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10/12/2015 | FRANCE | N°15LY01437

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2015, 15LY01437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...épouse E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 13 juin 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination, et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an, portant la mention " vie privée et familiale ". >
Par un jugement n° 1406644 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...épouse E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 13 juin 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination, et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an, portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1406644 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2015, présentée pour Mme E..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an, portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- concernant le refus de titre de séjour :

* le préfet a commis une erreur de droit en se prononçant sur l'existence d'un traitement médical approprié pour sa fille alors qu'il lui appartenait d'apprécier si son enfant pouvait avoir effectivement accès à un traitement approprié dans son pays en se référant aux critères prévus au 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

* le préfet a méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'état de santé de sa fille et de ce qu'elle est séparée de son époux et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- concernant les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant un délai de départ volontaire de trente jours, ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité dont est entachée le refus de titre, méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en se rapportant à ses écritures de première instance.

Les parties ont été informées, le 4 novembre 2015, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire, fixant un délai de départ volontaire de trente jours et désignant un pays de destination.

Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2015, Mme B...épouse E...conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens.

Mme B...épouse E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique, et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller,

- et les observations de MeD..., représentant Mme B...épouseE....

1. Considérant que Mme B...épouseE..., ressortissante algérienne née le 4 juillet 1983, est entrée régulièrement en France le 25 mai 2013 sous couvert d'un visa de court séjour avec sa filleC..., née le 25 juin 2010, souffrant d'une cardiopathie congénitale complexe ; qu'elle a sollicitée le 23 octobre 2013 la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien au motif de l'état de santé de sa fille ; que, par un arrêté en date du 13 juin 2014, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination ; que, Mme E...relève appel du jugement du 18 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire, fixant un délai de départ volontaire de trente jours et désignant un pays de destination :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'enregistrement de la requête, le préfet du Rhône a délivré à Mme E...un récépissé de demande de carte de séjour valant autorisation provisoire de séjour ; qu'il doit être ainsi regardé comme ayant implicitement mais nécessairement abrogé ses décisions du 13 juin 2014 par lesquelles il avait fait obligation à Mme E...de quitter le territoire français, fixé un délai de départ volontaire de trente jours et désigné le pays de destination ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de ces décisions sont devenues sans objet ; qu'il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer ;

Sur la légalité de la décision de refus de certificat de résidence :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5°. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux établis par le professeur Di Philippo, professeur à l'unité médico-chirurgicale des cardiopathies congénitales adultes et enfants à l'hôpital Louis Pradel de Bron (Rhône) qui a pris en charge la jeune C...après une première intervention réalisée à l'hôpital Necker en juin 2013 en urgence compte tenu de l'état clinique cette enfant de qui était en danger à court terme, que cette dernière, née le 25 juin 2010, est porteuse d'une cardiopathie congénitale complexe cyanogène qui a ainsi nécessité une intervention chirurgicale après son arrivée en France ayant entraîné des complications postopératoires ; que le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes, saisi par le préfet au sujet l'état de l'enfant, a estimé, dans son avis du 17 mai 2014, que l'état de C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'elle ne peut avoir accès, dans son pays d'origine, à un traitement approprié et que les soins nécessités par son état de santé doivent, en l'état actuel, être poursuivis pendant 12 mois ; qu'il a été aussi relevé par le professeur Di Philippo que si l'état cardiaque de cette enfant était désormais stable, cette cardiopathie appartient toutefois au groupe à haut risque d'endocardite infectieuse et cet état cardiaque nécessite un suivi médical régulier par des cardiologues spécialisés dans ces pathologies, trois à six fois par an, ce suivi devant être assuré par un centre médico-chirurgical compétent en cardiologie pédiatrique et congénitale, une ou plusieurs opérations chirurgicales qualifiées de majeures étant probablement indiquées chez la jeune C...dans l'avenir à des dates ne pouvant être déterminées ; que le certificat médical établi par le docteur David le 12 septembre 2014, praticien hospitalier et médecin agréé, précise également que compte tenu notamment des comptes rendus de consultation établis par le professeur Di Philippo, que la cardiopathie congénitale dont souffre cette enfant figure " parmi les plus complexes ", que cette pathologie exige " un suivi très régulier et attentif par des cardiologues hautement spécialisés susceptibles de réaliser dans un délai très court d'autres interventions dont les dates ne peuvent être fixées aujourd'hui ", et estime que " la prise en charge de C...ne saurait être adéquate en Algérie où le diagnostic de la cardiopathie n'a jamais été fait état et où aucune intervention n'a été proposée, cette situation conduisant à la constatation, à l'arrivée en France, d'une situation d'urgence vitale " ; que le docteur Besse, pédiatre, relève que ce suivi médical n'est pas compatible avec des séjours en Algérie ;

5. Considérant que ni les documents généraux produits en première instance par le préfet, ni les éléments transmis par les services consulaires français à Alger ne permettent de constater que la prise en charge de la pathologie complexe dont souffre l'enfant Lydia pourrait être effectivement assurée en Algérie à la date de la décision litigieuse et ne suffisent pas à remettre en cause les éléments ainsi produits par la requérante ; qu'en outre, si Mme E... a vécu en Algérie avant son arrivée récente en France et si elle y conserve des attaches familiales, il ressort des pièces du dossier et notamment des pièces médicales produites par la requérante qu'elle est fondée à prétendre à demeurer en France à côté de sa fille malade ;

6. Considérant que, compte tenu de ces éléments, en refusant de délivrer un certificat de résidence à MmeE..., le préfet du Rhône a porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée de mener une vie privée et familiale normale au regard des buts poursuivis ; que cette décision de refus de titre du 13 juin 2014 a ainsi méconnu les stipulations du 5. de l'article 6 de l'accord franco algérien sus-cité et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus de certificat de résidence ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision du préfet du Rhône du 13 juin 2014 refusant la délivrance d'un titre de séjour implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre à Mme E...le titre sollicité ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que Mme E...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, à ce titre, à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de Me Robin, avocat de la requérante, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à Mme E...;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme E...dirigées contre les décisions du 13 juin 2014 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination.

Article 2 : La décision en date du 13 juin 2014 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer à Mme B...épouse E...un certificat de résidence est annulée.

Article 3 : Le jugement n° 1406644 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme B...épouse E...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera, au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 euros à Me Robin, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à Mme B...épouseE....

Article 6 : Le surplus des conclusions de Mme B...épouse E...est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouseE..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2015.

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N° 15LY01437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01437
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-10;15ly01437 ?
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