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26/01/2016 | FRANCE | N°14LY01513

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 26 janvier 2016, 14LY01513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois demandes distinctes, M. B...C...et Mme F...C..., l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante, et l'association Vivre à Chabeuil ont demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de l'arrêté en date du 21 octobre 2010 par lequel le maire de la commune de Chabeuil a accordé à la Coopérative drômoise de céréales un permis de construire pour la construction d'un complexe composé de deux ensembles de stockage de c

réales et d'une usine d'aliments pour animaux, et de l'arrêté du 30 novemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois demandes distinctes, M. B...C...et Mme F...C..., l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante, et l'association Vivre à Chabeuil ont demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de l'arrêté en date du 21 octobre 2010 par lequel le maire de la commune de Chabeuil a accordé à la Coopérative drômoise de céréales un permis de construire pour la construction d'un complexe composé de deux ensembles de stockage de céréales et d'une usine d'aliments pour animaux, et de l'arrêté du 30 novembre 2010 délivrant un permis de construire modificatif.

Par un jugement n°s 1005711-1100179-1101425 du 18 mars 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces deux décisions et mis à la charge de la commune de Chabeuil le paiement à M. et Mme C...et l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 16 mai 2014 sous le n° 14LY01513, et des mémoires enregistrés les 26 septembre 2014 et 18 mars 2015, la Coopérative drômoise de céréales, représentée par la société d'avocats ADP, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 mars 2014 ;

2°) de mettre à la charge de M. et MmeC..., de l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante et de l'association Vivre à Chabeuil le paiement d'une somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la régularité formelle d'un dossier de demande de permis de construire doit s'apprécier globalement ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les dossiers de permis de construire, primitif comme modificatif, d'une part, comportaient des indications relatives aux raccordements aux réseaux et équipements privés d'eau et assainissement, d'autre part, permettaient d'apprécier l'insertion du projet et notamment son impact visuel ;

- le classement en zone UIb, dans le PLU de la commune, du secteur des Barachines est intervenu légalement, dès lors que, d'une part, le site revêt une dimension urbaine eu égard à la nature et à l'étendue du projet, ayant justifié l'accord du préfet prévu à l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme et, d'autre part, est desservi par des réseaux de viabilité primaire ;

- à titre subsidiaire, la construction en litige est compatible avec le règlement du plan d'occupation des sols (POS) qui précédait le PLU, dont l'article NC1 autorisait la construction d'installations classées liées aux activités agricoles, et dont les exigences d'accès et de voirie, régies par son article NC3, sont en l'espèce satisfaites, ainsi que celles relatives à la desserte par les réseaux, mentionnées à l'article NC4.

Par un mémoire enregistré le 31 juillet 2014, M. et Mme C...et l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante, représentés par la Selarl Cabinet Champauzac, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la Coopérative drômoise de céréales une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que l'ensemble des moyens de la requête est infondé.

Par un mémoire enregistré le 16 février 2015, l'association Vivre à Chabeuil, représentée par Me Louche, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme globale de 2 000 euros soit mise à la charge solidaire de la Coopérative drômoise de céréales et de la commune de Chabeuil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'ensemble des moyens de la requête est infondé.

Par ordonnance du 27 avril 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 19 mai 2015 à 16 h 30.

Un mémoire de M. et Mme C...et de l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante a été enregistré le 19 mai 2015, à 16 h 33.

Par un courrier du 18 novembre 2015, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de la demande de première instance introduite par M. et Mme C...et l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante, à défaut, pour ces derniers de justifier de l'accomplissement des formalités prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, s'agissant de l'introduction de leur demande devant le tribunal.

Par un mémoire enregistré le 19 novembre 2015, M. et Mme C...et l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante ont présenté des observations.

Par un mémoire enregistré le 26 novembre 2015, l'association Vivre à Chabeuil a présenté des observations.

