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10/12/2015 | FRANCE | N°15LY01381

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2015, 15LY01381


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 22 octobre 2014, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Mme A...D..., épouse C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 22 octobre 2014, lui refusant

la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 22 octobre 2014, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Mme A...D..., épouse C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 22 octobre 2014, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1406489-1406490 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2015, M. B... C...et Mme A...D..., épouseC..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 janvier 2015 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail et de réexaminer leur situation, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Ils soutiennent que :

S'agissant des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour :

- titulaires d'un titre de séjour italien " résident de longue durée-UE ", ils entrent dans le champ d'application de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'ils n'auraient pas présenté leur demande dans les trois mois de leur entrée sur le territoire français, dès lors que le préfet n'était pas tenu de leur refuser un titre de séjour pour ce motif et, qu'en tout état de cause, ils avaient engagé des démarches en temps utile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

- titulaires d'un titre de séjour italien " résident de longue durée-UE ", ils n'entraient pas dans le champ d'application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais dans celui des articles L. 531-1 et L. 531-2 du même code et auraient dû faire l'objet d'une procédure de remise aux autorités italiennes ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

L'affaire a été dispensée d'instruction.

M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

M. et Mme C...ont été régulièrement avertis du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Faessel, président.

1. Considérant que M. C... né le 6 janvier 1967 et Mme C... née le 4 mars 1986, tous deux de nationalité algérienne, sont arrivés en France au cours du mois de juillet 2011, sous couvert d'un titre de séjour italien portant la mention " résident de longue durée - CE " ; qu'en 2014, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 5° de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêtés du 22 octobre 2014, le préfet de la Drôme leur a opposé un refus, qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que M. et Mme C... font appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur les décisions portant refus de délivrance de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-CE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée : (...) 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. / Pour l'application du présent article, sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. (...) " ;

3. Considérant que si M. et Mme C... soutiennent avoir engagé des démarches auprès de la préfecture dans les trois mois de leur arrivée en France en vue d'obtenir un titre de séjour sur le fondement du 5° de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils n'apportent toutefois aucun justificatif à l'appui de leurs allégations et ne contestent donc pas utilement n'avoir présenté de demande qu'en 2014, soit plus de trois mois après leur entrée sur le territoire français au mois de juillet 2011; qu'en outre, ils ne contestent pas n'avoir jamais disposé d'une autorisation de travail ni de ressources stables au moins égales au salaire minimum de croissance ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils remplissaient les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 5° de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par ailleurs, si les requérant font état d'une erreur de droit commise par l'administration en ce que la seule présentation tardive de leur demande de titre de séjour ne justifiait pas le rejet de leur dossier, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était borné à constater qu'ils ne disposaient pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir à leurs besoins ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

5. Considérant que M. et Mme C... font valoir qu'ils résident sur le territoire français depuis plus de quatre ans avec leurs trois enfants mineurs, dont deux sont nés en France, où les aînés sont scolarisés, et que M. C...possède de bonnes capacités d'intégration professionnelle ; que, toutefois, à la date des décisions contestées, M. et Mme C... ne résidaient sur le territoire français que depuis trois ans et quatre mois ; que M. C..., qui n'a travaillé en France que durant de courtes périodes au cours des mois de janvier 2013 et de janvier, juin et août 2014, ne justifie pas d'une véritable insertion socioprofessionnelle ; que rien ne fait obstacle à ce que M. et MmeC..., qui font tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement, reconstituent leur cellule familiale en Algérie, leur pays de nationalité où ils conservent des attaches familiales, ou en Italie, pays où ils disposent d'un titre de séjour, en compagnie de leurs trois enfants mineurs qui pourront y poursuivre leur scolarité ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de séjour de M. et Mme C... en France, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elles n'ont, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elles ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 531-1 du même code : " Par dérogation aux articles (...) L. 511-1 à L. 511-3 (...), l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...) " et qu'aux termes de l'article L. 531-2 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, (...) [à] l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité accordé par un autre Etat membre qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 ; que ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre ; que, dès lors, la circonstance non contestée que les époux C...étaient titulaires d'un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité, délivré par les autorités italiennes, n'obligeait pas le préfet de la Drôme à mettre en oeuvre la procédure de remise prévue aux articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne faisait pas obstacle à l'édiction à leur encontre d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en conséquence, le préfet de la Drôme a pu légalement les obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, en second lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 ci-avant, en faisant obligation aux époux C...de quitter le territoire français, le préfet de la Drôme n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par eux et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme A...D..., épouse C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2015.

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N° 15LY01381


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01381
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Xavier FAESSEL
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-10;15ly01381 ?
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