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30/09/2015 | FRANCE | N°14LY01027

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 30 septembre 2015, 14LY01027


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par quatre demandes distinctes, M. MichelR..., M. K... F..., M. Q... A..., Mme G...N..., M. J... N...et M. E... R...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 14 avril et 16 novembre 2011 par lesquels l'adjoint au maire de la commune de Tignes a délivré des permis de construire modificatifs à la société MGM Tignes.

Par un jugement n° 1102720, n° 1103158, n° 1200102 et n° 1200388 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes. >
Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 avril ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par quatre demandes distinctes, M. MichelR..., M. K... F..., M. Q... A..., Mme G...N..., M. J... N...et M. E... R...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 14 avril et 16 novembre 2011 par lesquels l'adjoint au maire de la commune de Tignes a délivré des permis de construire modificatifs à la société MGM Tignes.

Par un jugement n° 1102720, n° 1103158, n° 1200102 et n° 1200388 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 avril 2014 et 16 janvier 2015, M. Michel R..., M. E... R..., Mme G... N...et M. K... F...demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 février 2014 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les permis de construire modificatifs des 14 avril et 16 novembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Tignes et de la société MGM Tignes une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué a bien été joint à leur requête ;

- la seconde demande d'annulation du permis de construire modificatif du 16 novembre 2011 n'est pas tardive, dès lors que ce permis ne leur a pas été notifié, alors pourtant qu'un recours était pendant devant le tribunal à l'encontre du premier permis modificatif ;

- contrairement à ce que le tribunal a estimé, ils disposent d'un intérêt à agir à l'encontre des arrêtés contestés, dès lors qu'ils sont propriétaires de bien situés à proximité du bâtiment concerné par les deux permis modificatifs et que ceux-ci modifient substantiellement ce bâtiment ; qu'en outre, les caractéristiques de la construction affectent, par elles-mêmes, les conditions d'exploitation des commerces que M. MichelR..., Mme N...et M. F... exploitent à proximité ;

- les arrêtés litigieux révèlent un conflit d'intérêts, le commerce projeté étant créé au bénéfice du maire de la commune de Tignes ;

- le projet de créer un commerce méconnaît les articles Ut 1 et Ut 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Tignes, qui n'envisagent pas une telle possibilité ;

- l'article Ut 12 dudit règlement est également méconnu, en l'absence de toute place de stationnement accessible en toutes saisons et en dehors des voies publiques à l'usage de la clientèle et du personnel du commerce prévu ;

- ce projet viole également la convention d'aménagement qui a été conclue entre la commune de Tignes et la société MGM Tignes, cette convention excluant en effet toute affectation commerciale ;

- les permis de construire modificatifs litigieux sont, enfin, entachés de détournement de pouvoir, ces permis ayant pour seul objet de créer puis d'agrandir un commerce au seul bénéfice du maire de la commune de Tignes, dans un but totalement étranger à l'intérêt public.

Par trois mémoires, enregistrés les 20 juin 2014, 21 janvier 2015 et 31 mars 2015, la société MGM Tignes conclut au rejet de la requête et de l'intervention de M.M..., M. I... et Mme C...et à la condamnation solidaire de ces derniers et de M. Michel R..., M. E... R..., M. et MmeN..., M. K...F...et M. Q... A...à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société MGM Tignes soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas été joint à la requête ; que celle-ci est, par suite, irrecevable ;

- comme le tribunal l'a jugé, les requérants ne disposent d'aucun intérêt à agir ;

- en outre, la seconde demande d'annulation du permis de construire modificatif du 16 novembre 2011 est tardive ;

- l'intervention formée par M.M..., M. I...et Mme C...devra être rejetée en conséquence de l'irrecevabilité de la requête ; qu'en outre, ceux-ci ne justifient d'aucun intérêt à intervenir ;

- les intervenants ne sont pas recevables à justifier de la recevabilité de la requête ;

- un intervenant n'est pas recevable à invoquer des moyens qui procèdent d'une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens des requérants ; qu'en conséquence, ces derniers n'ayant soulevé aucun moyen de légalité externe, les nouveaux moyens invoqués par M.M..., M. I...et MmeC..., tirés de la méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales et de l'insuffisance du dossier de permis de construire, sont irrecevables ;

- les moyens invoqués par les requérants et intervenant ne sont pas fondés.