II. Par une requête enregistrée le 16 mai 2014 sous le n° 14LY01536, et un mémoire enregistré le 2 septembre 2014, la commune de Chabeuil, représentée par la Selarl Strat avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 mars 2014 ;

2°) de mettre à la charge de M. et MmeC..., de l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante et de l'association Vivre à Chabeuil le paiement d'une somme de 4 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il ressort des pièces du dossier soumis au premiers juges que, contrairement à ce qu'indique le jugement, le secteur d'assiette du projet, dit " des Barachines ", classé en zone UIb, était desservi par les réseaux publics d'eau potable et d'électricité ; en outre, n'a pas été prise en compte la volonté de procéder au renouvellement urbain de la commune, mentionnée dans le rapport de présentation du PLU ; le jugement est, dès lors, insuffisamment motivé ;

- il est également entaché de contradiction de motifs, dès lors qu'il utilise de façon imprécise les termes de " secteur " et de " zone " ;

- l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme a été méconnu par le tribunal ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les dossiers de demande de permis de construire, initial puis modificatif, ne comportaient, notamment dans les plans de masse qui y étaient joints, aucune indication sur les modalités de raccordement aux réseaux, dès lors que ces éléments ont été versés par la commune, comme par la coopérative bénéficiaire du permis, dans le dossier de première instance ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que ni la notice architecturale, ni les documents graphiques et l'étude d'impact fournis dans le dossier de demande de permis de construire modificatif, ne permettent d'apprécier l'insertion du projet dans les paysages environnants, et notamment son impact visuel, puisque les éléments permettant d'apprécier cette insertion ont été produits en première instance ;

- en retenant, pour admettre, par voie d'exception, l'illégalité du classement du secteur litigieux en zone U, que celui-ci n'est pas raccordé au réseaux publics d'assainissement, d'eau potable, d'électricité et de téléphone, le tribunal a commis une erreur de fait, comme il a été indiqué ci-dessus, mais également une erreur de droit, l'article R. 123-5 du code de l'urbanisme ne subordonnant pas le classement en zone U à la desserte du secteur par un réseau de téléphonie, ni par un réseau public d'assainissement, les dispositifs d'assainissement autonomes pouvant y être autorisés par le plan local d'urbanisme (PLU), comme c'est le cas en l'espèce ;

- d'une façon plus générale, le classement par le PLU de ce secteur en zone U est intervenu légalement, le secteur étant desservi par les réseaux d'eau potable et d'électricité, à l'exclusion de ceux de téléphonie.

Par un mémoire enregistré le 28 juillet 2014, M. et Mme C...et l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante, représentés par la Selarl Cabinet Champauzac, concluent au rejet de la requête, et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Chabeuil une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que l'ensemble des moyens de la requête est infondé.

Un second mémoire de M. et Mme C...et de l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante, enregistré le 19 mai 2015, à 16 h 27, n'a pas été communiqué.

Par ordonnance du 27 avril 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 19 mai 2015.

Par un courrier du 18 novembre 2015, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de la demande de première instance introduite par M. et Mme C...et l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante, à défaut, pour eux de justifier de l'accomplissement des formalités prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, s'agissant de l'introduction de leur demande devant le tribunal.

Par un mémoire enregistré le 19 novembre 2015, M. et Mme C...et l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante ont présenté des observations.

Par un mémoire enregistré le 27 novembre 2015, la commune de Chabeuil a présenté des observations.

Vu les décisions du 5 septembre 2014 par lesquelles le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (Section administrative d'appel) a rejeté les demandes d'aide juridictionnelle de l'association Vivre à Chabeuil, et les ordonnances du président de la Cour du 10 octobre 2015 rejetant les recours contre ces décisions.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lévy Ben Cheton,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me D...représentant ADP avocats, avocat de la Coopérative drômoise de céréales, celles de Me E...représentant la Selarl cabinet Champauzac, avocat de M. et Mme C...et de l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la RD 538 et de la campagne environnante, celles de Me Louche, avocat de l'association Vivre à Chabeuil, et celles de Me A...représentant la Selarl Strat avocats, avocat de la commune de Chabeuil.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 janvier 2016, présentée pour la Coopérative drômoise de céréales.

1. Considérant que par un jugement du 18 mars 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de M. et MmeC..., de l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante et de l'association Vivre à Chabeuil, l'arrêté en date du 21 octobre 2010 par lequel le maire de la commune de Chabeuil a accordé à la Coopérative drômoise de céréales un permis de construire un complexe agricole composé de deux ensembles de stockage de céréales et d'une usine d'aliments pour animaux, et l'arrêté du 30 novembre 2010, lui délivrant un permis de construire modificatif ; que la commune de Chabeuil, ainsi que la Coopérative drômoise de céréales, relèvent appel de ce jugement ;

2. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que la commune de Chabeuil fait valoir que le jugement, pour accueillir l'exception d'illégalité du classement du secteur d'assiette du projet du secteur litigieux en zone UIb, d'une part, a considéré à tort qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que ce secteur, dit " des Barachines ", était desservi par les réseaux publics d'eau potable et d'électricité et, d'autre part, n'a pas pris en compte la volonté de procéder au renouvellement urbain de la commune, mentionnée dans le rapport de présentation du plan local d'urbanisme ; que ce moyen a trait non pas à la régularité du jugement, contrairement à ce que prétend la commune, mais à son bien-fondé ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges se sont prononcés sur l'ensemble des moyens qu'ils ont considérés comme fondés, avant de préciser, au point 10 du jugement attaqué, qu'aucun des autres moyens invoqués n'était susceptible de fonder l'annulation des décisions contestées ; qu'ainsi, ils n'ont pas méconnu, contrairement à ce que soutient la commune de Chabeuil, les dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme ;

5. Considérant, en troisième et dernier lieu, que l'imprécision qui, selon la commune de Chabeuil, résulterait de l'emploi impropre du terme de " secteur ", en lieu et place de celui de " zone ", n'est, contrairement à ce qu'elle prétend, nullement de nature à affecter d'une contradiction de motifs le jugement attaqué ;

Sur la recevabilité des demandes de première instance :

6. Considérant que l'association Vivre à Chabeuil avait, à la date d'affichage des permis de construire en litige, pour objet statutaire " la préservation et l'amélioration de la qualité de vie (environnementale, circulation, patrimoine...) sur tout ou partie du territoire de la commune de Chabeuil " ; que par cet objet, l'association justifiait d'un intérêt lui donnant qualité pour déférer au juge de l'excès de pouvoir les arrêtés par lesquels le maire de Chabeuil a accordé à la Coopérative drômoise de céréales un permis de construire pour l'édification, sur le territoire de la commune, d'un vaste complexe de stockage, d'ensilage, et de transformation de produits agricoles ;

7. Considérant qu'il résulte en outre des pièces du dossier que le président de cette association, dument habilité par une délibération de son assemblée générale extraordinaire du 19 avril 2011, se trouvait, dans le silence des statuts sur ce point, investi de la qualité pour former, au nom de l'association, un recours en excès de pouvoir contre les permis de construire délivrés à la Coopérative drômoise de céréales ;

8. Considérant que, dès lors, les fins de non-recevoir opposées aux demandes de première instance ne peuvent être accueillies ;

9. Considérant qu'en réponse au courrier du 18 novembre 2015, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de leur demande de première instance, M. et Mme C...et l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante ont justifié de l'accomplissement des formalités prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, s'agissant de leurs demandes enregistrées au greffe du tribunal sous les n° 1005711 et 1100179 ;

Sur la légalité des décisions contestées :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme : " Sont joints à la demande de permis de construire : (...) b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. " ; qu'en vertu de l'article R. 431-9 du même code, le projet architectural comprend un plan de masse des constructions à édifier indiquant notamment " les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement " ;

11. Considérant que la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ;

12. Considérant que si les plans de masse annexés aux demandes de permis de construire, primitif, puis modificatif, de la Coopérative drômoise de céréales, font apparaître les modalités de raccordement aux réseaux d'eau potable, en désignant, en limite du terrain d'assiette, le point de raccordement, ainsi qu'en amont, la galerie d'eau potable permettant le raccordement au réseau public, ils ne comportent, en revanche, pas d'indication suffisante quant au raccordement au réseau d'électricité, dès lors que la localisation graphique, par une flèche, du seul point de branchement en limite de parcelle, ne pouvait permettre au service instructeur d'apprécier les modalités de raccordement envisagées, s'agissant au demeurant d'une zone non encore urbanisée ; que ce manquement aux prescriptions de l'article R. 431-9 précité du code de l'urbanisme, qui n'est compensé par aucune des autres pièces contenues dans le dossier de ladite demande, constitue une insuffisance qui, en l'espèce, a été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ; que d'ailleurs, le permis de construire comportait une prescription relative aux raccordements aux réseaux publics, révélant qu'à la date à laquelle cette autorisation a été délivrée, le maire n'était pas entièrement informé sur leurs modalités ; qu'est, à cet égard, sans influence sur la régularité de la demande du permis de construire la circonstance que la Coopérative drômoise de céréales a, postérieurement à la délivrance du permis contesté, obtenu des devis de raccordement aux réseaux d'électricité et d'eau potable, et que ces branchements ont finalement été effectués ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants " ; que l'article R. 431-10 prévoit que : " Le projet architectural comprend également : (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain (...). " ;

