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22/10/2015 | FRANCE | N°15LY00839

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 octobre 2015, 15LY00839


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la Banque de France à lui verser les sommes de 100 915,86 euros au titre d'un rappel d'indemnité de mise à la retraite et de 763 706,97 euros, ou subsidiairement de 288 809,64 euros, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de sa mise à la retraite d'office, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2011.

Par un jugement n° 1101957 du 26 juin 2012, le tribunal administratif de Dijon a accueilli partielleme

nt sa demande et condamné la Banque de France à lui verser la somme de 60 000 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la Banque de France à lui verser les sommes de 100 915,86 euros au titre d'un rappel d'indemnité de mise à la retraite et de 763 706,97 euros, ou subsidiairement de 288 809,64 euros, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de sa mise à la retraite d'office, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2011.

Par un jugement n° 1101957 du 26 juin 2012, le tribunal administratif de Dijon a accueilli partiellement sa demande et condamné la Banque de France à lui verser la somme de 60 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2011.

Par un arrêt n° 12LY02361 du 5 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Dijon et, d'autre part, faisant droit à l'appel incident de la Banque de France, rejeté la demande de M.A....

Procédure devant la cour :

Par une décision n° 374400 du 6 mars 2015, enregistrée le 12 mars 2015 sous le n° 15LY00839, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, partiellement annulé l'arrêt n° 12LY02361 du 5 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il statue sur la demande de réparation du préjudice lié à la mise à la retraite de M. A...à 63 ans et, d'autre part, renvoyé devant la cour le jugement de cette affaire, dans cette limite.

Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2015, présenté pour M. B...A..., domicilié..., il est demandé à la cour :

1°) de condamner la Banque de France à lui verser une indemnité de 389 725,50 euros, en réparation du préjudice lié à sa mise à la retraite à l'âge de 63 ans, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de la réclamation préalable, le 15 juin 2011 ;

2°) de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 3 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, il convient de fixer le montant de l'indemnité due à raison de l'illégalité fautive de la décision de sa mise à la retraite à l'âge de 63 ans, à hauteur de la différence entre, d'une part, les revenus qu'il aurait perçus s'il avait pu continuer à travailler jusqu'à l'âge de 65 ans et, d'autre part, le montant de la pension de retraite qu'il a perçue, soit 136 399,32 euros, à laquelle il convient d'ajouter une somme correspondant au montant capitalisé de la pension qu'il aurait dû percevoir en contrepartie de huit trimestres de cotisation complémentaires, soit la somme de 152 410,32 euros ;

- dès lors qu'il n'a pas été mis à la retraite en application des dispositions pertinentes du statut du personnel de la Banque de France, il convient de faire application des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut ni avec les missions de service public dont elle est chargée, et non de la décision réglementaire du 20 mars 1961 modifiée, pour un montant total de 100 915,86 euros correspondant à la différence entre la somme due en application des dispositions du code du travail et celle perçue.

Par un mémoire, enregistré le 18 septembre 2015, la Banque de France maintient ses conclusions.

Elle soutient que :

- eu égard à la portée de la décision du Conseil d'Etat, qui ne prononce qu'une cassation partielle de l'arrêt du 5 novembre 2013, les dispositions de cet arrêt qui rejettent les conclusions de M. A... tendant à obtenir une indemnité de départ à la retraite fondée sur les dispositions du code du travail sont irrévocables ;

- les conclusions de la requête tendant à la condamnation de la Banque de France au versement d'une somme de 100 915,86 euros au titre de l'indemnité de départ à la retraite sont manifestement irrecevables et non fondées ;

- dès lors que M. A...n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions transitoires, il devait alors continuer de relever du régime antérieur à la réforme, fixant la limite d'âge à 63 ans, car la thèse qu'il soutient conduirait à un résultat aberrant en ce que les agents les plus anciens se verraient appliquer la même limite d'âge que certains, mais pas tous, des agents plus jeunes, alors qu'il convient de considérer que les plus anciens, tels que M.A..., ont continué de bénéficier de la retraite à 63 ans et que, puisque l'application du régime transitoire était peu claire, c'est donc le régime statutaire prévu par l'article 404 du statut du personnel qui devait continuer à s'appliquer ;

- le préjudice allégué ne peut être regardé comme certain, car il n'est nullement établi que M. A...n'était pas satisfait de son départ à la retraite à l'âge de 63 ans et non de 65 ans ; il lui appartient de produire ses déclarations sur le revenu et avis d'imposition correspondants afin de tenir compte de l'ensemble des rémunérations qu'il aurait pu se procurer par son travail durant la période litigieuse.

Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2015, M. A...maintient ses conclusions par les mêmes moyens, tout en chiffrant à la somme de 257 484 euros l'indemnité réclamée et en produisant ses avis d'imposition.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le statut du personnel de la Banque de France ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 1er octobre 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me D...pour M. A...et de Me C...pour la Banque de France.

Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 9 octobre 2015

1. Considérant que M.A..., employé depuis le 1er juin 1971 par la Banque de France au sein de laquelle il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur (hors classe) de la succursale de Dijon en qualité de cadre du 7e degré, a, par une décision du 29 mai 2009 du gouverneur de cet établissement, été mis à la retraite pour limite d'âge à compter du 1er août 2009, étant alors âgé de 63 ans ; qu'à cette occasion, une allocation de départ à la retraite d'un montant de 36 135,06 euros lui a été versée ; que M. A...a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, de condamner la Banque de France à lui verser un complément d'allocation de départ en application des dispositions qu'il estime pertinentes du code du travail et, d'autre part, de condamner cet établissement au versement d'une somme de 763 706,97 euros, ou subsidiairement de 288 809,64 euros, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de sa mise à la retraite avant l'âge de 65 ans ; qu'après avoir jugé que la mise à la retraite de l'intéressé était illégale, le tribunal administratif de Dijon, par un jugement du 26 juin 2012, a, d'une part, condamné la Banque de France à lui verser la somme de 60 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2011 et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande ; que par un arrêt du 5 novembre 2013 la cour a annulé le jugement du tribunal et, faisant droit à l'appel incident de la Banque de France, rejeté la totalité de la demande de M. A... ; que par la décision susmentionnée du 6 mars 2015, le Conseil d'Etat a, d'une part, partiellement annulé l'arrêt du 5 novembre 2013 de la cour en tant qu'il statuait sur la demande de réparation du préjudice lié à la mise à la retraite à 63 ans de M. A... et, d'autre part, renvoyé devant la cour le jugement de cette affaire, dans cette limite ;

2. Considérant, en premier lieu, que par la décision susmentionnée du 6 mars 2015, le Conseil d'Etat, pour rejeter les conclusions du pourvoi de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour du 5 novembre 2013 en tant qu'il rejetait sa demande de complément d'indemnité de départ, a jugé que celui-ci avait seulement droit à l'indemnité de départ à la retraite propre aux agents de la Banque de France et qu'il ne pouvait prétendre à celle prévue par l'article L. 1237-7 du code du travail ; que, dès lors, M. A... n'est pas recevable à demander réparation du préjudice qu'il aurait subi en ne bénéficiant pas de l'indemnité calculée en application des dispositions combinées des articles L. 1237-7, L. 1234-9, et R. 1234-1, 1234-2 et 1234-4 du code du travail, lesquelles n'étaient en tout état de cause pas applicables à sa situation ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code monétaire et financier : " La Banque de France est une institution dont le capital appartient à l'Etat " ; qu'aux termes de l'article L. 142-2 du même code : " Le conseil général administre la Banque de France. Il délibère des statuts du personnel. Ces statuts sont présentés à l'agrément des ministres compétents par le gouverneur de la Banque de France (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 142-9 du code sus évoqué : " (...) Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où les dispositions du code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée. (...) " ; qu'aux termes de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France, dans sa rédaction issue d'une délibération du conseil général du 6 mai 1976 : " Les agents titulaires ont la faculté d'obtenir la liquidation de leur pension de retraite dès qu'ils remplissent les conditions fixées à cet effet par le règlement de la Caisse de réserve des employés. / Ils doivent prendre leur retraite - sous réserve des dérogations prévues à l'article 242 ci-après - dès qu'ils ont atteint la limite d'âge fixée, pour chaque grade ou emploi, entre 60 ans minimum et 65 ans maximum, par décision du conseil général approuvée par le ministre de l'économie et des finances (...) " ; considérant qu'aux termes de l'article 404 du même statut, relatif au personnel des cadres, issu de la même délibération : " Les agents du personnel de cadres (...) doivent prendre leur retraite - sous réserve des dispositions de l'article 241 et des dérogations prévues à l'article 242 - dès qu'ils ont atteint l'âge de : - 60 ans révolus, pour les agents des trois premiers degrés, - 61 ans révolus, pour les agents des 4e et 5e degrés, - 63 ans révolus, pour les agents des 6e, 7e et 8e degrés. (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France, dans sa rédaction issue de l'arrêté n° 2007-01 du conseil général du 19 janvier 2007, entré en vigueur le 1er avril 2007 : " Les agents titulaires ont la faculté d'obtenir la liquidation de leur pension de retraite dès qu'ils remplissent les conditions fixées à cet effet par le règlement de la Caisse de réserve des employés. Sous réserve de dispositions transitoires fixées par un règlement du gouverneur, ils doivent prendre leur retraite - sous réserve des dérogations prévues à l'article 242 ci-après - dès qu'ils ont atteint l'âge de 65 ans. Sauf cas de sanction disciplinaire ou de réforme les agents ne peuvent être mis d'office à la retraite avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans " ; qu'une décision réglementaire n° 2269 du gouverneur de la Banque de France du 30 novembre 2007, modifiée par une décision réglementaire n° 2008-12 du 16 juillet 2008 de cette même autorité, a fixé les dispositions transitoires prévues par l'article 241 du statut, pour les agents atteignant l'âge de 60 ans à partir du 1er juillet 2007, en déterminant leur limite d'âge en fonction de la période au cours de laquelle ces agents atteignaient cet âge ; que cette limite, en ce qui concerne les agents titulaires de 6e et 7e degrés qui avaient atteint ou devaient atteindre 60 ans entre le 1er juillet 2007 et le 30 juin 2009, suivait ainsi un échelonnement allant de 64 ans pour les agents ayant atteint 60 ans entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2007, jusqu'à 64 ans et 9 mois pour les agents ayant atteint l'âge de 60 ans au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 30 juin 2009 ;

5. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France et de la décision réglementaire n° 2269 modifiée du gouverneur de la Banque de France du 30 novembre 2007, prise pour l'application de cet article dans sa rédaction issue de l'arrêté du conseil général du 19 janvier 2007 et qui a fixé les dispositions transitoires prévues par ledit article pour les seuls agents atteignant l'âge de 60 ans à partir du 1er juillet 2007, que les modifications de l'âge limite de départ à la retraite des agents titulaires de la Banque de France issues dudit arrêté du 19 janvier 2007 ne pouvaient prendre effet qu'à l'égard des agents qui n'avaient pas déjà atteint l'âge de 60 ans au 1er avril 2007, date d'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions ; que, par suite, dès lors qu'au 1er avril 2007 le requérant avait déjà dépassé 60 ans, seules les dispositions de l'article 241 susmentionné dans leur rédaction antérieure étaient applicables à sa situation ; que, par renvoi à l'article 404 du statut du personnel, ces dispositions fixaient à 63 ans l'âge de départ à la retraite des agents ayant le grade de M. A... ;

6. Considérant que M. A... ne peut utilement se prévaloir d'une nouvelle délibération du 1er juin 2012 du conseil général de la Banque de France, concernant les agents du 7ème degré, auxquels la limite d'âge à 65 ans a été appliquée pour ceux nés à partir du 2ème semestre 1947 et jusqu'au second semestre 1955, dès lors que lesdites dispositions n'étaient pas en vigueur à la date de la décision du 29 mai 2009 dont il conteste la légalité ; qu'il ne peut davantage exciper de l'illégalité de la mesure réglementaire du 30 novembre 2007 du gouverneur de la Banque de France, au motif de l'incompétence dudit gouverneur, dès lors que la décision dont il conteste la légalité n'a pas été prise sur le fondement de ce règlement ; qu'au demeurant, la délibération du conseil général du 19 janvier 2007 renvoyait effectivement au gouverneur le soin de fixer les dispositions transitoires ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en arrêtant la décision du 29 mai 2009, qui n'est pas entachée d'illégalité, le gouverneur de la Banque de France n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Banque de France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon l'a condamnée au versement d'une indemnité de 60 000 euros à M. A... ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Banque de France qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamnée à verser la somme que M. A...demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1101957 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à la Banque de France.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2015.

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N° 15LY00839


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00839
Date de la décision : 22/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Mise à la retraite pour ancienneté ; limites d'âge.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELAS BDD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-10-22;15ly00839 ?
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