Par deux mémoires, enregistrés les 24 juillet 2014 et 30 mars 2015, la commune de Tignes conclut au rejet de la requête et de l'intervention formée par M.M..., M. I...et Mme C...et à la mise à la charge de ces derniers et de M. MichelR..., M. E...R..., Mme G...N...et M. K...F...une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Tignes soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas été joint à la requête ; que, dès lors, celle-ci est irrecevable ;

- comme le tribunal l'a jugé, les requérants ne disposent d'aucun intérêt à agir ;

- en outre, la seconde demande d'annulation du permis de construire modificatif du 16 novembre 2011 est tardive ;

- l'intervention formée par M.M..., M. I...et Mme C...devra être rejetée en raison de l'irrecevabilité de la requête ; en outre, ceux-ci ne justifient d'aucun intérêt à intervenir ;

- les moyens soulevés par les requérants et les intervenants ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en intervention, enregistré les 21 janvier et 31 mars 2015, M. O... M..., M. S...I...et Mme MichèleC...demandent à la cour de faire droit aux conclusions de la requête.

M.M..., M. I...et Mme C...soutiennent que :

- l'absence de production du jugement attaqué est sans incidence sur la recevabilité de la requête, dès lors que ce jugement est contenu dans le dossier de première instance qui a été transmis à la cour par le tribunal ;

- aucune forclusion ne peut être opposée à la seconde demande d'annulation du permis de construire modificatif du 16 novembre 2011, l'affichage n'ayant pas été réalisé régulièrement sur le terrain d'assiette du projet ;

- en leurs qualités de voisins, contribuables et commerçants, les requérants justifient, compte tenu des caractéristiques des permis modificatifs en litige, d'un intérêt à agir ;

- ils résident dans le bâtiment concerné par ces permis modificatifs, ou à proximité de ce bâtiment, ce qui leur confère un intérêt à intervenir dans la présente instance ;

- les permis de construire modificatifs demandés constituent en réalité, compte tenu de l'importance des modifications apportées au projet initial, de véritables permis de construire ;

- l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales a été méconnu, compte tenu de l'intervention effective du maire, pourtant intéressé à l'affaire, dans le vote de la délibération qui a permis la délivrance des arrêtés litigieux ;

- comme l'établissent les requérants, les articles Ut 1 et Ut 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Tignes ont été violés ;

- le volet paysager du second permis modificatif est insuffisant, compte tenu des modifications apportées à l'aspect de la construction ; dans l'hypothèse dans laquelle le fait que ce permis modificatif constitue en réalité un véritable permis de construire serait reconnu, la liste des documents à fournir aurait dû être plus importante ;

- le plan local d'urbanisme, qui a été modifié dans le seul but de permettre la délivrance des permis de construire modificatifs contestés, est, par suite, entaché de détournement de pouvoir, tout comme ces permis eux-mêmes ;

- la convention d'aménagement, qui interdit tout changement d'affectation, a été méconnue.

Par une ordonnance du 10 avril 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 mai 2015.

Un mémoire, enregistré le 7 mai 2015, a été présenté pour M.M..., M. I...et MmeC.lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du tourisme ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chenevey,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- les observations de MeD..., représentant la SCP Milliand et Dumolard avocats, avocat de M. MichelR..., M. E...R..., Mme N...et de M.F..., celles de Me Laumet, avocat de M.M..., M. I...et de MmeC..., celles de Me P..., représentant l'Etude de maître Ballaloud, avocat de la SCI MGM, et celles de MeB..., représentant la SCP Vovan et associés, avocat de la commune de Tignes.

