La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2015 | FRANCE | N°14LY03783

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 15 décembre 2015, 14LY03783


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C..., M. G... F..., M. A... F... et Mme B... E...ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler l'arrêté en date du 17 février 2012 par lequel le maire de Veauchette a opposé un sursis à statuer pour une durée de deux ans à la demande de permis d'aménager un lotissement de 19 lots sur un terrain situé chemin des Vernes déposée le 17 novembre 2011 par la société Chazelle Construction ;

- d'enjoindre au maire de Veauchette d'instruire à nouveau la demande de permis

d'aménager de la société Chazelle Construction en faisant application des dispositions d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C..., M. G... F..., M. A... F... et Mme B... E...ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler l'arrêté en date du 17 février 2012 par lequel le maire de Veauchette a opposé un sursis à statuer pour une durée de deux ans à la demande de permis d'aménager un lotissement de 19 lots sur un terrain situé chemin des Vernes déposée le 17 novembre 2011 par la société Chazelle Construction ;

- d'enjoindre au maire de Veauchette d'instruire à nouveau la demande de permis d'aménager de la société Chazelle Construction en faisant application des dispositions d'urbanisme en vigueur à la date du 17 février 2012, en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme.

Par un jugement n° 1202477 du 7 octobre 2014, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision contestée, mis à la charge de la commune de Veauchette le paiement aux demandeurs d'une somme globale de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de leurs conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 décembre 2014 et le 27 mars 2015, la commune de Veauchette demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 octobre 2014, en ce qu'il a annulé l'arrêté du 17 février 2012 et mis à sa charge une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les conclusions analysées ci-dessus de la demande des intimés devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge des intimés, solidairement, une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable, ses auteurs étant dépourvus d'intérêt pour agir, dès lors que ne leur était plus opposable la condition suspensive dont était assorti le compromis de vente des parcelles litigieuses, contracté avec la société Chazelle Construction, laquelle était autorisée par cet acte à déposer une demande de permis d'aménager lesdits terrains ;

- l'état d'avancement du plan local d'urbanisme était suffisant pour justifier qu'il soit décidé de sursoir à statuer sur cette demande d'autorisation, dès lors que le projet d'aménagement et de développement durables entendait fixer, entre autres objectifs généraux, celui d'une meilleure intégration du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) du fleuve Loire, tel qu'il devait être appliqué au futur plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ; quand bien même le projet d'aménagement et de développement durables ne comportait pas de plan de zonage, le périmètre de non-constructibilité, envisagé à ce titre par la commune, était dès ce stade suffisamment précisé, dès lors notamment qu'avait été débattu lors d'une réunion du 31 janvier 2012 le classement des parcelles à inclure en zone inconstructible ; contrairement à ce qu'a considéré le jugement attaqué, la décision de sursis à statuer contestée n'opposait pas le caractère inconstructible des parcelles litigieuses, mais se fondait, légalement, sur la possibilité de l'inclusion future de celles-ci dans le périmètre du plan de prévention et donc de leur classement, possible, en zone non constructible, dans le futur PLU ;

- les premiers juges ne pouvaient légalement fonder leur décision, comme ils l'ont fait, sur l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme, dont les prévisions sont étrangères au présent litige.

Par un mémoire enregistré le 10 février 2015, et un mémoire du 18 septembre 2015 qui n'a pas été communiqué, Mme C..., M. G... F..., M. A... F...et Mme E... concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune requérante une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande était, encore à la date à laquelle elle a été introduite, recevable, dès lors qu'ils avaient intérêt pour agir en annulation du sursis à statuer sur la demande d'autorisation d'aménagement de leur cocontractant, alors même que le délai de la condition suspensive stipulé par le compromis de vente avec la société Chazelle Construction, tenant à l'expiration de ce cette autorisation, était dès cette époque expiré ; en l'espèce, la circonstance que la société Chazelle Construction avait déposé sa demande d'aménager un lotissement après le délai prévu dans le compromis de vente autorisait le vendeur à reprendre sa pleine et entière liberté, et à demander l'application de la clause pénale prévue au contrat, mais non à parfaire la vente ;

