Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 6 août 2013 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1401340 du 4 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2014, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 juillet 2014 et de rejeter la demande de Mme A...devant ce tribunal.
Le préfet soutient que :
- contrairement à ce que le tribunal a estimé, Mme A...séjournait depuis plus de trois mois sur le territoire français à la date de l'arrêté litigieux et, en conséquence, l'intéressée étant démunie de toutes ressources, n'exerçant aucune activité professionnelle, n'établissant pas rechercher activement un emploi, ne disposant pas d'une assurance maladie afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assurance sociale et ne justifiant pas d'une intégration particulière en France, il a pu prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français, en application des dispositions combinées des articles L. 511-3-1 et L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté litigieux a été signé par une autorité compétente ;
- conformément à ce qu'impose l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a pris en compte l'ensemble des circonstances relatives à la situation de Mme A...et a procédé à un examen particulier des circonstances de l'espèce avant de prendre l'arrêté contesté ;
- celui-ci est suffisamment motivé.
Par un mémoire, enregistré le 14 avril 2015, Mme A...conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Mme A...soutient que :
- aucun élément ne permet d'établir qu'elle séjournait sur le territoire français depuis plus de trois mois à la date de l'arrêté litigieux ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de lui imposer de quitter le territoire français ;
- elle n'a pas été informée qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et n'a pu dès lors faire valoir ses observations avant l'édiction de l'arrêté en litige, en méconnaissance du droit de la défense et du principe de bonne administration consacrés par le droit de l'Union européenne ;
- la décision de lui imposer de quitter le territoire français et celle de fixer un délai de départ volontaire de trente jours ne sont pas suffisamment motivées ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de fixer ce délai ;
- le préfet a commis une erreur de droit en édictant l'arrêté litigieux, dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elle ne disposait d'aucune ressource et qu'elle représentait une charge déraisonnable pour le système d'assurance sociale.
Par une ordonnance du 15 juin 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juillet 2015.
Par une décision du 8 avril 2015, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à MmeA....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chenevey.
1. Considérant que, par un jugement du 4 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 6 août 2013 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a obligé MmeA..., ressortissante roumaine, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le préfet relève appel de ce jugement ;
2. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. " ; qu'aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Tout citoyen de l'Union européenne (...) qui ne (peut) justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V. " ; qu'aux termes de l'article L. 121-4-1 de ce code : " Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, les citoyens de l'Union européenne (...) ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français. " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 (...). / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d'exécution d'office. / (...). " ;
4. Considérant qu'il incombe à l'administration, en cas de contestation sur la durée du séjour d'un citoyen de l'Union européenne dont elle a décidé l'éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'il ne remplit plus les conditions pour séjourner en France ; que l'administration peut, notamment, s'appuyer sur les déclarations préalablement faites par l'intéressé ; qu'il appartient à l'étranger qui demande l'annulation de cette décision d'apporter tout élément de nature à en contester le bien-fondé, selon les modalités habituelles de l'administration de la preuve ;
5. Considérant que, pour justifier que Mme A...résidait en France depuis plus de trois mois à la date de l'arrêté contesté, le préfet de la Haute-Savoie produit en appel le procès-verbal d'audition de l'intéressée qui a été établi le 6 août 2013, que celle-ci a signé ; qu'au cours de cette audition, Mme A...a déclaré résider sur le territoire français depuis huit mois ; que, si Mme A...conteste la validité de ce procès-verbal, aucun élément ne peut sérieusement permettre de penser qu'elle n'aurait pas bénéficié de l'assistance d'un interprète dans une langue qu'elle comprend ; que Mme A...n'apporte aucun élément permettant de déterminer la date exacte de son entrée en France, qui serait susceptible de permettre d'établir qu'elle séjournait sur le territoire depuis moins de trois mois à ladite date, comme elle le soutient ; que, dans ces conditions, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a estimé que, dès lors qu'il n'est pas démontré que Mme A...résidait en France depuis plus de trois mois, l'arrêté litigieux ne peut légalement se fonder sur l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux citoyen de l'Union européenne résidant sur le territoire français depuis une durée supérieure à trois mois, et, pour cette raison, a annulé cet arrêté ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...;
7. Considérant, en premier lieu, que le secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie a reçu une délégation de signature, par un arrêté du 30 juillet 2012 du préfet, régulièrement publié au recueil des actes administratifs ; que le moyen tiré de l'incompétence ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination contiennent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont ainsi suffisamment motivées au regard, d'une part, des dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui l'obligation de quitter le territoire, d'autre part, des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que MmeA..., notamment lors de son audition le 6 août 2013, ait fait état de circonstances particulières, propres à justifier qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours lui soit accordé ; que, par suite, et alors qu'aucune disposition de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose au préfet d'indiquer les motifs pour lesquels il s'abstient d'user de la faculté d'accorder à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, Mme A...ne peut utilement soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est entachée d'un défaut de motivation ;
9. Considérant, en troisième lieu, que, lorsqu'il oblige un ressortissant communautaire à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision défavorable est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;
10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que MmeA..., qui se borne à soutenir que son droit d'être entendue a été méconnu, disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle, qu'elle aurait été empêchée de porter à la connaissance de l'administration avant que soit pris l'arrêté contesté et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à cet arrêté ; que, par suite, le moyen tiré de ce que celui-ci serait intervenu en méconnaissance du droit d'être entendu, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de l'arrêté contesté, que le préfet de la Haute-Savoie a examiné la situation personnelle et familiale de l'intéressée, en prenant en particulier en compte les déclarations faites lors de son audition le 6 août 2013, et a procédé à un examen particulier des circonstances de l'espèce avant de prendre cet arrêté ; que, par suite, ce dernier n'est pas entaché d'une erreur de droit ;
12. Considérant en dernier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'insuffisance des ressources peut être opposée par le préfet pour prendre une décision d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant communautaire qui séjourne en France depuis plus de trois mois, alors même que l'intéressé n'est pas encore effectivement pris en charge par le système d'aide sociale ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme A...résidait en France depuis plus de trois mois à la date de l'arrêté litigieux ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des déclarations faites par Mme A...lors de son audition, qu'elle était sans profession et qu'elle n'avait aucune ressource ; qu'elle ne soutient pas qu'elle bénéficiait d'une couverture sociale ; que, par suite, en estimant que Mme A...ne justifiait pas de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale et, qu'ainsi, elle ne bénéficiait pas d'un droit au séjour au regard des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas entaché son arrêté d'une erreur de droit ;
13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 6 août 2013 par lequel il a obligé Mme A...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
14. Considérant que l'Etat n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par le conseil de la requérante au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 juillet 2014 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A...devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme A...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A.... Il en sera adressé copie au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Annecy.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Picard, président-assesseur,
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 septembre 2015.
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N° 14LY02597
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