1. Considérant que, par un arrêté du 26 septembre 2008, le maire de la commune de Tignes a délivré un permis de construire à la société MGM, en vue de l'édification d'un bâtiment comportant 22 logements devant être exploités dans le cadre d'une résidence de tourisme et 36 logements à vocation sociale, destinés à l'hébergement du personnel saisonnier ; que, par un arrêté du 14 avril 2011, le premier adjoint au maire a accordé un permis modificatif à la société MGM Tignes, à laquelle ce permis de construire a été transféré, dans le but de supprimer cinq des 22 logements initialement prévus dans la résidence de tourisme, afin d'agrandir l'accueil et d'aménager un commerce ; que M. Michel R... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ce permis de construire modificatif ; que le tribunal a été saisi d'une seconde demande d'annulation de ce même permis modificatif, à nouveau par M. MichelR...et, en outre, par M. K... F..., M. Q...A..., Mme G...N..., M. J...N...et M. E... R... ; que, par un arrêté du 16 novembre 2011, le premier adjoint au maire a délivré un nouveau permis modificatif à la société MGM Tignes, prévoyant cette fois la suppression de sept logements touristiques, dans le même but d'agrandir l'accueil et de créer un commerce ; que M. MichelR...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ce permis modificatif ; que le tribunal a été saisi d'une seconde demande d'annulation de ce même permis, par M. Michel R..., M. K... F..., M. Q... A..., Mme G...N..., M. J... N...et M. E... R... ; que, par un jugement du 6 février 2014, après avoir joint ces quatre demandes, le tribunal les a rejetées, pour défaut d'intérêt à agir des différents demandeurs ; que M. MichelR..., M. E... R..., Mme G... N...et M. K... F...relèvent appel de ce jugement ;

Sur l'intervention :

2. Considérant que M.M..., M. I...et Mme C...ont présenté une intervention au soutien des conclusions des requérants ; que M. M...justifie être propriétaire d'un logement dans le bâtiment concerné par les deux permis modificatifs litigieux ; que M. I...et Mme C...établissent être propriétaires d'un logement dans l'immeuble Le Sefcotel, qui est situé en face de ce bâtiment ; qu'ils justifient ainsi d'un intérêt à l'annulation des arrêtés contestés ; que la circonstance que les intéressés ne seraient devenus propriétaires qu'après la délivrance de ces arrêtés est sans incidence ; que l'intervention de M.M..., M. I...et Mme C...doit, dès lors, être admise ;

Sur la recevabilité de la requête :

3. Considérant que la fin de non-recevoir tirée de ce que les requérants n'auraient pas produit le jugement attaqué, comme l'imposent les dispositions combinées des articles

R. 412-1 et R. 811-13 du code de justice administrative, manque en fait ;

Sur la recevabilité des demandes devant le tribunal administratif :

4. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu en défense, les intervenants sont recevables à justifier de la recevabilité des demandes devant le tribunal administratif de Grenoble, dès lors que cette question est d'ordre public ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, créé par l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) " ; que, contrairement à ce que soutient la société MGM Tignes, ces dispositions ne sont pas applicables en l'espèce, les permis de construire modificatifs litigieux ayant été délivrés avant leur entrée en vigueur ;

6. Considérant que Mme G...N...justifie en appel être propriétaire d'un appartement dans l'immeuble Le Sefcotel ; que, depuis cet appartement, elle dispose d'une vue sur le bâtiment concerné par les permis modificatifs en litige, qui est situé en face du Sefcotel ; que ces permis, même s'ils autorisent pour l'essentiel des travaux d'aménagement interne, modifient également certaines ouvertures, certains balcons et une partie des parements de façade ; qu'au surplus, le permis modificatif du 16 novembre 2011 augmente légèrement la hauteur de la construction ; que les permis modificatifs litigieux ont ainsi une incidence sur l'aspect extérieur du bâtiment ; que, dans ces conditions, Mme N...justifie d'un intérêt à agir à l'encontre des arrêtés contestés, et ce à supposer même qu'elle ne serait devenue propriétaire dudit appartement que postérieurement à la date de ces arrêtés ;

