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28/01/2016 | FRANCE | N°15LY01405

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2016, 15LY01405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupe Mécanique Découpage (GMD) a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande tendant à l'annulation des décisions du 23 juin 2011 par lesquelles l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de MM.F..., A..., G...M...et O...I..., J...,C....

Par le jugement n° 1101968 du 28 février 2013, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Par une requête enregistrée le 15 mai 2013, sous le n° 13LY01239, la société Groupe Mécanique Découpage a

demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler ce jugement du 28 février 2013 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupe Mécanique Découpage (GMD) a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande tendant à l'annulation des décisions du 23 juin 2011 par lesquelles l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de MM.F..., A..., G...M...et O...I..., J...,C....

Par le jugement n° 1101968 du 28 février 2013, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Par une requête enregistrée le 15 mai 2013, sous le n° 13LY01239, la société Groupe Mécanique Découpage a demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler ce jugement du 28 février 2013 et ces décisions de l'inspecteur du travail du 23 juin 2011.

Par un arrêt du 10 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête de la société Groupe Mécanique Découpage et mis à sa charge la somme de 200 euros à verser à chacun des salariés protégés concernés.

La société Groupe Mécanique Découpage a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant le Conseil d'État.

Par la décision n° 373841 du 3 avril 2015, le Conseil d'État a annulé l'arrêt du 10 octobre 2013 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de céans.

Procédure devant la cour :

Par deux mémoires enregistrés le 15 juillet et le 1er décembre 2015, la société GMD, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 février 2013 ainsi que les décisions de l'inspecteur du travail du 23 juin 2011 ;

2°) et de mettre à la charge de l'État (DIRECCTE de Bourgogne) la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société GMD soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'inspecteur du travail lui a refusé l'autorisation de procéder au licenciement des sept salariés protégés, alors que c'est à la société MGM, leur employeur, que le refus a été opposé ;

- elle n'a jamais eu la qualité d'employeur, c'est l'entreprise cédante, en l'espèce MGM qui demeurait l'employeur des salariés et c'est à cette dernière qu'incombait l'obligation de reclassement ;

- l'inspecteur du travail ne pouvait se fonder sur un délit de marchandage présumé pour écarter le motif économique des demandes d'autorisation de licenciement des sept salariés protégés alors que, par un jugement revêtu de l'autorité de chose jugée en date du 15 mars 2011 et devenu définitif, le tribunal de commerce de Limoges a " autorisé l'administrateur judiciaire à procéder au licenciement pour cause économique " des salariés concernés.

Par un mémoire enregistré le 19 octobre 2015, MM. H...A...et K...G..., représentés par la SELARL Tissot Hopgood Demont, demandent à la cour de confirmer le jugement attaqué et de mettre à la charge de la société GMD la somme de 1 500 euros à leur verser à chacun.

Ils soutiennent que :

- l'inspecteur du travail n'a pas considéré la société GMD comme l'employeur des salariés protégés mais lui a rappelé l'engagement pris devant le tribunal de commerce de Limoges dans l'offre de cession ;

- l'inspecteur du travail a vérifié les recherches par l'administrateur judiciaire de postes de reclassement au sein de la branche d'activité reprise par le cessionnaire et constaté que certains postes pouvant être vacants au sein du groupe GMD n'ont pas été portés à la connaissance des salariés dont le licenciement était envisagé ; il n'a été proposé à M. G...aucune formation ni aucune adaptation aux postes pour lesquels il s'était porté candidat, en méconnaissance de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

- il existe bien un lien entre les mesures envisagées et l'exercice de leur mandat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.

- les observations de MeD..., représentant la société MGM.

1. Considérant que, par un jugement du 25 février 2011, le tribunal de commerce de Limoges a prononcé la liquidation judiciaire de la société MGM France qui déployait ses activités de recherche, production, traitement de matières et composants pour véhicules et de matières plastiques sur quatre sites, dont celui de Blanzy (Saône-et-Loire) ; que, par un jugement du 15 mars 2011, il a arrêté un plan de cession au profit de la société Groupe Mécanique Découpage, pris acte de ce que son offre prévoyait la reprise de 92 postes sur les 231 existants sur les quatre sites et autorisé l'administrateur judiciaire de MGM France à procéder au licenciement économique des 139 salariés dont les postes étaient supprimés ; que, par des décisions du 23 juin 2011, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de sept salariés protégés de l'établissement de Blanzy ; que le tribunal administratif de Dijon ayant rejeté la demande de la société Groupe Mécanique Découpage présentée à l'encontre de ces décisions, cette société a fait appel devant la cour administrative d'appel de Lyon puis a présenté un pourvoi en cassation ; que, par sa décision du 3 avril 2015, le Conseil d'État a annulé l'arrêt n° 13LY01239 de la cour administrative d'appel et lui a renvoyé l'affaire ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

