La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2015 | FRANCE | N°14LY01117

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 03 décembre 2015, 14LY01117


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 39 337,20 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'illégalité de la décision en date du 27 août 2009 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter une licence de débit de boissons de 4ème catégorie, au titre du remboursement du coût de la formation nécessaire à l'exploitation d'une licence de quatrième catégorie, des frais d'acquisition du fonds de c

ommerce et des travaux de rénovation ainsi qu'au titre du préjudice moral qui a é...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 39 337,20 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'illégalité de la décision en date du 27 août 2009 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter une licence de débit de boissons de 4ème catégorie, au titre du remboursement du coût de la formation nécessaire à l'exploitation d'une licence de quatrième catégorie, des frais d'acquisition du fonds de commerce et des travaux de rénovation ainsi qu'au titre du préjudice moral qui a été le sien.

Par un jugement n° 1202341 du 4 février 2014, le tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser à M. A...une indemnité de 1 000 euros au titre du préjudice moral et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2014, et un mémoire complémentaire enregistré le 17 août 2015, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler partiellement le jugement n° 1202341 du 4 février 2014 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 39 337,20 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- c'est à tort que le tribunal ne lui a alloué qu'une somme de 1 000 euros en réparation du dommage qui a résulté pour lui du rejet par le préfet de la Côte-d'Or de sa demande d'autorisation d'exploiter une licence de débit de boissons de 4ème catégorie ;

- la responsabilité de l'Etat étant engagée du fait de la décision illégale du 27 aout 2009, celui-ci doit être condamné à lui rembourser les frais de formation liés à l'acquisition de la licence de 4ème catégorie, les frais liés à l'acquisition du fonds de commerce et aux travaux de rénovation de son établissement de restauration, ainsi que son entier préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2014, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Dijon.

Le préfet fait valoir que la formation suivie par le requérant a été réglée par une personne morale au nom commercial de "Le Ryad", qu'aucune pièce ne permet d'établir que le requérant a lui-même engagé les frais de formation nécessaires à l'exploitation d'une licence de 4ème catégorie et qu'il ne dispose en conséquence d'aucun droit à l'indemnisation de ces frais ; qu'il n'y a pas de lien entre les frais engagés pour acheter son restaurant en avril 2008 et le refus de transfert de licence opposé le 27 août 2009 ; que son restaurant, étant déjà en difficulté lorsqu'il a acheté la licence de 4ème catégorie, aucun lien de cause à effet ne peut être établi entre la décision querellée et la nécessité qui a été la sienne de procéder à la vente du fonds de commerce ; que le requérant n'établit pas que le refus d'autorisation lui a fait perdre une chance de conserver son établissement.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1000219 du 1er juin 2011.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de M.A....

1. Considérant que M. C...A..., propriétaire d'une licence " restaurant ", était le gérant d'un établissement de restauration à l'enseigne " Le Ryad ", à Talant ; qu'il a fait, début 2009, l'acquisition d'une licence de 4ème catégorie en vue de pouvoir vendre dans son établissement des boissons à consommer sur place, y compris des 4ème et 5ème groupes ; qu'il a demandé au préfet de la Côte-d'Or une autorisation de transfert de licence qui lui a été refusée par une décision du 27 août 2009 ; que le tribunal administratif de Dijon, par un jugement du 1er juin 2011, a annulé ce refus, ensemble le rejet tacite de son recours gracieux ; que

M. A...a alors adressé au préfet de la Côte-d'Or, par lettre du 20 juin 2012, une réclamation préalable tendant à l'indemnisation de son préjudice ; qu'un rejet tacite a été opposé à cette demande ; que M. A...a demandé au tribunal la réparation du préjudice qu'il a estimé avoir subi du fait de ce refus illégal et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 39 337,20 euros ; que le tribunal administratif de Dijon, par un jugement du 4 février 2014, a condamné l'Etat à verser au requérant une indemnité d'un montant de mille euros au titre de la réparation de son préjudice moral et a rejeté le surplus de ses conclusions ; que M. A...fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande indemnitaire ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Considérant qu'en principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité ;

