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22/12/2015 | FRANCE | N°14LY02553

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 décembre 2015, 14LY02553


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2014 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a mis en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation d'un immeuble situé rue du rouissoir, commune des Martres d'Artière, dont il est propriétaire.

Par un jugement n° 1400420 du 3 juillet 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cou

r :

Par une requête enregistrée le 4 août 2014, présentée pour M. D...B..., domicilié...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2014 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a mis en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation d'un immeuble situé rue du rouissoir, commune des Martres d'Artière, dont il est propriétaire.

Par un jugement n° 1400420 du 3 juillet 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2014, présentée pour M. D...B..., domicilié..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1400420 du 3 juillet 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas démontré que l'auteur de l'acte avait compétence pour le signer, et il n'est nullement indiqué le nom et le prénom du préfet pour qui la délégation aurait été prise ;

- alors qu'il est de jurisprudence constante que la visite du logement qui fait l'objet de l'arrêté de mise en demeure doit être l'élément fondateur du rapport établi par l'ARS, il est impossible, en l'absence de production du compte-rendu de cette visite, de s'assurer de sa réalité, alors que la description qui est faite du logement ne correspond pas à celle faite dans l'état des lieux d'entrée ;

- c'est à tort que l'administration a considéré que le logement présentait un caractère impropre à l'habitation, alors qu'il est clairement démontré que les locataires ont détourné les lieux loués, le fait que ces derniers aient transformé les pièces du rez-de-chaussée en "chambres" ressort de leur seule responsabilité puisqu'ils en ont détourné l'usage, sans l'accord du propriétaire et il ne saurait être tenu pour responsable de ces transformations ; le motif tiré du caractère dangereux de l'installation électrique ne peut être retenu dès lors qu'il a acquis la maison en avril 2010 et que les diagnostics énergétiques étaient tout à fait conformes ; la seule circonstance que la hauteur sous plafonds du logement est d'environ 2,08 mètres ne saurait suffire à établir que ce logement est par nature impropre à l'habitation, au sens de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, alors qu'à la lecture de l'état des lieux, on peut constater que le logement est, pour l'essentiel, en bon état ou en état d'usage ;

- il s'est engagé à améliorer la ventilation dans le séjour-cuisine, soit en créant une ventilation basse, ce qui permettra la circulation d'air, soit en remplaçant la plaque de cuisson à gaz par une plaque électrique, au choix des locataires et, à faire réparer le chéneau de collecte et d'évacuation des eaux pluviales.

Par un mémoire, enregistré le 14 octobre 2014, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le secrétaire général de la préfecture du Puy-de-Dôme, qui a signé l'arrêté contesté du 27 janvier 2014, avait bien reçu délégation de signature du préfet du département par un arrêté n° 2014-5 du 9 janvier 2014, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 15 janvier 2014 ;

- aucune obligation n'est faite à l'administration de transmettre le rapport de visite en tant que tel et l'information de la personne faisant l'objet de la procédure est valablement faite par la transmission d'un courrier rappelant les éléments contextuels relevés lors de la visite des locaux ; il ne peut être déduit de l'absence de production de ce certificat que la visite du 22 novembre 2013 n'aurait pas eu lieu, cette visite étant par ailleurs établie, ainsi qu'en attestent les termes même du courrier du 16 décembre 2013, transmis le 18 décembre 2013, par lequel la DTARS a résumé les problèmes d'habitabilité concernant chacune des pièces du logement mis en évidence lors de la visite et informé M. B... de ce qu'un arrêté serait pris sur le fondement de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique ;

- l'arrêté en litige a été pris sur d'autres fondements que la répartition et le nombre de chambres au sein du logement, et notamment sur une hauteur insuffisante au plafond, un éclairement insuffisant et une installation électrique dangereuse, et la circonstance, à la supposer fondée, que la description du logement présentée par la DTARS mentionnerait un nombre de chambres erroné, est donc sans incidence ;

- alors même que l'examen des photos annexées au rapport de visite de la DTARS, qui montre que les deux pièces du rez-de-chaussée étaient utilisées comme débarras, contredit la mention du descriptif selon laquelle elles seraient utilisées comme des chambres, alors qu'elles ne comportent pas de chauffage et sont dans un état d'aménagement rudimentaire, le préfet n'a commis, au regard des nombreuses insuffisances constatées sur l'ensemble du logement, aucune erreur manifeste d'appréciation en l'estimant impropre par nature à l'habitation, eu égard à l'installation électrique défectueuse et qui présente un danger, et alors que la totalité des chambres mentionnées à l'état des lieux présente un caractère impropre à l'habitation, tant en raison de leur hauteur sous plafond que de leur configuration ; la chambre en aplomb du garage n'est pas reliée au reste du logement dont elle est séparée par un escalier, son accès se fait en traversant une terrasse non couverte et sa superficie est de 6,90 m².

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 décembre 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Pouderoux, avocat de M.B....

