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01/12/2015 | FRANCE | N°14LY00438

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 01 décembre 2015, 14LY00438


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 22 mars 2013 par lequel le préfet du Cantal a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter des terres, pour une superficie de 22,61 hectares, situées sur le territoire de la commune de Nieudan, et d'enjoindre au préfet du Cantal de lui délivrer l'autorisation demandée.

Par un jugement n° 1300787 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2014, M. A...F..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 22 mars 2013 par lequel le préfet du Cantal a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter des terres, pour une superficie de 22,61 hectares, situées sur le territoire de la commune de Nieudan, et d'enjoindre au préfet du Cantal de lui délivrer l'autorisation demandée.

Par un jugement n° 1300787 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2014, M. A...F..., représenté par la SCP Moins et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Cantal du 22 mars 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Cantal de lui délivrer l'autorisation d'exploiter la superficie supplémentaire de 22,61 hectares sur la commune de Nieudan, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- tant l'administration que le tribunal administratif ont méconnu le principe du contradictoire, les pièces justifiant de la superficie exploitée par l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) C...et de ses droits à prime et à produire ne lui ayant pas été communiquées ;

- l'EARL C...n'est pas preneur en place, dès lors qu'elle met en valeur la propriété agricole non en qualité de preneur, mais dans le cadre d'une mise à disposition du bail dont est seul titulaire M. D...C..., Mme C...n'étant plus exploitante agricole depuis son divorce ; la cession du bail ne peut intervenir qu'avec l'agrément du bailleur ou l'accord du tribunal paritaire des baux ruraux ; le préfet du Cantal ne pouvait pas tenir compte de la qualité de "preneur en place" de l'EARL pour considérer qu'elle détenait un rang de priorité supérieur au sien ; les dispositions de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime n'assimilent pas la situation de preneur en place à une autre situation juridique pour l'appréciation des critères de priorité prévus en matière de contrôle des structures ; le code rural et de la pêche maritime et le schéma directeur départemental des structures agricoles réservent un traitement spécifique aux preneurs à bail ; M. D...C..., seul preneur en place et qui remplit les conditions pour faire valoir ses droits à retraite le 26 novembre 2014, ne peut, au regard de son âge, être regardé comme "actif", au sens de l'article 2 du schéma directeur départemental des structures agricoles ; c'est donc à tort que le préfet l'a pris en compte comme tel ; pour ce même motif, M. D... C... ne se trouvait pas en situation de confortement, au sens de l'article 7 du schéma directeur départemental ;

- à supposer même qu'ait été prise en compte à juste titre la situation de l'EARL, et non celle de M. D...C..., la décision est illégale, dès lors que l'entreprise ne se trouvait pas davantage en situation de confortement telle que définie à l'article 3 du schéma directeur départemental ; le préfet du Cantal ne justifie pas de la superficie exploitée par l'EARL C...et du nombre de droits à prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) et à produire, qui sont des conditions cumulatives ; la surface mise en valeur par l'entreprise est supérieure au critère fixé à l'article 3 du schéma directeur départemental ; en conséquence, elle se trouvait en situation dite "de deuxième catégorie", c'est-à-dire à égalité avec lui ; en outre, les revenus extra agricoles que perçoit M. D...C...auraient dû être pris en compte pour le calcul de la surface pondérée au titre de la pluriactivité, prévue par l'article 6 du schéma départemental ; il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait demandé à M. C...les justificatifs concernant ces revenus avant de prendre la décision en litige ; celle-ci méconnaît ainsi les dispositions du schéma directeur départemental des structures agricoles et de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime ; par ailleurs, dans le cadre de l'examen des autorisations d'exploiter, l'appréciation de la situation de l'EARL C...devait tenir compte de la situation de tous les associés de la société, qu'ils soient ou non considérés comme actifs ; M. D... C...étant associé de l'EARL et seul preneur à bail, ses revenus extra agricoles devaient être pris en compte, quand bien même il aurait atteint l'âge légal de la retraite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2014, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 584 euros soit mise à la charge de M. F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire est irrecevable en appel, M. F...n'ayant soulevé que des moyens de légalité interne en première instance ; en tout état de cause, aucune disposition ni aucun principe ne font obligation à l'administration de communiquer au candidat à la reprise de terres les pièces transmises par le preneur en place ;

