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05/11/2015 | FRANCE | N°15LY02799

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 05 novembre 2015, 15LY02799


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé le 17 mars 2015 au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler les décisions du 23 février 2015 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le Kosovo comme pays de destination vers lequel elle pourrait être reconduite ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familia

le ;

3°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme au titre des frais exposés et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé le 17 mars 2015 au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler les décisions du 23 février 2015 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le Kosovo comme pays de destination vers lequel elle pourrait être reconduite ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale ;

3°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par un jugement n° 1500788 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par requête n° 15LY02799, enregistrée le 11 août 2015, Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler ledit jugement n° 1500788 du 30 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées du 23 février 2015 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour : elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de fait dès lors qu'elle assiste son frère qui a besoin de séances de dialyse régulière, qu'elle vit avec son frère et que depuis janvier 2015 ce dernier n'a droit à aucune aide sociale lui permettant d'être assisté, qu'elle réalise des actions de bénévolat lorsqu'elle n'aide pas son frère ;

- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire : elle est dépourvue de base légale dès lors que le refus de titre de séjour est illégal.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Mme D...A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Mme A...a été régulièrement avertie du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2015 le rapport de Mme Cottier, premier conseiller.

1. Considérant que Mme D...A..., née le 10 novembre 1989, de nationalité kosovare, est entrée irrégulièrement en France le 27 décembre 2012 ; qu'après rejet de sa demande d'asile par décisions du 14 mai 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et du 22 novembre 2013 de la Cour Nationale du Droit d'Asile, le préfet de la Côte-d'Or par décisions du 23 janvier 2014 a refusé de l'autoriser à résider en France au titre de l'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours ; que parallèlement, le 20 janvier 2014, Mme A...a demandé un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par décisions du 17 mars 2014, le préfet de la Côte-d'Or lui a refusé le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le Kosovo comme pays dans lequel elle pourra être reconduite ; que Mme A...a demandé le 14 avril 2014 au tribunal administratif de Dijon l'annulation desdites décisions du 17 mars 2014 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que par jugement du 31 octobre 2014, le magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon a annulé les décisions du 17 mars 2014 portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ; que par arrêt de ce jour, la cour de céans a annulé les articles 2 et 3 du jugement du 31 octobre 2014 du magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon annulant l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination ; que par un jugement du 26 décembre 2014, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 17 mars 2014 du préfet de la Côte-d'Or portant refus de séjour et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A...dans un délai de deux mois ; que par arrêt de ce jour, la cour de céans a également annulé ce jugement du 26 décembre 2014 ; qu'entretemps et dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement du 26 décembre 2014 tendant au réexamen de la situation de MmeA..., le préfet de la Côte-d'Or a pris le 23 février 2015 de nouvelles décisions lui refusant le séjour, l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le Kosovo comme pays de reconduite ; que Mme A... a demandé le 17 mars 2015 au tribunal administratif de Dijon l'annulation desdites décisions du 23 février 2015 ; que par jugement du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que Mme A...fait appel de ce jugement du 30 juin 2015 ;

Sur la légalité de la décision du 23 février 2015 portant refus de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

3. Considérant que Mme A...soutient vivre en France depuis le 27 novembre 2012, soit 27 mois à la date des décisions du 23 février 2015 lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire ; qu'elle se prévaut au titre de ses liens en France de la situation médicale de son frère, M. E...A..., entré irrégulièrement en France en novembre 2011, et de l'aide qu'elle lui apporte lors de ses retours de ses trois séances hebdomadaires de dialyse et de l'assistance dans certains gestes du quotidien du fait de l'état de fatigue dans lequel il se trouve suite à de telles dialyses et de l'impossibilité pour ce dernier de pouvoir bénéficier de l'assistance d'un tiers autre qu'elle même ; qu'elle indique aussi mener des actions de bénévolat lorsque son frère est pris en charge lors de telles séances de dialyse, avoir noué des relations amicales avec différents bénévoles et s'être engagée dans une démarche d'apprentissage du français ;

4. Considérant toutefois, en ce qui concerne l'aide apportée par Mme A...à son frère, que si les certificats médicaux établis par le Dr B...dont l'un du 17 novembre 2014 font état de risques liés aux suites de la dialyse pouvant aller jusqu'à la perte de connaissance ou à des

