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08/12/2015 | FRANCE | N°14LY02067

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 08 décembre 2015, 14LY02067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 7 octobre 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné le pays de destination en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1400048 du 2 avril 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Pro

cédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2014, M. A...C..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 7 octobre 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné le pays de destination en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1400048 du 2 avril 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2014, M. A...C..., représenté par la SCP Robin-B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 mars 2014 ;

2°) d'annuler les décisions préfectorales susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'un an renouvelable portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son avocat, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans le délai légal.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour a été pris au terme d'une procédure irrégulière, l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'ayant pas été sollicité ; il n'a pas entendu se désister de sa demande de titre de séjour pour motif médical, les services de la préfecture lui ayant fait signer une déclaration sur l'honneur en ce sens rédigée en français, langue qu'il ne comprend pas ; l'autorité administrative a également entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une irrégularité en ne procédant pas à la consultation du directeur général de l'agence régionale de santé, alors qu'il fait valoir une circonstance humanitaire exceptionnelle ;

- son état de santé justifiait que lui soit délivré un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que ses parents et sa fratrie résident en France, qu'il n'a plus d'attache en Tunisie, qu'il est intégré socialement et justifie de sa volonté d'insertion professionnelle ; pour les mêmes motifs, ce refus procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il justifie de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels, au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 mai 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;

- et les observations de MeB..., pour M. C....

1. Considérant que M.C..., ressortissant tunisien né le 8 septembre 1981, est entré irrégulièrement en France le 4 décembre 2009 ; qu'il a sollicité, le 5 novembre 2012, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 de ce code et a invoqué l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par décisions du 7 octobre 2013, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, a assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné comme pays de renvoi celui dont l'intéressé a la nationalité ou tout autre pays où il serait légalement admissible ; que M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 avril 2014 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Rhône du 7 octobre 2013 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., aîné d'une fratrie de six enfants, a vécu en France avec ses parents entre l'âge de trois ans et l'âge de six ans ; que son père, resté en France alors que les membres de sa famille avaient rejoint la Tunisie, a engagé une procédure de regroupement familial ; que les cinq frères et soeurs du requérant sont entrés en France dans ce cadre en 2002, alors qu'il avait atteint sa majorité ; qu'il a quitté la Tunisie peu après le décès de sa grand-mère paternelle, survenu le 5 septembre 2009, ses autres grands-parents étant décédés entre 1985 et 2002 ; que ses parents et quatre de ses frères et soeurs ont obtenu la nationalité française, le cinquième bénéficiant d'une carte de résident de dix ans ; que M. C...a, ainsi, toutes ses attaches familiales en France et serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine, où il ne dispose plus d'aucun lien familial ; que, par ailleurs, il démontre sa volonté d'insertion, en ayant suivi des cours de français et exercé de nombreux emplois à titre intérimaire entre mars 2011 et mars 2012, période pendant laquelle il a été titulaire d'une carte de séjour temporaire d'un an ; qu'enfin, il ressort des certificats médicaux versés aux débats, établis en septembre 2012 et janvier 2014 par des médecins psychiatres, qu'il présente un état anxio-dépressif dont les médecins indiquent qu'il est lié à la perspective d'être séparé de sa famille, l'ayant conduit à réaliser deux tentatives de suicide et nécessitant, outre une prise en charge médicamenteuse et psychologique, assurée par le centre médico-psychologique de Saint-Priest, la présence de sa famille ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, en refusant de délivrer à M. C...un titre de séjour, le préfet du Rhône a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le requérant est dès lors fondé à soutenir que cette décision est illégale, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'eu égard au motif pour lequel le présent arrêt prononcé l'annulation de l'arrêté préfectoral du 7 octobre 2013 et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de droit ou de fait du requérant pourrait y faire obstacle, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" à M. C...dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, sous réserve que Me Robin, avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Robin d'une somme de 1 000 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 avril 2014 est annulé.

Article 2 : Les décisions en date du 7 octobre 2013 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A...C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné un pays de destination sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" à M.C..., dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me D...Robin, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre ;

Mme Dèche, premier conseiller ;

Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 décembre 2015

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N° 14LY02067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02067
Date de la décision : 08/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-08;14ly02067 ?
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