7. Considérant, en revanche, que M. MichelR...n'établit pas être propriétaire d'un bien dans l'immeuble Le Sefcotel, dès lors que, pour établir la qualité ainsi alléguée, il se borne à produire un document qui concerne la SCI consortsR..., et non lui-même à titre personnel ; que, si M. MichelR...démontre qu'il est propriétaire d'un magasin de sport dans l'immeuble Le Curling B, il ressort des pièces du dossier, et notamment du constat d'huissier produit par les requérants eux-mêmes, qu'une distance d'environ 140 mètres sépare le bâtiment concerné par les projets litigieux de ce magasin et qu'aucune visibilité directe n'existe depuis ce dernier sur ce bâtiment ; que ces projets se situent dans un secteur déjà très urbanisé du territoire communal ; que, dans ces conditions, compte tenu par ailleurs de la portée limitée des permis modificatifs en cause, qui, pour l'essentiel, autorisent des travaux d'aménagement intérieur, M. MichelR...ne justifie pas disposer d'un intérêt à agir à l'encontre de ces permis ; que, si M. E...R...justifie être propriétaire d'un bien dans l'immeuble Le Curling B, aucune précision n'est apportée sur la situation exacte de ce bien dans cet immeuble ; que, dès lors, compte tenu de l'éloignement de ce dernier du bâtiment sur lequel porte les projets en litige, supérieure à 100 mètres, de l'absence de toute visibilité avérée sur ce bâtiment, de la configuration des lieux, déjà très urbanisés, et, enfin, de la portée limitée des permis modificatifs en cause, M. E... R...n'établit pas l'intérêt à agir qu'il invoque ; qu'enfin, même si M. K... F...est le gérant de la SCI Locaf, le document qu'il produit pour établir son intérêt à agir, qui concerne cette seule société, n'est, dès lors, pas susceptible de démontrer qu'il dispose effectivement d'un tel intérêt ;

8. Considérant qu'en dehors du cas où les caractéristiques particulières de la construction envisagée sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d'exploitation d'un établissement commercial, ce dernier ne justifie pas d'un intérêt à contester un permis de construire délivré à une entreprise concurrente, même située à proximité ; que, si M. Michel R..., Mme G...N...et M. K...F...exploitent des commerces situés à proximité de la construction concernée par les arrêtés litigieux, dans laquelle ceux-ci prévoient la création d'un commerce, les requérants, qui se bornent à évoquer la superficie selon eux hors norme de ce dernier, n'apportent aucun élément précis de justification de nature à permettre d'établir que les travaux autorisés par ces arrêtés seraient susceptibles d'avoir une quelconque répercussion sur les conditions d'exploitation de leurs commerces ;

9. Considérant que la circonstance que les requérants seraient contribuables communaux et que les permis de construire modificatifs litigieux impliqueraient une participation financière de la commune de Tignes pour la viabilisation du site n'est pas susceptible de leur conférer un intérêt à agir à l'encontre de ces permis ; que la qualité d'habitants de la commune de Tignes, évoquée sans aucune précision particulière, n'est, de même, pas susceptible de démontrer l'existence d'un tel intérêt ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que seule Mme N...justifie, par des documents nouveaux produits en appel, disposer d'un intérêt à agir à l'encontre des arrêtés litigieux ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a dénié à Mme N...un tel intérêt et, pour cette raison, a rejeté les demandes d'annulation qu'elle a présentées à l'encontre de ces arrêtés ;

11. Considérant, toutefois, que la commune de Tignes et la société MGM Tignes soutiennent que la demande dirigée contre le permis modificatif du 16 novembre 2011 est tardive ; qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. " ; qu'aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ( ...) est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) " ; qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article A. 424-16 du même code : " Le panneau (...) indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la superficie du plancher hors oeuvre nette autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article A. 424-17 du même code : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / Droit de recours : / Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code l'urbanisme). / (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article A. 424-18 du même code : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent.lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier " ;

12. Considérant qu'il ressort des trois constats d'huissier produits par la société MGM Tignes que le permis modificatif du 16 novembre 2011 a été affiché sur le terrain d'assiette à compter du 17 novembre 2011 et au moins jusqu'au 24 janvier 2012 ; que la circonstance que ces constats font apparaître un panneau différent n'est pas suffisante pour permettre d'établir qu'en réalité, l'affichage n'aurait pas été réalisé pendant une période continue de deux mois ; que la circonstance que, contrairement à ce qu'imposent les dispositions précitées de l'article A. 424-16, l'adresse de la mairie où le dossier pouvait être consulté n'a pas été indiquée sur le panneau d'affichage est, en l'espèce, sans incidence, eu égard à la taille de la commune de Tignes, dans laquelle ce bâtiment officiel peut être facilement localisé ; qu'en tout état de cause, il n'est pas démontré que les plans de la demande de permis seraient erronés, de même, par suite, que les indications relatives aux caractéristiques de la construction portées sur le panneau d'affichage ; qu'enfin, si les requérants font valoir qu'un recours étant alors pendant contre le permis modificatif du 14 avril 2011, le nouveau permis modificatif du 16 novembre 2011 aurait dû leur être notifié pour que le délai de recours contentieux puisse être déclenché, cependant, seul l'affichage du permis est susceptible de déclencher le délai de recours contentieux à l'égard des tiers, pour lesquels sont en effet prévues des mesures de publicité particulières ; que l'absence de notification de ce nouveau permis modificatif est, par suite, sans aucune incidence ;