- saisi d'une seule demande d'autorisation d'exploitation, le préfet n'a pas à prendre en considération les priorités fixées par le schéma directeur départemental des structures agricoles ; le preneur en place ne peut être assimilé à un demandeur ; ni M. D...C..., ni l'EARL C...n'étant demandeurs, leur situation n'avait pas à être déterminée en fonction des critères prévus au schéma départemental sur la notion d'actif, les droits à prime ou la surface pondérée en fonction de la pluriactivité ; la circonstance que le préfet ait indiqué par erreur que l'EARL C... était preneur en place est donc indifférente et l'administration n'était pas tenue d'opérer un classement de M. C...ou de l'EARL C...dans l'une des catégories énoncées à l'article 7 du schéma ;

- il ressort de la demande d'aides présentée par l'EARL C...que, comme le préfet l'a retenu dans son arrêté, elle exploitait, en 2013, 62 hectares 29 ares et détenait 52,10 droits à PMTVA ;

- à la date à laquelle le préfet a pris sa décision, M. D...C...n'avait pas atteint l'âge de départ à la retraite et n'avait pas fait part de son intention de quitter l'exploitation ou de céder son bail ;

- le préfet a également fondé sa décision sur le fait que la reprise de 22,61 hectares par M. F... était de nature à remettre en cause la viabilité de l'exploitation de l'EARLC... ; c'est à juste titre que le préfet a pris en compte l'ensemble des terres exploitées par l'EARL pour apprécier les conséquences économiques de la reprise envisagée, conformément au 3° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime ; la reprise des terres par M. F...aurait porté la surface dont disposait chacun des membres de l'EARL à un niveau inférieur à la surface minimum d'installation, fixée à 21 hectares dans le département du Cantal, et réduit la superficie exploitée par l'EARL de 36 %, la portant à un niveau nettement inférieur à l'unité de référence départementale de 50 hectares ; ce seul motif justifiait le refus opposé à M.F... et le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce motif.

Un mémoire, présenté pour l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL)C..., agissant par son représentant légal, pour M. H...C...et pour M. D...C..., représentés par MeG..., a été enregistré le 31 octobre 2014, par lequel il est demandé à la Cour de rejeter la requête de M. F...et de mettre à sa charge le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire est irrecevable et, en tout état de cause, infondé ;

- les conclusions à fin d'injonction de délivrance de l'autorisation d'exploiter sont irrecevables, seul un réexamen de la demande pouvant être prescrit en cas d'annulation ;

- les revenus de MmeE..., salariée, et de M. F...s'additionnent ; ce dernier bénéficie d'une exploitation laitière l'absorbant pleinement et dégageant des produits significatifs ; cette dernière est éloignée des terrains objets de la demande d'autorisation, qui jouxtent leur propriété alors que Mme E...et M. F...ne disposent plus d'aucun bien à proximité ; ces terrains sont indispensables à l'équilibre économique de leur exploitation, dès lors que, s'ils leur étaient retirés, l'EARL disposerait de moins de 40 hectares de terres pour deux unités de travail ; au vu de leur situation financière, il leur est nécessaire de conserver ces terrains afin d'assumer leurs charges ; M. H...C...souhaite solliciter la cession du bail lorsque son père prendra sa retraite ; en qualité de jeune agriculteur, il sera prioritaire sur toute autre demande ;

- les terrains litigieux ont été mis à la disposition de l'EARL C...conformément aux dispositions de l'article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime, qui permet au preneur une telle mise à disposition ; en cas d'exploitation par une société, la demande d'autorisation d'exploiter doit être analysée au regard de la situation de la société et non pas en vertu de la situation du seul demandeur ;

- l'EARL C...est en situation de confortement au regard de ses droits à primes et de la surface qu'elle exploite et doit être, à ce titre, protégée de toute reprise de foncier ;

- M. D...C...n'exerce plus d'activité extra agricole ; le moyen est en tout état de cause inopérant, dès lors que sa situation n'a pas été prise en compte pour le calcul du seuil de protection du contrôle des structures par la voie du confortement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Clément, rapporteur public.