3. Considérant que, pour refuser d'autoriser le licenciement de MM.F..., A..., G..., M...et O...I..., J...etC..., l'inspecteur du travail a estimé que le motif économique n'était pas recevable du fait d'une " situation de marchandage ", que GMD avait manqué à son obligation de reclassement et, qu'en outre, existait un lien entre les licenciements envisagés et les mandats exercés par les salariés en question ; que, pour rejeter la demande de la société GMD dirigée contre les décisions de l'inspecteur du travail, le tribunal administratif de Dijon a jugé que GMD avait manqué à son obligation de reclassement et que l'inspecteur du travail était tenu de refuser les autorisations litigieuses ;

Sur l'obligation de reclassement :

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 1224-1 du code du travail et L. 642-5 du code de commerce que, lorsque le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce prévoit des licenciements devant intervenir dans le mois suivant le jugement, les contrats de travail des salariés licenciés en exécution de ce jugement ne sont pas transférés à l'entreprise cessionnaire ; que, par suite, l'entreprise cédante demeure l'employeur de ces salariés, y compris lorsqu'ils bénéficient d'un statut protecteur ; qu'à ce titre, c'est sur elle que pèse l'obligation de chercher à reclasser un salarié dont le licenciement est envisagé ;

5. Considérant que, pour refuser d'autoriser le licenciement des sept salariés protégés de l'établissement de Blanzy, l'inspecteur du travail a rappelé que la société GMD est " redevable d'une obligation de recherche de reclassements au sein du groupe GMD au bénéfice des salariés, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail " et s'est notamment fondé sur la circonstance que " les recherches de reclassement invoquées au sein de l'entreprise et du groupe GMD n'avaient que l'apparence d'une conformité aux dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail mises à la charge du repreneur " ; qu'en faisant ainsi porter l'obligation de reclassement sur la société cessionnaire, l'inspecteur du travail s'est mépris sur le titulaire de l'obligation de reclassement des sept salariés concernés ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif, pour confirmer les décisions en litige, a retenu que la société GMD était bien l'employeur des sept salariés protégés, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que ceux-ci auraient reçu des propositions effectives de reclassement dans l'ensemble du groupe et que, par conséquent, l'inspecteur du travail était tenu de refuser les autorisations litigieuses ;

Sur les autres motifs retenus par l'inspecteur du travail :

6. Considérant, en premier lieu, que l'inspecteur du travail, pour retenir que le motif économique allégué dans la demande d'autorisation de procéder aux licenciements des personnes concernées n'était pas recevable, a relevé une situation de marchandage au profit de la société Tétra Pak International (TPI) en violation de la prohibition introduite par l'article L. 8231-1 du code du travail ; que, toutefois, dans son jugement du 15 mars 2011 précédemment rappelé le tribunal de commerce de Limoges avait expressément autorisé l'administrateur judiciaire de la société MGM France à procéder au licenciement économique de 139 salariés dont les postes étaient supprimés ; que si l'inspecteur du travail a évoqué, dans les décisions contestées, une fraude à la loi entre la société MGM France et la société TPI aux dépens des salariés de l'établissement de Blanzy, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette fraude alléguée ait fait l'objet de procès-verbal de constat de la part de l'inspecteur du travail, ni que le délit ait été considéré comme constitué par le juge, ni, encore moins, que le tribunal de commerce ait été abusé par des agissements délictueux prêtés aux sociétés MGM France et TPI pour l'établissement de Blanzy, ni même qu'il ait omis de vérifier la réalité de tels agissements, lorsqu'il a rendu son jugement le 15 mars 2011 ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que le motif tiré de ce que la société TPI, " par sa participation à l'opération frauduleuse de marchandage susmentionnée, s'est exonérée de toute responsabilité d'un fonctionnement conforme des institutions représentatives du personnel au sein de l'établissement de Blanzy " et que " cet état de fait constitue in fine un lien entre la mesure envisagée et les mandats exercés par les intéressés qui s'oppose de manière déterminante à l'autorisation demandée ", outre qu'il ne repose pas sur des faits dûment établis, procède essentiellement du comportement d'une société qui n'est pas à l'origine de la demande de licenciement des salariés en cause ;

8. Considérant, enfin, que le motif d'intérêt général invoqué devant le tribunal administratif par l'administration, tiré de ce que " l'intérêt général des salariés du site MGM de Blanzy est gravement atteint par la procédure de liquidation " n'est pas au nombre de ceux qui pouvaient légalement fonder un refus d'autorisation de licenciement au nom de l'intérêt général ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que la société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 28 février 2013, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes dirigées contre les décisions de l'inspecteur du travail contestées du 23 juin 2011 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de MM. A...et G...qui sont, en l'espèce, parties perdantes ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la société GMD ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1101968 du 28 février 2013 est annulé.

Article 2 : Les décisions de l'inspecteur du travail de Montceau-les-Mines en date du 23 juin 2011 sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Groupe Mécanique Découpage, à MM. E... F..., H...A..., K...G..., H...M..., N...I..., B...J..., L...C...et au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2016 où siégeaient :

- Mme Verley-Cheynel, président de la chambre,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2016.

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N° 15LY01405


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