Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté, en date du 7 avril 2014, par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1401572 du 30 octobre 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 décembre 2014 et un mémoire complémentaire enregistré le 15 juillet 2015, M.B..., représenté par Me Sirandré, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 octobre 2014 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 7 avril 2014 ou, à titre subsidiaire, d'annuler la décision portant interdiction de retour ou, à titre plus subsidiaire, de réduire la durée de cette interdiction de retour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Il soutient que :
S'agissant de la recevabilité de sa requête :
- le délai de recours a recommencé à courir à compter de la notification le 16 mai 2015 de la décision lui accordant l'aide juridictionnelle totale ;
S'agissant du refus de délivrance de titre de séjour :
- même si l'offre de soins existe sa prise en charge effective serait hypothétique dans son pays d'origine ;
- le préfet a retenu à tort qu'il constituait une menace pour l'ordre public au seul motif qu'il a aidé bénévolement quelques compatriotes à demander un titre de séjour alors qu'il est intégré en France où il dispose d'un travail et d'un logement ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de l'interdiction de retour de deux ans :
- le préfet ne pouvait prendre une décision d'interdiction de retour à son encontre ;
- la durée de cette interdiction est injustifiée et devra à tout le moins être minorée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2015, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête, qui ne comporte aucune critique du jugement attaqué, est irrecevable ;
- l'article L. 313-11, dans la rédaction de son 11° issue de la loi du 16 juin 2011, subordonne la délivrance d'un titre de séjour à l'absence de traitement approprié dans le pays d'origine et non à l'accès effectif aux soins, le requérant n'ayant en outre présenté aucun élément démontrant l'absence d'un accès effectif aux soins ;
- le refus de titre de séjour n'est pas motivé par l'existence d'une menace à l'ordre public, alors, qu'en tout état de cause, l'intéressé mis en examen n'avait pas été mis hors de cause à la date de l'arrêté attaqué ;
- l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire ;
- l'intéressé constituant une menace pour l'ordre public et n'ayant fourni qu'un certificat de travail dépourvu de toute preuve d'identité de l'employeur, l'interdiction de retour est justifiée.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pourny,
- et les observations de Me Sirandré, avocat de M.B....
1. Considérant que M.B..., ressortissant kosovar né en 1985, entré en France en 2008 selon ses déclarations, a obtenu, après le rejet de sa demande d'asile, la délivrance d'un titre de séjour le 25 mai 2012, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de la Côte-d'Or lui a refusé le renouvellement de ce titre de séjour par un arrêté du 7 avril 2014 en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ; que M. B...conteste le jugement du 30 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;
3. Considérant que, pour refuser le renouvellement du titre de séjour dont disposait M. B... en qualité d'étranger malade, le préfet de la Côte-d'Or s'est uniquement fondé sur le fait qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié au Kosovo, son pays d'origine, et qu'il pourra y poursuivre les soins dont il a besoin ; que, dès lors, M. B...ne peut pas utilement soutenir qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public pour contester le refus de renouvellement de titre de séjour qui lui est opposé ;
4. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par avis rendu le 18 juin 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. B...nécessitait une prise en charge médicale d'une durée prévisible de douze mois, dont le défaut aurait pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existait pas dans son pays d'origine ; que M. B...produit plusieurs certificats médicaux indiquant qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique avec syndrome dépressif nécessitant un traitement, ainsi que d'une tumeur du sinus frontal, ayant conduit à des interventions chirurgicales en 2004, 2011, 2012 et 2013, laquelle nécessite un suivi médico-chirurgical : qu'il ressort toutefois des éléments versés au dossier par le préfet de la Côte d'Or, et notamment de deux documents, datés respectivement des 22 août 2010 et 6 mai 2011, émanant de l'ambassade de France au Kosovo, que l'ensemble des pathologies psychiatriques sont prises en charge dans plusieurs établissements ou services spécialisés au Kosovo, les médicaments nécessaires au traitement de l'ensemble de ces pathologies étant disponibles dans les pharmacies de ce pays, et que les établissements de ce pays disposent de scanners et d'appareils d'imagerie par résonance magnétique ; qu'il suit de là que le préfet doit être regardé comme établissant qu'un traitement médical approprié est disponible au Kosovo pour le traitement des maladies dont souffre le requérant ; qu'en se bornant à invoquer le nombre limité de psychiatres au regard de la population présentant des troubles psychiques et le coût des prestations médicales au regard du salaire moyen dans un pays où le chômage est important, M. B... ne conteste pas sérieusement la disponibilité dans son pays d'origine d'un traitement approprié aux pathologies qu'il présente ; que les circonstances tenant au coût des traitements nécessaires sont sans incidence sur son droit à un titre de séjour, apprécié uniquement au regard de l'existence du traitement dans le pays considéré, et ne sauraient être regardées comme caractérisant, en l'espèce, des circonstances humanitaires exceptionnelles ; que par suite, le préfet de la Côte-d'Or n'a pas entaché son refus de renouvellement de titre de séjour d'erreur de droit, ni même d'erreur d'appréciation, au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. " ; et qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;
7. Considérant, pour les motifs exposés au point 5, que M. B...peut bénéficier au Kosovo d'un traitement approprié à ses différentes pathologies ; que si l'intéressé soutient qu'il dispose d'un logement et d'un travail, il ne fait pas valoir de circonstance humanitaire exceptionnelle ; que M. B... n'est pas au nombre des étrangers mentionnés par les autres dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite doit être écarté ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet de la Côte-d'Or pouvait assortir l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B...d'une interdiction de retour ; que, pour prendre cette mesure et en fixer la durée, le préfet de la Côte-d'Or a retenu que M. B... réside en France depuis plus de cinq ans, qu'il est célibataire, sans enfant, et dépourvu d'attache familiale en France, qu'il n'a pas fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français antérieure mais qu'il a été mis en examen des chefs : " d'aide au séjour irrégulier sur le territoire national contre rémunération et établissement d'attestations ou certificats faisant état de faits matériellement inexacts " ; que, ce faisant, il a suffisamment justifié cette mesure et sa durée ; que si M. B...fait valoir qu'il dispose d'un logement et d'un travail en France et conteste avoir perçu une rémunération pour l'aide apportée à certains de ses compatriotes, il ne conteste pas avoir établi des attestations ou certificats faisant état de faits matériellement inexacts pour aider quelques uns de ses compatriotes à obtenir un titre de séjour ; qu'il est par ailleurs constant que l'intéressé est dépourvu d'attaches familiales en France ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ou fait une inexacte application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par le préfet de la Côte-d'Or, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse au conseil de M. B...une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
Mme Bourion, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2016.
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N° 14LY03852