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28/01/2016 | FRANCE | N°15LY01800

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2016, 15LY01800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 9 septembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1410242 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du préfet du Rhône du 9 septembre 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter

le territoire français dans un délai de 30 jours et fixation du pays de destination, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 9 septembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1410242 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du préfet du Rhône du 9 septembre 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixation du pays de destination, a enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à Me A...en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 mai, 14 septembre et 14 décembre 2015, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de MmeC....

Il soutient que :

- son appel est recevable dès lors qu'il est présenté dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement, intervenue le 20 mai 2015 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour méconnaissait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, contesté que l'intéressée ne pouvait se faire prescrire du risperdal à la place de l'abilify, que ces deux médicaments sont appropriés à son état de santé, que les effets indésirables moindres au niveau métabolique relevés par le docteur Ribault résultent d'une position de principe fondée sur des données statistiques et non d'effets observés sur la patiente, que l'ensemble des anti-psychotiques sont susceptibles d'induire, à des degrés divers, le syndrome métabolique, que le risperdone entraîne un risque de diabète faible et de prise de poids modéré, qu'estimer qu'un médicament permettant d'équilibrer une affection psychiatrique ne serait pas approprié au motif qu'il risque d'entraîner un surpoids revient à considérer qu'une prise de poids constitue une conséquence d'exceptionnelle gravité et que la République démocratique du Congo expose délibérément ses ressortissants atteints de psychose à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'aucun élément produit ne permet d'établir qu'un retour de l'intéressée dans son pays d'origine induirait une décompensation ; la survenue d'effets indésirables est imprévisible, elle n'a pas de conséquences comparables en terme de gravité à un défaut pur et simple de traitement ; la durée de suivi thérapeutique recommandée par la Haute Autorité de Santé a été dépassée, ce qui traduit un échec de ce traitement ; l'intéressée ne présente pas un risque suicidaire majeur ; l'affirmation d'un traitement plus confortable en France prouve l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressée ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi étaient illégales en retenant, au titre de l'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour.

Par des mémoires enregistrés les 2 septembre et 9 décembre 2015, MmeC..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; l'abilify n'est pas équivalent au risperdal ; le préfet, sur qui repose la charge de la preuve eu égard à la teneur de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, n'établit pas l'existence de l'abilify en République Démocratique du Congo et ne produit que des éléments excessivement généraux et de ce fait non pertinents ; l'inscription d'un médicament sur la liste des médicaments essentiels ne suffit pas à justifier de sa disponibilité ; la gravité des troubles psychiatriques est établie ; ses cicatrices corroborent l'existence de mauvais traitements ; elle a besoin d'entretiens psychothérapeutiques individuels et réguliers, pour lesquels la continuité et la conservation du lien thérapeutique sont primordiaux, une telle prise en charge est inexistante en République Démocratique du Congo ; le lien existant entre la pathologie et les évènements traumatisants vécus dans le pays d'origine font obstacle à ce qu'elle retourne en République Démocratique du Congo ; la position du psychiatre s'appuie sur une étude, sa prise en charge médicale a toujours suivi les recommandations de la Haute autorité de santé ; les recommandations évoquées par le préfet concernent le trouble anxieux généralisé et non sa propre pathologie ; les allégations du préfet ne reposent sur aucun avis ou expertise médicale ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu de retenir les autres moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour, de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi ; elle s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à Mme C...par décision du 22 juillet 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- les observations de MeA..., représentant MmeC....

1. Considérant que le préfet du Rhône relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 9 septembre 2014 refusant de délivrer un titre de séjour à MmeC..., ressortissante de la République Démocratique du Congo, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office ;

Sur la légalité des décisions préfectorales :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ;

3. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant que, par avis du 26 mai 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme C...nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existait pas dans son pays d'origine ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'un défaut de prise en charge médicale de ses troubles psychiatriques entraînerait pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité, alors même qu'ainsi que le fait valoir le préfet, le risque suicidaire ne serait pas tel qu'il justifierait son suivi dans un cadre fermé ; que Mme C...justifie qu'elle suit un traitement médicamenteux incluant l'abilify ; qu'il ressort des pièces qu'elle a produites en première instance que ce médicament n'est pas commercialisé en République Démocratique du Congo ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la molécule en constituant le principe actif y serait disponible ; que, si le préfet du Rhône soutient que ce médicament peut être remplacé, sans que l'intéressée soit exposée à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, par la molécule risperdone, qui serait disponible en République Démocratique du Congo, le psychiatre de MmeC... indique, dans son certificat du 20 avril 2015, que le risperdal ne peut être substitué à l'abilify pour cette patiente, en raison de la sensibilité qu'elle présente aux effets indésirables de ce produit ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le préfet, la prise de position de ce praticien quant au caractère non-substituable de ces deux médicaments ne résulte pas exclusivement d'une position de principe fondée sur des données statistiques ; que les documents produits par le préfet, relatifs aux seules conséquences métaboliques, et l'argumentation qu'il développe sur ce point sont insuffisants pour remettre en cause le bien-fondé de la position de ce praticien, alors que le psychiatre indique par ailleurs que l'efficacité de l'abilify est supérieure à celle du risperdal et permet d'éviter les effets indésirables, non seulement métaboliques, mais aussi cardiaques et neurologiques ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence de traumatismes subis par Mme C... dans son pays d'origine ou sur les autres volets de sa prise en charge médicale et en particulier sur son suivi psychothérapeutique, il ressort des pièces du dossier que le traitement approprié à son état de santé n'est pas disponible dans son pays d'origine ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé le refus de titre de séjour litigieux et les autres décisions par voie de conséquence ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant qu'en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, l'Etat versera au conseil de Mme C...la somme de 1 200 euros sous réserve que Me A...renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera au conseil de Mme C...la somme de 1 200 euros sous réserve que Me A...renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme C...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2016, où siégeaient :

- Mme Verley-Cheynel, président,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2016.

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N° 15LY01800 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01800
Date de la décision : 28/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-01-28;15ly01800 ?
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