13. Considérant que le délai du recours contentieux, qui a été valablement déclenché le 17 novembre 2011, expirait, dès lors, le mercredi 18 janvier 2012 ; que la demande d'annulation du permis modificatif du 16 novembre 2011 n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Grenoble que le 23 janvier 2012 ; que la commune de Tignes et la société MGM Tignes sont, par suite, fondées à soutenir que les conclusions de Mme N...tendant à l'annulation dudit permis modificatif sont tardives et donc irrecevables ;

14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme irrecevable la demande de Mme N...tendant à l'annulation du permis modificatif du 14 avril 2011 ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler ce jugement ;

15. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande tendant à l'annulation du permis modificatif du 14 avril 2011 présentée par MmeN... ;

Sur la légalité de l'arrêté du 14 avril 2011 :

16. Considérant, en premier lieu, que le permis de construire initial du 26 septembre 2008 autorise la construction d'un bâtiment renfermant 22 logements touristiques et 36 logements à vocation sociale, pour une surface hors oeuvre nette totale de 3 142 m² ; que le permis de construire litigieux a pour objet de supprimer cinq de ces 22 logements, pour agrandir l'accueil et créer un commerce de 330 m² ; qu'en outre, notamment, ce permis modifie certaines ouvertures, certains balcons et, en partie, les parements de façade ; que, rapportées à l'importance globale du projet, ces modifications ne remettent pas en cause la conception générale de la construction initialement autorisée ; qu'elles peuvent ainsi faire l'objet d'un simple permis de construire modificatif ;

17. Considérant, en deuxième lieu, que le permis modificatif litigieux a donné lieu à un avis du 9 novembre 2010 de la sous-commission consultative départementale de sécurité ; qu'ainsi, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la commission de sécurité compétente n'aurait pas été consultée manque en fait ;

18. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme : " Si le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est intéressé au projet faisant l'objet de la demande de permis ou de la déclaration préalable, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l'organe délibérant de l'établissement public désigne un autre de ses membres pour prendre la décision. " ; qu'aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. " ;

19. Considérant, d'une part, que, si les requérants font valoir que le commerce autorisé par le permis modificatif litigieux est créé au bénéfice du maire de la commune de Tignes, ce permis a toutefois été signé par le premier adjoint au maire, qui a été habilité à ce faire par une délibération du 5 janvier 2011 du conseil municipal de cette commune, conformément à l'article L. 422-7 précité du code de l'urbanisme ; que, d'autre part, en tout état de cause, le maire n'a pas pris part au vote de cette délibération et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait exercé une influence sur les membres du conseil municipal ;

20. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article Ut 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Tignes : " (...) 2 Sont admises sous condition les occupations et utilisations du sol suivantes : / (...) 2.2 Les constructions nouvelles à condition (...) qu'elles " se rapportent au confort, à l'amélioration ou à l'information de la clientèle touristique. / (...) " ;

21. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces dispositions, qui étaient en vigueur à la date de délivrance du permis modificatif litigieux du 14 avril 2011, autorisent les commerces en zone Ut ; qu'au surplus, la modification du plan local d'urbanisme, qui a été approuvée le 22 juin 2011 par le conseil municipal, ajoute un point 2.12 à l'article Ut 2 pour explicitement autoriser la création des commerces ; que ces nouvelles dispositions étaient en vigueur à la date de délivrance du permis modificatif du 16 novembre 2011 ; qu'ainsi, au besoin, ce dernier aurait pour effet de régulariser le permis modificatif en litige ;

22. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article Ut 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Tignes : " 1 - Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors de la voie publique, et accessible en toutes saisons. / (...) " ;

23. Considérant qu'en l'absence de toute disposition concernant les commerces prévue à l'article Ut 12, doivent être appliquées les dispositions générales précitées ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet en litige, qui autorise la création d'un commerce de 330 m², ne prévoit aucune place de stationnement pour le personnel et les clients de ce commerce ; que, toutefois, ce projet est situé au coeur de la station, dans une zone très urbanisée dans laquelle existent des places de stationnement publiques ; que la commune de Tignes fait valoir, sans être contredite, que la mise en place de stationnements couverts et aériens, notamment dans le secteur en cause du territoire communal, outre l'existence de navettes gratuites, a permis de supprimer pour l'essentiel l'utilisation de la voiture dans la station ; que, dans ces conditions, en délivrant le permis modificatif contesté, le premier adjoint au maire n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article Ut 12 du règlement du plan local d'urbanisme, et ce quand bien même le projet n'inclut la création d'aucune place nouvelle de stationnement ;

24. Considérant, en sixième lieu, que les stipulations de la convention d'aménagement qui a été passée le 31 juillet 2008 entre la commune de Tignes et la société MGM Tignes, en application des articles L. 342-1 à L. 342-5 du code du tourisme, ne constituent pas des dispositions d'urbanisme opposables à une demande de permis de construire ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaît ces stipulations ne peut ainsi qu'être écarté ; que, de même, les circonstances que cet arrêté ne vise aucune convention d'aménagement et que la nouvelle convention d'aménagement du 11 avril 2011 serait illégale sont sans incidence sur la légalité du permis modificatif litigieux ;

25. Considérant, en septième lieu, que l'arrêté contesté impose le respect des prescriptions qui ont été émises le 21 octobre 2010 par la sous-commission consultatives départementale de l'accessibilité des personnes handicapées ; que la circonstance que la construction qui a été édifiée ne respecterait pas ces prescriptions, qui concerne l'exécution du permis litigieux, est, dès lors, sans incidence sur la légalité de ce permis ;

26. Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que le projet qui a été autorisé par l'arrêté litigieux ne présenterait aucun intérêt public n'est pas susceptible de permettre d'établir que cet arrêté serait entaché de détournement de pouvoir, l'autorité compétente s'étant en effet bornée à répondre à une demande d'autorisation et à examiner la conformité de cette dernière aux dispositions d'urbanisme applicables ; que, par ailleurs, les dispositions précitées de l'article Ut 12 du règlement, qui autorisent la création d'un commerce en zone Ut, sont issues du plan local d'urbanisme qui a été approuvé le 3 septembre 2008, lequel est antérieur au projet en litige de création d'un commerce ; que le moyen tiré de ce que la délibération autorisant les commerces en zone Ut, qui ne répondrait qu'au seul intérêt du maire de la commune de Tignes, serait de ce fait entachée de détournement de pouvoir ne peut, par suite, qu'être écarté ;

27. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme N...n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire modificatif du 14 avril 2011 est entaché d'illégalité et doit être annulé ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Tignes et la société MGM Tignes, qui ne sont pas, dans la présente instance, pour l'essentiel parties perdantes, versent aux requérants la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants le versement d'une somme au bénéfice de cette commune et de cette société sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de M.M..., M. I...et Mme C...est admise.

Article 2 : Le jugement du 6 février 2014 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il rejette comme irrecevable la demande de Mme N...tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 avril 2011 par lequel l'adjoint au maire de la commune de Tignes a délivré un permis de construire modificatif à la société MGM Tignes.

Article 3 : La demande de Mme N...tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 avril 2011 par lequel l'adjoint au maire de la commune de Tignes a délivré un permis de construire modificatif à la société MGM Tignes est rejetée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la commune de Tignes et la société MGM Tignes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel R..., M. E... R..., Mme G...N..., M. K... F..., M. O...M..., M. S... I..., Mme MichèleC..., la société MGM Tignes et à la commune de Tignes.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 septembre 2015.

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N° 14LY01027

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01027
Date de la décision : 30/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ETUDE DE MAITRE BALLALOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-09-30;14ly01027 ?
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