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05/01/2016 | FRANCE | N°14LY03493

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 05 janvier 2016, 14LY03493


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1. M. B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 octobre 2013 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

2. MmeD..., épouse B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 octobre 2013 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1. M. B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 octobre 2013 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

2. MmeD..., épouse B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 octobre 2013 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

Par un jugement unique, n° 1401458-1401466 du 22 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté, après les avoir jointes, leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2014, M. et MmeB..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 juillet 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 16 octobre 2013 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à leur conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

M. et MmeB... soutiennent :

- que les décisions de refus de titre de séjour qui leur ont été opposées sont insuffisamment motivées ; qu'elles méconnaissent les dispositions des articles L 313-14 et L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et celles de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ;

- que les décisions portant obligation de quitter le territoire français ont été prises sans qu'ils aient été mis en mesure d'être entendus, en méconnaissance des principes généraux du droit de l'Union européenne ; qu'elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2015, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête et s'en rapporte entièrement à ses écritures de première instance ;

Par une ordonnance du 27 aout 2015 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 14 septembre 2015.

M.B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 octobre 2014.

MmeB... n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 6 octobre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bourrachot, président.

1. Considérant que M. et MmeB..., de nationalité malgache, entrés en France le 1er août 2013, se sont maintenus sur le territoire français à l'expiration de leurs visas de court séjour ; que, par un courrier commun du 10 septembre 2013, ils ont demandé la régularisation à titre exceptionnel de leur situation, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ils relèvent appel du jugement en date 22 juillet 2014, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté, après les avoir jointes, leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 16 octobre 2013 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

Sur les décisions de refus de séjour :

2. Considérant que les décisions par lesquelles le Préfet de la Drôme a rejeté les demandes d'admission exceptionnelle au séjour dont l'avaient saisi M. et Mme B...sont suffisamment motivées par l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles sont fondées ; que le moyen tirée d'une insuffisante motivation, au regard des exigences des dispositions de la loi du 11 juillet 1979, doit donc être écarté ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant que les requérants font état de leur intégration dans la société française, où résident certains membres de leur famille, ainsi que de leurs bonnes perspectives d'intégration professionnelle, compte tenu de leur niveau universitaire en comptabilité/finances ; qu'ils font état de l'opportunité, pour leur fils handicapé mental, de pouvoir bénéficier en France des meilleures prises en charges médicale et éducative possibles ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que les intéressés, qui étaient socialement très intégrés à Madagascar, ne vivaient en France que depuis sept mois à la date des décisions attaquées ; que d'ailleurs, afin de se voir délivrer le visa touristique qui leur a permis d'entrer sur le territoire français, M. B...s'était engagé sur l'honneur à regagner son pays, accompagné de sa famille, à l'expiration de ce document ; que compte tenu de ces éléments, les décisions contestées n'ont pas porté au droit de M. et Mme B...au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que le préfet de la Drôme, n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , ni en tout état de cause, les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, texte qui au demeurant ne constituait pas le fondement des demandes des requérants ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que s'il est constant que le fils cadet des requérants souffre d'un handicap mental de nature à justifier un accompagnement au sein d'un institut médico-éducatif adapté, et que leurs autres enfants sont scolarisés en France depuis septembre 2013, ces éléments, à eux seuls, ne sauraient être regardés comme constituant des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à caractériser, au cas d'espèce, une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice, par le préfet de la Drôme, de son pouvoir gracieux de régularisation, rappelé par les dispositions précitées de l'article L. 313-14 ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

7. Considérant que les stipulations précitées ne sauraient impliquer, pour les enfants mineurs d'étrangers en situation irrégulière, un droit à bénéficier de l'environnement scolaire, ou psycho-éducatif existant en France, quand bien même serait-il plus performant que celui disponible dans leur pays ; qu'ainsi, dès lors que les requérants sont parfaitement en mesure de regagner celui-ci accompagnés de l'ensemble de leur famille, y compris leur enfant handicapé, les décisions attaquées n'ont pas porté d'atteinte à l'intérêt supérieur de ce dernier, et par suite pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que M. et Mme B...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, ils entraient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

9. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français étant étroitement liée, en vertu de la directive 2008/115, à la constatation du caractère irrégulier du séjour, le droit d'être entendu ne saurait être interprété en ce sens que, lorsque l'autorité administrative compétente envisage d'adopter dans le même temps une décision constatant un séjour irrégulier et une mesure d'éloignement, cette autorité devrait nécessairement entendre l'intéressé de manière à lui permettre de faire valoir son point de vue spécifiquement sur cette dernière décision, dès lors que celui-ci a eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue au sujet de l'irrégularité de son séjour et des motifs pouvant justifier que ladite autorité s'abstienne de prendre une décision de retour ;

10. Considérant que si M. et MmeB... font valoir qu'ils n'ont pas été informés par le préfet de ce qu'ils étaient susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et n'ont de ce fait pas été mis en mesure, en violation de son droit à être entendu, de présenter des observations préalablement à l'édiction de cette mesure, ils ont eu la possibilité de présenter leur point de vue sur les motifs pouvant justifier que le préfet ne prenne pas de mesure d'éloignement à leur encontre lors de leur demande de titre de séjour ; qu'au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils disposaient d'autres éléments pertinents tenant à leur situation personnelle susceptibles d'influer sur le sens de ces décisions, que ceux qu'ils avaient exposés au préfet dans leur courrier du 10 septembre 2013 sollicitant l'admission exceptionnelle au séjour ; que, dans ces conditions, M. et MmeB... ne sont pas fondés à soutenir qu'il ont été privés du droit d'être entendu qu'ils tiennent des dispositions du droit de l'Union européenne ;

11. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les décisions obligeant M. et MmeB... à quitter le territoire français n'ont pas été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; qu'elles ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et MmeB..., qui ne soulèvent aucun moyen à l'encontre des décisions fixant le pays de destination, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et MmeB... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à Mme E... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 janvier 2016.

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N° 14LY03493


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03493
Date de la décision : 05/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : LETELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-01-05;14ly03493 ?
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