re-saignements au niveau des points de ponction, de la nécessité d'une prise en charge rapide en cas de problème et de celle de pouvoir joindre facilement un membre de sa famille, ils se bornent à une énonciation de tels risques en termes généraux sans préciser leur probabilité de réalisation pour M. A...et sans mentionner la nature de l'assistance devant alors être prodiguée à M. A...et notamment les capacités de Mme A...à fournir une telle assistance à son frère en cas d'urgence ; que si le certificat du Pr Rebibou du 5 juin 2015, établi postérieurement à la décision en litige, apporte des précisions sur les conséquences de saignement en indiquant que celui-ci nécessite des manoeuvres de compression immédiate et l'appel du SAMU, il n'apporte aucun élément quant à la capacité de Mme A...à effectuer de tels actes ; que le certificat du Dr C... du 8 juin 2015, là encore établi postérieurement à la décision en litige, se borne à indiquer qu'en cas de " re-saignement " une prise en charge urgente et immédiate est nécessaire sans se prononcer sur les personnes ayant la capacité et les compétences pour procéder à une telle prise en charge ; que le certificat médical du Pr Rebibou du 18 décembre 2013, non contredit par les autres attestations médicales, indique que le traitement de dialyse est bien supporté par M.A... ; que par suite, les certificats médicaux produits, qui ne font état d'aucun risque spécifique de M. A...par rapport aux risques généraux et classiques d'un traitement par dialyse et qui ne relèvent pas que M. A...ne puisse pas bénéficier après les séances de dialyse d'une prise en charge sur place au centre d'hémodialyse ou dans d'autres services du centre hospitalier universitaire de Dijon ou à domicile le temps de la coagulation puis d'une téléalarme ou d'une prise à charge par un tiers autre que sa soeur, n'établissent pas la nécessité d'une présence constante de Mme A...auprès de son frère pour procéder à la surveillance de l'état médical de ce dernier ; que les témoignages produits, dont certains postérieurement au jugement attaqué, s'ils mentionnent l'implication de Mme A...dans certaines activités associatives et la réduction de cette activité à partir d'octobre 2014, ses efforts dans l'apprentissage du français et dans son engagement dans certaines démarches administratives comme le paiement du loyer de l'appartement qu'elle partage avec son frère, alors qu'il ressort d'autres pièces produites en appel qu'une allocation logement a été versée directement au propriétaire pour la même période, restent très vagues sur l'aide apportée par Mme A...à son frère en dehors de la préparation de quelques repas après les séances de dialyse et n'évoquent aucune compétence médicale spécifique de MmeA... ; qu'en dehors de tels témoignages, aucune pièce au dossier n'établit la nature et la consistance de l'assistance nécessaire à M. A...dans sa vie quotidienne et n'en décrit la spécificité qui induirait que seule Mme A...pourrait prendre en charge les éventuels actes médicaux post-dialyse ou apporter une assistance dans certaines tâches du quotidien à son frère ; que la production d'une attestation de paiement de prestations versées par la caisse d'allocations familiales (allocation adulte handicapé, allocation de logement versé à son propriétaire, la majoration pour la vie autonome) à M. A...d'octobre 2014 à janvier 2015, au demeurant postérieurement à la décision de refus de séjour ne permet pas de retenir comme exclue toute possibilité d'assistance par un tiers y compris un tiers rémunéré dans le cadre d'une prise en charge de la maladie de M. A...et de ses éventuelles conséquences en matière d'aides ponctuelles, que ce soit directement par M. A...ou par un autre organisme, la caisse d'allocations familiales n'étant pas le seul organisme susceptible de verser des aides financières à M. A...au regard de son état de santé ; que la circonstance que les services du conseil général de la Côte-d'Or par courrier du 5 juin 2015 en réponse à une lettre du 2 juin 2015 du conseil de Mme A...indiquent que depuis le 1er janvier 2006 l'allocation compensatrice pour tierce personne a été remplacée par la prestation de compensation du handicap et qu'ils l'invitent à se rapprocher de la maison départementale des personnes handicapées ne saurait valoir refus d'une aide desdits services ou d'autres organismes quant à une assistance par un tiers, autre que sa soeur ; que la participation de Mme A...à des actions associatives depuis janvier 2013 après son entrée irrégulière en France, à l'âge de 23 ans, le 27 novembre 2012, soit plus d'un an après l'entrée de son frère, ne saurait suffire à démontrer l'existence de liens stables, durables et intenses de cette dernière en France ; qu'il est constant que Mme A...dispose de liens familiaux et sociaux au Kosovo, pays où elle a vécu vingt-trois ans et où résident des membres de sa famille ; que, dans les circonstances de l'espèce, au regard de la durée et des conditions de séjour en France de MmeA..., le refus de titre de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi par une telle mesure ; que ce refus de séjour ne méconnaît donc ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que pour les mêmes motifs, elle n'est entachée ni d'erreur de fait ni d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision du 23 février 2015 portant obligation de quitter le territoire :

5. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...)" ; que le 23 février 2015, MmeA..., à qui le préfet de la Côte-d'Or a refusé un titre de séjour, se trouvait dans le cas prévu par ces dispositions, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

6. Considérant qu'eu égard à ce qui a été exposé plus haut sur la légalité du refus de séjour opposé le 23 février 2015 à MmeA..., le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MmeA... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2015.

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N° 15LY02799


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02799
Date de la décision : 05/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CLEMANG

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-11-05;15ly02799 ?
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