant, d'une part, pour déterminer le montant des dépenses justifiées et éligibles à la subvention, la commune ayant en l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 5, communiqué au préfet de la Drôme en février 2003 et en décembre 2004, les montants, accompagnés des factures justificatives, des dépenses supportées par elle au titre de la réalisation de la tranche 1 de l'opération d'extension et, d'autre part, pour apprécier si cette tranche avait bénéficié de recettes nettes substantielles au sens du ii) du a) du second alinéa du paragraphe 4 de l'article 29 du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999, le montant des recettes de la commercialisation par la commune des terrains de la tranche 1 ayant été porté à la connaissance des services préfectoraux au plus tard en mars 2005 lors du versement du solde de la subvention, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ;

9. Considérant, par ailleurs, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune d'Aouste-sur-Sye n'aurait pas agi de bonne foi pour demander et obtenir la subvention en cause ;

10. Considérant qu'il y a lieu, par suite, de faire application en l'espèce des règles de droit national rappelées au point 7, et notamment de la règle du délai maximal de quatre mois de retrait des décisions créatrices de droit ;

11. Considérant que le versement à la commune d'Aouste-sur-Sye en mars 2005 du solde de la subvention du Fonds européen de développement régional Objectif 2 2000-2006 perçue au titre de la tranche 1 de l'extension de la zone artisanale de la Condamine révèle, au plus tard à la date de ce versement, l'existence d'une décision créatrice de droits au profit de ladite commune ; que la décision du 24 décembre 2009 par laquelle le préfet de la Drôme a ordonné à la commune de reverser une somme de 82 725,74 euros correspondant à une partie de cette subvention a été prise plus de quatre mois après cette décision créatrice de droits, en méconnaissance des règles de droit national mentionnées au point 7 ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens présentés à l'encontre de la décision préfectorale du 24 décembre 2009 et de la décision ministérielle du 11 juin 2010, qu'il y a lieu de décharger en totalité la commune d'Aouste-sur-Sye de l'obligation de payer la somme mise à sa charge par la décision du préfet de la Drôme du 24 décembre 2009, d'annuler par voie de conséquence la décision du 11 juin 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté le recours hiérarchique formé contre cette décision préfectorale et de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la recevabilité de la demande présentée dans l'instance n° 1003797 devant le tribunal administratif de Grenoble :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret n°92-1369 du 29 décembre 1992 modifiant le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et fixant les dispositions applicables au recouvrement des créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 de ce décret : " Les titres de perception mentionnés à l'article 85 du décret du 29 décembre 1962 susvisé peuvent faire l'objet de la part des redevables soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité, soit d'une opposition à poursuites en cas de contestation de la validité en la forme d'un acte de poursuite. / (...) " ; que selon l'article 7 du même décret : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit, dans les délais fixés à l'article 8 ci-après, adresser sa réclamation appuyée de toutes justifications au comptable qui a pris en charge l'ordre de recette. " ;

14. Considérant qu'il est constant que la commune d'Aouste-sur-Sye n'a pas saisi le comptable public de la réclamation prévue par les dispositions précitées de l'article 7 du décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992, avant d'introduire devant le tribunal administratif de Grenoble sa demande, enregistrée sous le n° 1003797, tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 82 725,74 euros qui lui a été notifiée par titre de perception émis le 5 janvier 2010 par le préfet de la région Rhône-Alpes ; que l'obligation de former cette réclamation préalable s'imposait à peine d'irrecevabilité de la demande contentieuse contre ce titre de perception, alors même qu'elle n'était pas mentionnée sur la notification de celui-ci ; que la circonstance que la commune d'Aouste-sur-Sye ait adressé une réclamation préalable au directeur régional des finances publiques de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône, par courrier en date du 22 juillet 2011, postérieurement à l'introduction de son recours contentieux n° 1003797 devant le tribunal, n'est pas de nature à régulariser sa demande dans l'instance n° 1003797 contre le titre de perception du 5 janvier 2010, laquelle, est ainsi tardive et comme telle irrecevable, comme l'a soutenu le préfet de la région Rhône-Alpes en première instance ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune d'Aouste-sur-Sye n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande n° 1003797 dirigée contre le titre de perception émis le 5 janvier 2010 ;

Sur les demandes présentées dans l'instance n° 1300505 devant le tribunal administratif de Grenoble :

En ce qui concerne la recevabilité :

16. Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret n°92-1369 du 29 décembre 1992 : " La réclamation prévue à l'article précédent doit être déposée : / 1° En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou à défaut du premier acte de poursuite qui en procède. L'autorité compétente délivre reçu de la réclamation et statue dans un délai de six mois. A défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la réclamation est considérée comme rejetée ; / (...) " ; que selon l'article 9 du même décret : " Le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur la réclamation ou, à défaut de cette notification dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration des délais prévus, selon le cas, au 1° ou au 2° de l'article 8 ci-dessus. " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ; que l'auteur d'un recours juridictionnel tendant à l'annulation d'une décision administrative doit être réputé avoir eu connaissance de la décision qu'il attaque au plus tard à la date à laquelle il a formé son recours ; que si un premier recours contre une décision notifiée sans mention des voies et délais de recours a été rejeté, son auteur ne peut introduire un second recours contre la même décision que dans un délai de deux mois à compter de la date d'enregistrement du premier au greffe de la juridiction saisie ;

17. Considérant qu'il est constant que ni le titre de perception émis 5 janvier 2010, ni la lettre du 28 janvier 2010 du directeur régional des finances publiques de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône notifiant ce titre à la commune d'Aouste-sur-Sye ne portent la mention des voies et délais de recours ; qu'il n'est pas contesté que le directeur régional des finances publiques n'a pas délivré de reçu à la commune de sa réclamation préalable du 22 juillet 2011 dirigée contre le titre de perception du 5 janvier 2010 et ne lui a pas indiqué les voies et délais de recours applicables à la contestation de la décision du comptable public se prononçant sur cette opposition à exécution ; que si, par une première demande présentée dans l'instance n° 1003797, la commune d'Aouste-sur-Sye a contesté devant le tribunal administratif de Grenoble le titre de perception du 5 janvier 2010, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas statué sur cette demande avant que la commune n'introduise, devant cette même juridiction, une seconde demande enregistrée sous le n° 1300505 et ayant le même objet ; que, dans ces conditions, le préfet de la région Rhône-Alpes n'est pas fondé à soutenir que le délai de recours de deux mois contre le titre de perception devait être décompté à partir de la date d'enregistrement de la première demande de la commune et qu'il était expiré à la date d'enregistrement au greffe du tribunal de la seconde demande tendant aux mêmes fins ; que le préfet n'est pas davantage fondé à soutenir que le délai de recours de deux mois contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le directeur régional des finances publiques de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône sur l'opposition à exécution formée par la commune aurait été déclenché et qu'il était expiré à la date d'enregistrement des conclusions de la demande n° 1300505 devant le tribunal administratif de Grenoble dirigée contre cette décision implicite ; que, par suite, doit être écartée la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté et opposée par le préfet de la région Rhône-Alpes aux demandes précitées de la commune d'Aouste-sur-Sye ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

18. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 11 qu'est dépourvu de base légale le titre de perception émis le 5 janvier 2010 par le préfet de la région Rhône-Alpes, fondé sur la décision illégale du 24 décembre 2009 du préfet de la Drôme ordonnant à la commune d'Aouste-sur-Sye le reversement de la somme de 82 725,74 euros ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de ce titre de perception, il y a lieu de décharger en totalité la commune d'Aouste-sur-Sye de l'obligation de payer la somme de 82 725,74 euros résultant de ce titre, d'annuler par voie de conséquence la décision du 11 juin 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté le recours hiérarchique ainsi que la décision implicite du directeur régional des finances publiques de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône portant rejet de la réclamation préalable et de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Grenoble ;

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens :

20. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable à date d'introduction de la requête : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;

21. Considérant que les dépens, comprenant la contribution pour l'aide juridique de trente-cinq euros acquittée par la commune d'Aouste-sur-Sye, doivent être mis à la charge de l'Etat, partie perdante, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable à la présente instance ;

22. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Aouste-sur-Sye et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La commune d'Aouste-sur-Sye est déchargée de l'obligation de payer la somme de 82 725,74 euros mise à sa charge par la décision du 24 décembre 2009 du préfet de la Drôme et par le titre de perception émis le 5 janvier 2010 par le préfet de la de la région Auvergne Rhône-Alpes.

Article 2 : Sont annulées, d'une part, la décision du 11 juin 2010 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a rejeté les recours hiérarchiques de la commune d'Aouste-sur-Sye dirigés contre la décision préfectorale du 24 décembre 2009 et contre le titre de perception du 5 janvier 2010 et, d'autre part, la décision implicite du directeur régional des finances publiques de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône portant rejet de la réclamation préalable contre le titre de perception du 5 janvier 2010.

Article 3 : Le jugement nos 1002969, 1003797 et 1300505 du 31 octobre 2013 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la commune d'Aouste-sur-Sye une somme de 35 euros au titre des dépens et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune d'Aouste-sur-Sye est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aouste-sur-Sye et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la région Auvergne Rhône-Alpes, au préfet de la Drôme et au directeur régional des finances publiques de la région Auvergne Rhône-Alpes et du département du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre ;

M. Drouet, président-assesseur ;

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 février 2016.

à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 13LY03523

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03523
Date de la décision : 02/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

15-08 Communautés européennes et Union européenne. Litiges relatifs au versement d`aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SELARL CABINET CHAMPAUZAC

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-02-02;13ly03523 ?
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