- à la date de la décision contestée, la parcelle en litige était située en zone d'urbanisation future (NAa) du plan d'occupation des sols (POS) approuvé en 1975, et en zone bleue claire du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) approuvé en 1998, alors en vigueur ; le projet d'aménagement et de développement durables de la commune ne contenait aucune précision quant aux périmètres à exclure de l'urbanisation, en raison, notamment, de risques d'inondation ;

- la décision contestée, portant sursis à statuer, ne se fonde à aucun moment sur le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), mais exclusivement sur la nécessité de ne pas conforter l'urbanisation dans le secteur considéré au vu du schéma de cohérence territoriale (SCOT) " Sud Loire ", dont la délibération d'approbation, en date du 3 février 2010, a depuis lors été définitivement annulée par le juge de l'excès de pouvoir ; que la décision contestée n'est fondée que sur ce motif unique, tiré d'une norme qui a rétroactivement disparu ;

- au demeurant, cette décision n'aurait pu être fondée sur les prévisions du PPRI, dès lors que, précisément, ce document n'identifiait sur le secteur considéré, classé en zone bleue claire et régi par les articles BU 1-3 et BU2, qu'un aléa faible d'inondation, ne faisant ainsi pas obstacle à l'édification de nouvelles constructions, sous réserve de certaines prescriptions techniques ; d'ailleurs, si tel avait été le cas, le maire aurait été tenu de refuser l'autorisation sollicitée, et n'aurait pu légalement se borner à sursoir à statuer ;

- enfin, la question du zonage du futur PLU n'avait, à ce stade de son élaboration, été qu'évoquée, la délibération du 31 janvier 2012, dont elle se prévaut, ne faisant état que de considérations très générales, hors de toute détermination précise de zonage et de règlement applicables.

Par une ordonnance du 28 août 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lévy Ben Cheton,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant le cabinet Philippe Petit et associés, avocat de la commune de Veauchette.

1. Considérant que la commune de Veauchette relève appel du jugement du 7 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 17 février 2012 par lequel son maire a opposé un sursis à statuer pour une durée de deux ans à la demande de permis d'aménager un lotissement de 19 lots sur un terrain situé chemin des Vernes, déposée le 17 novembre 2011 par la société Chazelle Construction ;

Sur la fin de non recevoir opposée à la demande devant le tribunal administratif :

2. Considérant que la commune requérante soutient que les intimés, Mme C..., M. G... F..., M. A... F...et Mme E..., étaient dépourvus d'intérêt pour agir contre la décision contestée, à la date à laquelle a été enregistrée leur demande devant le tribunal administratif de Lyon ; que ces derniers, propriétaires en indivision du terrain d'assiette du projet litigieux et liés à la société Chazelle Construction, pétitionnaire, par un compromis de vente autorisant cette dernière à déposer une demande de permis d'aménager un lotissement, justifient, en cette qualité, d'un intérêt suffisant pour agir à l'encontre de la décision de sursis à statuer opposée par le maire de Veauchette à ladite société, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, à la supposer même établie, que la condition suspensive prévue par ce compromis ne leur était plus opposable à la date de leur demande devant le tribunal ;

Sur la légalité de la décision en litige :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. " ;

4. Considérant que, dans sa version alors en vigueur, l'article L. 123-1 du même code disposait que : " Les plans locaux d'urbanisme exposent le diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et précisent les besoins répertoriés en matière de développement économique, d'agriculture, d'aménagement de l'espace, d'environnement, d'équilibre social de l'habitat, de commerce, de transports, d'équipements et de services./ Ils comportent un projet d'aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune " ;

5. Considérant que si le projet d'aménagement et de développement durables n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation de construire, il appartient à l'autorité compétente de prendre en compte les orientations d'un tel projet, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si une construction serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan et, dans l'affirmative, opposer à la demande de permis de construire dont elle est saisie le sursis à statuer prévu par l'article L. 123-6 ;