14. Considérant que les deux dossiers de demande de permis de construire, primitif, puis modificatif, déposés par la Coopérative drômoise de céréales, comprenaient une notice architecturale qui, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, mentionne que le terrain d'assiette du projet est un ancien terrain agricole, en pente douce, et fournit des indications suffisamment précises quant aux partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement ; que ces dossiers comportaient également 14 clichés photographiques, dont les points en angles de prises de vue étaient mentionnés, et permettent une visualisation à 360° du secteur d'assiette du projet, ainsi qu'une " étude d'impact sur le voisinage " constituée de photomontages permettant de simuler, " avant/après ", la visibilité des silos depuis un point d'observation situé 240 m à l'est de ceux-ci ; que le dossier de demande de permis modificatif, déposé après l'intervention du paysagiste-conseil de la direction départementale des territoires (DDT) de la Drôme, comportait en outre des documents graphiques et photographiques explicitant avec précision les modalités paysagères, notamment sous forme de haies et de " noues arborées ", destinées à intégrer l'installation dans son environnement ; qu'enfin, ce dossier comprenait l'étude d'impact réalisée dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), laquelle comptait des développements fort circonstanciés sur " l'impact sur les paysages et les milieux naturels ", ainsi que sur " l'intégration paysagère " ; que le maire de Chabeuil étant, dans ces conditions, parfaitement mis en mesure de porter utilement une appréciation sur l'impact visuel et paysager du projet, c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a considéré que les dispositions précitées des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

15. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R. 123-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter. " ; qu'aux termes de l'article R. 123-6 de ce code : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation. / (...). / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation peut être subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme. " ; que l'article R. 123-8 du même code prévoit que : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels. " ;

16. Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;

17. Considérant que la parcelle constituant le terrain d'assiette du projet, situé jusqu'en 2005 en zone N du plan d'occupation des sols de la commune de Chabeuil, a été classée en zone UIb par le plan local d'urbanisme approuvé le 19 décembre 2005 ;

18. Considérant que le rapport de présentation de ce document, en octobre 2004, justifiait par des motifs de sécurité, ainsi que de développement économique concerté avec la profession agricole, le choix d'ouvrir à l'urbanisation ce secteur, afin d'y transférer les silos jusqu'alors implantés dans un secteur devenu au fil du temps principalement résidentiel, au sein duquel ils étaient devenus un facteur de risques, et de nuisances ; que ce document justifiait le choix, pour ce transfert, du site des Barachines, par son accès aisé à partir de la RD 538, de nature à permettre à terme d'envisager le regroupement d'autres silos dispersés dans le département, ainsi que par les garanties de sécurité qu'offre cette localisation, cette zone étant ceinte d'une zone inconstructible ; qu'à cette fin, la révision du classement de cette zone, anciennement NC, en zone Ui, a été autorisée par arrêté du préfet de la Drôme, le 26 juillet 2005, en dérogation à l'article L. 122-2, alors en vigueur, du code de l'urbanisme (dont les dispositions sont aujourd'hui reprises aux articles L. 142-4 et L. 142-5 de ce code) ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que ce secteur des Barachines est classé en zone d'assainissement individuel au titre de la législation sur l'eau ; que, dès lors, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'ouverture à l'urbanisation de ce secteur n'était nullement subordonnée à sa desserte par un réseau d'assainissement collectif, qu'au demeurant la nature et la destination des constructions envisagées ne justifierait guère ; qu'enfin, contrairement également à ce qu'ont considéré les premiers juges, il ressort des pièces du dossier, notamment des devis proposés par le syndicat intercommunal de gestion de l'eau potable et par EDF, que les réseaux d'eau et d'électricité étaient présents dans la zone des Barachines ; que la commune n'ayant, ainsi, commis aucune erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 123-5 du code de l'urbanisme, l'exception d'illégalité de sa décision de classer en zone U la parcelle litigieuse doit être écartée ;

Sur le caractère régularisable de la construction :

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, parmi les trois motifs d'annulation retenus par le jugement attaqué, seul est fondé celui tiré de l'irrégularité du dossier de demande de permis de construire, au regard des dispositions combinées du b) de l'article R. 431-7 et de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, examiné au point 12 du présent arrêt ;

20. Considérant toutefois qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation " ; qu'il résulte de ces dispositions que le juge administratif peut procéder à l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable du projet et où cette illégalité est susceptible d'être régularisée par un permis modificatif de l'autorité compétente, sans qu'il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet ;