3. Considérant que, par son jugement du 1er juin 2011 devenu définitif, le tribunal administratif de Dijon a annulé comme étant entachée d'erreur manifeste d'appréciation, la décision du préfet de la Côte-d'Or du 27 août 2009 de refus de transfert de licence de débit de boissons de 4ème catégorie ; que la responsabilité pour faute de l'Etat est ainsi engagée du fait de l'illégalité de cette décision ; que cette responsabilité n'est pas contestée en défense ;

Sur le préjudice de M. A... :

En ce qui concerne les frais d'acquisition du fonds de commerce et des travaux de rénovation :

4. Considérant que M. A...soutient avoir engagé une somme de 22 000 euros pour acquérir son fonds de commerce en avril 2008 et avoir réalisé des travaux et acquis du matériel pour la restauration pour un montant de 11 500 euros ; qu'il soutient que la décision administrative refusant le transfert de licence lui a fait perdre une chance de développer son activité ; qu'il demande en conséquence la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 33 500 euros correspondant à l'achat du fonds de commerce et à son aménagement ;

5. Considérant, toutefois, que ces frais, engagés pour ouvrir un établissement de restauration rapide, sont sans lien avec la décision illégale du préfet de la Côte-d'Or de refus de transfert de licence de débit de boissons de 4ème catégorie en date du 27 août 2009 ; que

M.A..., qui pouvait poursuivre l'exploitation du restaurant qu'il avait acquis en 2008, n'est dès lors pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui rembourser les dépenses qu'il avait engagées ;

En ce qui concerne le préjudice moral :

6. Considérant que M. A...soutient que, s'il avait pu exploiter cette licence de débit de boissons, il aurait préservé la viabilité de son commerce, n'aurait pas été contraint de le vendre et ne se serait pas ainsi retrouvé en situation de demandeur d'emploi non indemnisé, subissant à ce titre un préjudice moral ; que l'intervention de la décision du préfet de la Côte-d'Or a eu pour conséquence de créer un trouble dans ses conditions de vie personnelle en ce qu'elle ne lui a pas permis de réaliser son projet d'extension de son activité commerciale, de sauver son entreprise et de continuer à bénéficier d'un salaire personnel ; que l'existence du préjudice ainsi allégué est en lien direct avec la décision illégale de refus de transfert de la licence de débit de boissons ;

7. Considérant, qu'il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation de ce préjudice en portant à 3 000 euros la somme accordée à ce titre par le tribunal ;

En ce qui concerne le coût de la formation :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique : " Toute personne déclarant l'ouverture, la mutation, la translation ou le transfert d'un débit de boissons à consommer sur place de deuxième, troisième et quatrième catégorie ou toute personne déclarant un établissement pourvu de la " petite licence restaurant " ou de la " licence restaurant " doit suivre une formation spécifique sur les droits et obligations attachés à l'exploitation d'un débit de boissons ou d'un établissement pourvu de la " petite licence restaurant " ou de la " licence restaurant ". (...) Cette formation est obligatoire. (...) " ;

9. Considérant que M.A..., ayant acquis une licence de débit de boissons de 4ème catégorie au début de l'année 2009, était tenu de suivre pour pouvoir exploiter cette licence, la formation prescrite par les dispositions précitées de l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique ; que le requérant établit avoir suivi cette formation du 9 février au 11 février 2009 ; qu'il résulte de l'instruction que le coût de cette formation s'est élevé à 700 euros hors taxes, soit 837,20 euros TTC ; que M. A...est fondé à soutenir qu'il aurait pu valoriser cette formation en exploitant un débit de boissons si un refus de transfert de licence ne lui avait pas été opposé ; que la seule circonstance que la facture produite par le requérant ait été libellée au nom de l'enseigne commerciale de l'établissement " Le Ryad " , ne saurait justifier que le préjudice évoqué soit exclu du montant de l'indemnisation à laquelle il peut prétendre, dès lors que M. A... exploitait son restaurant en nom propre et non, comme le soutient l'administration sans le prouver, par le biais d'une société commerciale ; que, dans ces conditions, M. A...est fondé à demander à l'Etat le remboursement de ces frais ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à lui verser, soit portée à la somme de 3 837,20 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 1 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. A...par le jugement du 4 février 2014 est portée à 3 837,20 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1202341 du 4 février 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président de chambre,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2015.

''

''

''

''

2

N° 14LY01117


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01117
Date de la décision : 03/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Polices spéciales - Police des débits de boissons.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : MANHOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-03;14ly01117 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award