6. Considérant que l'arrêté du 17 février 2012 par lequel le maire de Veauchette a opposé un sursis à statuer pour une durée de deux ans à la demande de permis d'aménager déposée le 17 novembre 2011 par la société Chazelle Construction, se fonde sur le motif tiré de ce que " le projet de lotissement est situé dans un secteur qui ne doit pas être conforté par de nouvelles constructions qui pourraient remettre en cause sa future affectation au plan local d'urbanisme ", dès lors que " le plan d'occupation des sols a été mis en révision en vue de le mettre en compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Sud Loire, approuvé le 3 février 2010 ", et qu'un " diagnostic de compatibilité du plan d'occupation des sols avec le SCOT a été réalisé et présenté au conseil municipal en date du 8 décembre 2010 " ;

7. Considérant, en premier lieu, que, par jugement n° 1002556 du 24 avril 2012, confirmé par l'arrêt de la cour n°s 12LY01640-12LY01670-12LY01671-12LY01672-12LY01701 du 6 mai 2013, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du 3 février 2010 par laquelle le syndicat mixte du SCOT Sud Loire a approuvé ledit schéma ; que, compte tenu de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à ces annulations, ayant eu pour effet de faire disparaître rétroactivement ce document de l'ordonnancement juridique, la décision contestée ne pouvait pas, légalement, se fonder sur la nécessité de mise en compatibilité du futur plan local d'urbanisme avec ce document ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la commune requérante fait valoir que l'élaboration du plan local d'urbanisme communal, décidée par une délibération du conseil municipal du 7 octobre 2010, visait notamment à intégrer dans ce futur document les risques prévisibles d'inondations du fleuve Loire, pour les périmètres identifiés dans le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), et qui selon elle sont " particulièrement de nature à justifier la décision de sursis à statuer " en litige dans la présente affaire ; qu'il ressort des pièces du dossier que le PPRI alors en vigueur, approuvé en 1998, et qui n'est au demeurant nullement visé dans l'arrêté contesté, n'avait identifié, pour la parcelle dont s'agit, qu'un aléa faible d'inondation, justifiant son classement en zone bleue claire, pour laquelle le règlement de ce document ne subordonne l'édification de constructions nouvelles qu'au respect de spécifications spéciales ; qu'ainsi, ce motif qui, s'il était établi serait, au demeurant, de nature à justifier un refus d'autorisation d'aménager, et non un sursis à statuer, ne saurait, dès lors, être substitué au motif de la décision en litige ;

9. Considérant, en troisième et dernier lieu, que la commune de Veauchette, afin de justifier d'un avancement suffisant du projet de plan local d'urbanisme, de nature à fonder, à la date à laquelle elle a été prise, la décision contestée, fait valoir que son conseil municipal avait débattu, lors de sa séance du 1er septembre 2011, des orientations générales de son projet d'aménagement et de développement durables prévu à l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, à la lumière d'un document de travail de 24 pages réalisé par une agence d'urbanisme ; que toutefois ce projet, qui assignait notamment pour objectif général une meilleure intégration du PPRI dans le futur plan local d'urbanisme, ne comportait, parmi ses éléments graphiques, aucun projet de zonage autre que ceux, susévoqués, du PPRI, et, d'une façon plus générale, n'indiquait pas les périmètres destinés à être rendus inconstructibles compte tenu du risque d'inondation ; que si la commune fait état, à cet égard, de la tenue d'une réunion le 31 janvier 2012 aux fins de débattre d'un tel classement, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que ces travaux préparatoires au projet d'aménagement et de développement durables aient abouti, à cette époque, à l'adoption d'orientations assez précises pour justifier d'un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme de la commune de Veauchette, de nature à permettre au maire d'apprécier, à ce stade, si l'implantation d'un lotissement chemin des Vernes était de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution dudit plan ; que dans ces conditions, le sursis à statuer opposé à la société Chazelle Construction l'a été en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Veauchette n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté contesté du 17 février 2012 ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Veauchette le paiement aux intimés d'une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions de la commune, partie perdante dans la présente instance, tendant à l'application de ces dispositions, ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Veauchette est rejetée.

Article 2 : La commune de Veauchette versera à Mme C..., M. G... F..., M. A... F...et Mme E... la somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Veauchette, à Mme H... C..., M. G... F..., M. A... F... et Mme B...E....

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 décembre 2015.

''

''

''

''

2

N° 14LY03783

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03783
Date de la décision : 15/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Laurent LEVY BEN CHETON
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP BLT DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-15;14ly03783 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award