1. Considérant que, le 28 mars 2012, Mme B...E..., liée à M. F...par un pacte civil de solidarité, a fait délivrer un congé rural à M. et Mme C...avec effet le 20 décembre 2013 afin de permettre la reprise par M. F...d'une exploitation agricole d'une surface de 22 hectares 61 ares 42 centiares dont elle est propriétaire et qui fait l'objet depuis 1995 d'une convention pluriannuelle requalifiée en bail à ferme, conclu avec M. et Mme C... ; que les époux C...ont contesté la validité de ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux le 10 juillet 2012 ; que M. F...a présenté une demande d'autorisation d'exploiter le 18 décembre 2012 ; que, par un arrêté du 22 mars 2013, pris après consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, le préfet du Cantal a rejeté cette demande ; que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par un jugement du 19 décembre 2013, a rejeté la demande de M. F...tendant à l'annulation de cette décision ; que M. F...relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a communiqué à M. F...tous les éléments produits par le préfet du Cantal à l'appui de son mémoire en défense, enregistré le 1er août 2013 ; que, par suite, M. F...n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire, faute de lui avoir transmis les pièces justifiant de la superficie exploitée par l'EARL C...et de ses droits à prime et à produire ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant que M. F...n'a soulevé aucun moyen de légalité externe en première instance ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été pris en méconnaissance du principe du contradictoire, présenté pour la première fois en appel et relevant d'une cause juridique distincte, est, ainsi que le fait valoir le ministre, irrecevable ;

4. Considérant que l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté, dispose que l'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive et que ce contrôle vise également à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs agriculteurs ; qu'aux termes de l'article L. 331-3 du même code : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : / (...) 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée (...). " ;

5. Considérant qu'il ressort des motifs de la décision en litige que, pour rejeter la demande présentée par M.F..., le préfet du Cantal a comparé sa situation à celle de l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL)C..., laquelle, composée de M. D...C...et de son fils, M. H...C..., assure la mise en valeur des terres faisant l'objet de la demande du requérant et qu'il a considérée comme étant le preneur en place ; que, pour procéder à cette comparaison, le préfet a appliqué à tort l'ordre des priorités défini par l'arrêté du 16 décembre 2011 établissant le schéma directeur départemental des structures agricoles dans le département du Cantal, alors qu'il n'était pas saisi de plusieurs demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter ; que, toutefois, le préfet a également fondé sa décision sur le fait que la reprise de 22,61 hectares par M. F...était de nature à remettre en cause la viabilité de l'exploitation de l'EARLC... ; qu'il a, ainsi, fait directement application de la législation sur le contrôle des structures et n'a pas commis d'erreur en prenant en compte à cet égard la situation de l'EARL et non celle de M. D...C... ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce second motif ; qu'il suit de là que M. F..., qui se borne à critiquer le premier motif de l'arrêté en litige, n'est pas fondé à en demander l'annulation ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Cantal du 22 mars 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt, qui confirme le rejet de la demande de M.F..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que des injonctions soient adressées à l'administration doivent être rejetées ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. F...demande au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F...la somme que le ministre chargé de l'agriculture demande au même titre en application de ces mêmes dispositions ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. F... une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l'EARL C...et MM. H... et D...C... ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : M. F...versera une somme globale de 1 500 euros à l'EARL C...et MM. H... C...et D...C....

Article 3 : Les conclusions du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F..., à l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL)C..., à M. H...C..., à M. D...C...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Cantal et au tribunal paritaire des baux ruraux d'Aurillac.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Boucher, président de chambre ;

Mme Dèche, premier conseiller ;

Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er décembre 2015.

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N° 14LY00438


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00438
Date de la décision : 01/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-03 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : PETITJEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-01;14ly00438 ?
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