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27/10/2015 | FRANCE | N°14LY02856

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 27 octobre 2015, 14LY02856


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...Salihia demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions en date du 6 janvier 2014 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 1403449-1403450 du 12 août 2014, le vice-président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête

enregistrée le 13 septembre 2014, M. Salihidemande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...Salihia demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions en date du 6 janvier 2014 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 1403449-1403450 du 12 août 2014, le vice-président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2014, M. Salihidemande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Grenoble du 12 août 2014 en tant qu'elle se prononce sur sa demande ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du préfet de l'Isère du 6 janvier 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans les deux jours suivant cette notification, de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve des dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Il soutient qu'il n'a pas bénéficié du droit d'être entendu avant la mesure d'obligation de quitter le territoire français ; que les décisions sont insuffisamment motivées ; qu'elles ont été prises par une autorité incompétente ; que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus ; que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant a été méconnu ;

Par un courrier de la Cour du 16 septembre 2015, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du vice-président du tribunal administratif de Grenoble pour rejeter la demande de M Salihisur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

La demande de M. Salihitendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été déclarée caduque par une décision du 26 août 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Picard.

1. Considérant que M.Sahili, ressortissant kosovar, né en 1981 et entré en France, selon ses déclarations, en 2012, relève appel d'une ordonnance du 12 août 2014 du vice-président du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande d'annulation des décisions en date du 6 janvier 2014 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " ( ...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) ".

3. Considérant qu'à l'appui de sa demande devant le tribunal administratif de Grenoble, M. Sahilia invoqué notamment les moyens tirés de la méconnaissance par le préfet des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en faisant valoir, qu'il vit en France depuis près de deux ans, qu'il a noué des liens et que son épouse et leurs enfants résident à ses côtés, et qu'il fait l'objet de menaces dans son pays ; qu'ainsi, cette demande comportait des moyens assortis de faits susceptibles de venir à leur soutien ; que, par suite, le vice-président du tribunal administratif de Grenoble ne pouvait, sans excéder sa compétence, se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de M.Sahili ; que l'ordonnance attaquée, qui est entachée d'irrégularité, doit en conséquence être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M.Sahili devant le Tribunal ;

Sur la légalité du refus d'un titre de séjour demandé sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 et de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

5. Considérant que le refus de titre de séjour contesté a été pris en réponse à la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par l'intéressé ; que celle-ci a été rejetée par l'Office français la Cour nationale du droit d'asile le 25 octobre suivant ; que, dès lors que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui avait été refusé, le préfet de l'Isère était tenu de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 ou même de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l'espèce ; que les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué et du défaut ou de l'insuffisance de motivation de cet acte sont, par suite, inopérants ;

6. Considérant que M.Sahili, qui n'a pas présenté de demande sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne saurait utilement se prévaloir d'une violation de cette disposition ;

Sur la légalité de la décision prise par le préfet dans l'exercice de son pouvoir de régularisation :

7. Considérant que Mme Pascale Préveirault, secrétaire général adjointe de la préfecture de l'Isère, signataire des décisions contestées, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de l'Isère en date du 20 décembre 2013, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du mois de décembre 2013, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Isère, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de régularisation serait entaché d'incompétence n'est pas fondé ;

8. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision portant refus de régularisation, qui est motivée tant en fait qu'en droit, satisfaisant ainsi à l'obligation de motivation prescrite par les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que si M. Sahilisoutient que, à la date de l'arrêté contesté, il vivait en France depuis deux ans avec son épouse et ses enfants, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu en particulier de son entrée récente sur le territoire et en dépit des liens sociaux qu'il a pu y nouer, dont il ne justifie d'ailleurs pas, le refus de régularisation en litige aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il pourrait comporter pour la situation personnelle de l'intéressé ;

10. Considérant qu'en vertu de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

11. Considérant que le refus de régularisation contesté n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer M. Sahiliet son épouse de leurs trois enfants mineurs, ni d'empêcher ces derniers de vivre auprès de leurs parents dans leur pays d'origine où ils résidaient ensemble jusqu'à leur venue sur le territoire français ; qu'ainsi, la décision litigieuse n'a pas porté à l'intérêt supérieur des enfants mineurs de M. Sahiliune atteinte contraire aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision d'éloignement :

12. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ; que la décision litigieuse, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

13. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ; que si, en l'espèce, M. Sahilifait valoir qu'il n'a pas été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, il n'apparaît pas que, au stade de sa demande de titre de séjour, il aurait été privé de la possibilité de présenter toutes observations utiles de nature à faire obstacle à une éventuelle mesure d'éloignement ; qu'il ne saurait donc soutenir, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, qu'il aurait été privé du droit d'être entendu qu'il tient du droit de l'Union européenne ;

14. Considérant que les autres moyens tirés de ce que la mesure d'obligation de quitter le territoire français aurait été prise en violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus précédemment dans le cadre de la légalité du refus de titre de séjour opposé à l'intéressé ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

15. Considérant que cette décision contient l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par, suite, elle est suffisamment motivée au regard des prescriptions évoquées plus haut de la loi du 11 juillet 1979 ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que M.Sahili, dont la demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile, fait état des risques qu'il encourrait personnellement pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine ; que toutefois aucun élément n'est produit qui établirait la réalité et l'actualité de ces risques ; que, dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en violation des dispositions précitées ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Sahilin'est pas fondé à demander l'annulation des décisions en date du 6 janvier 2014 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que les conclusions que l'intéressé a présentées aux fins d'injonction ainsi que celles de son conseil tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 12 août 2014 du vice-président du tribunal administratif de Grenoble est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. Sahiliest rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...Sahiliet au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 octobre 2015.

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N° 14LY02856

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02856
Date de la décision : 27/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MEBARKI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-10-27;14ly02856 ?
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