1. Considérant qu'il est constant que M. B... est propriétaire d'un immeuble situé rue du rouissoir aux Martres d'Artière (63430), qu'il a donné à bail à usage d'habitation à M. A... et MmeC..., le 8 octobre 2012 ; qu'il a été informé, par une lettre du 18 décembre 2013, de ce qu'à la suite d'une visite des lieux, effectuée le 22 novembre 2013 par un technicien sanitaire et de sécurité sanitaire de la délégation territoriale du Puy-de-Dôme de l'agence régionale de santé (DT ARS) d'Auvergne, il allait être proposé au préfet du Puy-de-Dôme de prendre un arrêté le mettant en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux, de ce logement, considéré comme un immeuble impropre par nature à l'habitation, et ce sur le fondement des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique ; que par un arrêté du 27 janvier 2014, le préfet du Puy-de-Dôme l'a mis en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation de cet immeuble ; que M. B... fait appel du jugement du 3 juillet 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. Il peut prescrire, le cas échéant, toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès ou l'usage des locaux aux fins d'habitation, au fur et à mesure de leur évacuation. (...) Ces mesures peuvent faire l'objet d'une exécution d'office. " ; que le recours en annulation contre une telle mise en demeure du préfet relève du contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient par suite au juge saisi d'un tel recours de se prononcer sur le caractère impropre à l'habitation des locaux en cause en tenant compte de la situation existant à la date à laquelle il statue ;

3. Considérant que pour estimer que l'immeuble loué par M. B... présentait un caractère par nature impropre à l'habitation, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé sur les constatations opérées par le technicien de la DT ARS d'Auvergne, mentionnées dans le rapport de visite de cet immeuble du 18 décembre 2013, relevant la présence de pièces principales d'une hauteur sous plafond inférieure à celle, minimale, de 2,20 m fixée par le règlement sanitaire départemental, ne possédant pas un éclairement naturel suffisant et ne communicant pas directement avec les autres pièces habitables du logement, la présence d'une fenêtre et d'un escalier non efficacement protégés contre les risques de chute, de pièces dépourvues de moyens de chauffage et aux finitions sommaires, l'existence d'une ventilation insuffisante induisant notamment un risque d'intoxication oxycarbonée dans la cuisine, d'une installation électrique localement dangereuse, ainsi que la présence d'ouvrages de collecte et d'évacuation d'eaux pluviales défectueux ;

4. Considérant, en premier lieu, que, comme le reconnaît en appel le ministre en défense, la mention, figurant dans le descriptif de la DT ARS, selon laquelle deux pièces du rez-de-chaussée seraient utilisées comme des chambres, alors qu'elles ne comportent pas de chauffage et sont dans un état d'aménagement rudimentaire, est contredite par l'examen des photographies annexées au rapport de visite, qui montre que ces deux pièces sont utilisées comme débarras ; que, dès lors, le préfet du Puy-de-Dôme ne pouvait, sans entacher sa décision d'erreur quant à la matérialité des faits, prendre en considération les caractéristiques, en ce qui concerne leur hauteur, l'absence de communication directe avec les autres pièces et de moyen de chauffage, de ces pièces regardées à tort comme des chambres ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'un local ne peut être qualifié d'impropre par nature à l'habitation au sens de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, au seul motif de la méconnaissance de la règle de hauteur minimale de la pièce principale prescrite par le règlement sanitaire départemental ; qu'en l'espèce, outre les deux pièces susmentionnées du rez-de-chaussée, qualifiées à tort de chambre par l'administration, seule la hauteur sous plafond, d'environ 2,08 m, de l'une des chambres situées au deuxième étage de l'immeuble est inférieure à la hauteur minimale prescrite par ledit règlement ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'une ouverture sur l'extérieur, au sens des dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique doit donner sur l'air libre et permettre une aération et un éclairement suffisants pour prévenir toute atteinte à la santé des occupants ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que l'éclairement de la chambre située au deuxième étage de l'immeuble appartenant à M. B..., qualifiée par le technicien de la DT ARS de " très faible ", serait insuffisant ; qu'il n'en résulte pas davantage que cette pièce, dont il est d'ailleurs relevé qu'elle comporte une fenêtre non protégée contre les risques de défenestration, ne serait pas pourvue d'une ouverture à l'air libre sur l'extérieur ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le local objet de l'arrêté litigieux ne peut être qualifié, en application des dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, d'impropre par nature à l'habitation, en dépit de la circonstance qu'il résulte également de l'instruction que certains éléments du logement sont de nature à créer un danger pour ses occupants, à raison d'une installation électrique comportant des câbles mal fixés et des connexions non protégées, d'un escalier mal protégé contre les risques de chute et d'une cuisine ne possédant qu'une ventilation haute en dépit de la présence d'une plaque de cuisson à gaz engendrant un risque d'intoxication ; qu'il appartenait au préfet, s'il s'y croyait fondé, de faire usage des pouvoirs qui lui sont confiés par le code de la santé publique en matière de locaux présentant un danger pour la santé ou la sécurité de leurs occupants, afin d'enjoindre au propriétaire ou à l'usager de ces locaux et installations de rendre leur utilisation conforme aux prescriptions qu'il lui était loisible d'édicter ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2014 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a mis en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation de l'immeuble dont il est propriétaire aux Martres d'Artière ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par M. B... ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400420 du 3 juillet 2014 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé, ensemble l'arrêté du 27 janvier 2014 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a mis M. B... en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation d'un immeuble situé rue du rouissoir aux Martres d'Artière.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2015.

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N° 14LY02553


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02553
Date de la décision : 22/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38-01-05 Logement. Règles de construction, de sécurité et de salubrité des immeubles.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP MARTIN -LAISNE, DETHOOR-MARTIN, SOULIER, PORTAL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-22;14ly02553 ?
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