21. Considérant que l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations " ;

22. Considérant que l'illégalité mentionnée ci-dessus serait susceptible d'être régularisée par un permis modificatif ; qu'une telle régularisation n'est toutefois envisageable que dès lors que n'y fait obstacle aucun autre moyen soulevé en première instance comme en appel par les demandeurs ;

23. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;

24. Considérant que M. et Mme C...et l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante font valoir que compte tenu de ses dimensions insuffisantes et, accessoirement, de l'état dégradé de son revêtement, la voie communale reliant le terrain d'assiette du projet à la RD 538 ne permet pas d'assurer une desserte suffisante de la construction envisagée, de sorte que le projet constitue un risque pour la sécurité publique ;

25. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assise du projet est relié à la RD 538 par une voie communale dont la largeur varie entre 3,60 et 4,20 m, prolongée par une contre-allée de la route départementale ; que le 27 avril 2011, dans son rapport dressé au titre de la demande d'autorisation d'exploiter cette installation classée pour la protection de l'environnement, le commissaire enquêteur relevait, d'une part, que les accès des tracteurs et semi-remorques posent problème compte tenu de ce que l'étroitesse de ces voies ne permet pas le croisement de ces véhicules, notamment en période de moisson et, d'autre part, que le rond-point situé au nord n'offre pas un accès aisé pour les remorques ; que d'ailleurs, pour motiver le retrait d'un précédent permis de construire qu'il avait, pour le même projet, délivré le 7 juillet 2009, le maire de Chabeuil, dans son arrêté du 2 octobre 2009, relevait que le projet méconnaissait l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que la voie communale VC 117, d'une largeur de 3,10 m, n'offrait pas, en l'état actuel, de garanties suffisantes pour permettre, d'une part, aux poids lourds d'accéder aux constructions nouvelles dans des conditions de sécurité satisfaisantes, la contre-allée de la route départementale, d'une largeur de 4,30 m, étant également insuffisante pour supporter le trafic généré par le projet et, d'autre part, aux engins de lutte contre l'incendie d'accéder aux installations, la voie publique n'atteignant pas la largeur minimale de 3,60 m demandée par le SDIS dans une lettre du 4 août 2009 ; qu'est à cet égard sans influence sur la légalité des décisions contestées la circonstance que, postérieurement à leur édiction, la commune a entrepris, à compter de l'année 2013, des travaux d'élargissement de cette voie, au demeurant toujours en cours en 2014 ; qu'il ressort ainsi des pièces du dossier qu'eu égard aux caractéristiques du projet, la desserte du terrain d'assiette était insuffisante, et la délivrance des permis de construire contestés manifestement de nature à porter atteinte à la sécurité publique, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

26. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen que ceux examinés ci-dessus n'apparaît, en l'état de l'instruction, susceptible de fonder l'annulation des permis de construire en litige ;

27. Considérant que l'illégalité relevée au point 25 n'étant pas susceptible d'être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif, la Coopérative drômoise de céréales et la commune de Chabeuil ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé dans leur totalité les arrêtés contestés du 21 octobre 2010 et du 30 novembre 2010 ;

28. Considérant que les conclusions que la Coopérative drômoise de céréales et de commune de Chabeuil, parties perdantes dans la présente instance, ont présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge tant de la Coopérative drômoise de céréales que de la commune de Chabeuil, sur ce même fondement, le paiement, d'une part, d'une somme de 1 500 euros à l'association Vivre à Chabeuil et, d'autre part, d'une somme globale de même montant à M. et Mme C...et à l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de la Coopérative drômoise de céréales et de la commune de Chabeuil sont rejetées.

Article 2 : La Coopérative drômoise de céréales versera une somme de 1 500 euros à l'association Vivre à Chabeuil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La Coopérative drômoise de céréales versera une somme globale de 1 500 euros à M. et Mme C...et à l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La commune de Chabeuil versera une somme de 1 500 euros à l'association Vivre à Chabeuil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La commune de Chabeuil versera une somme globale de 1 500 euros à M. et Mme C... et à l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la Coopérative drômoise de céréales, à la commune de Chabeuil, à l'association Vivre à Chabeuil, à M. B...C..., à Mme F...C...et à l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur de la route départementale 538 et de la campagne environnante.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 janvier 2016.

11

N°s 14LY01513, 14LY01536

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01513
Date de la décision : 26/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Laurent LEVY BEN CHETON
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL AFFAIRES DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-01-26;14ly01513 ?
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