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29/09/2015 | FRANCE | N°15LY01130

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 29 septembre 2015, 15LY01130


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Haute-Savoie a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d'ordonner la suspension de l'exécution du permis de construire que le maire de la commune de Manigod a délivré le 22 octobre 2014 à la SCCV Le hameau de l'Oursière.

Par une ordonnance n° 1501020 du 17 mars 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mar

s et 27 mai 2015, la commune de Manigod demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 17 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Haute-Savoie a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble d'ordonner la suspension de l'exécution du permis de construire que le maire de la commune de Manigod a délivré le 22 octobre 2014 à la SCCV Le hameau de l'Oursière.

Par une ordonnance n° 1501020 du 17 mars 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mars et 27 mai 2015, la commune de Manigod demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 17 mars 2015 ;

2°) de rejeter la demande de suspension présentée par le préfet de la Haute-Savoie devant le juge des référés du tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si le projet qui a été autorisé par le permis de construire litigieux porte sur une opération d'hébergement touristique, il ne relève pas pour autant de la procédure relative aux unités touristiques nouvelles, dès lors en effet qu'il est situé dans un secteur constructible, en continuité de l'urbanisation existante ; dès lors, contrairement à ce que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a estimé, ce projet, qui n'avait pas à être inscrit dans le schéma de cohérence territoriale, ne méconnaît pas l'article L. 122-1-10 du code de l'urbanisme et n'est pas contraire aux dispositions du III de l'article L. 145-3 du même code qui imposent de construire en continuité de l'urbanisation existante ;

- comme le juge des référés l'a jugé, les autres moyens invoqués par le préfet de la Haute-Savoie ne sont pas fondés ; en effet, le moyen tiré de la non-conformité du projet litigieux à l'orientation d'aménagement n° 2, ou du détournement de procédure, est irrecevable, l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme imposant seulement un rapport de compatibilité par rapport aux orientations d'aménagement prévues par le document d'urbanisme ; au surplus, ce projet est bien compatible avec cette orientation d'aménagement ; les dispositions du II de l'article 145-3 du même code ne sont pas méconnues, aucune atteinte n'étant portée à l'environnement montagnard ; le préfet n'exposant pas en quoi le site dans lequel s'inscrit le projet présenterait un caractère ou un intérêt particulier, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme est inopérant ; en outre, aucune atteinte caractérisée et avérée de ce site n'est démontrée ; que le projet n'avait pas à donner lieu à l'étude d'incidence prévue par l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; enfin, l'attestation que comporte la demande de permis de construire est conforme à celle qu'impose l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ;

- il existe un intérêt public évident à la réalisation de l'opération en litige.

Par un mémoire enregistré le 11 mai 2015, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens invoqués par la commune de Manigod ne sont pas fondés, le projet méconnaissant les dispositions du III de l'article L. 145-3 et de l'article L. 122-1-10 du code de l'urbanisme, comme le juge des référés du tribunal l'a estimé ;

- en outre, le projet litigieux n'est pas compatible avec l'orientation d'aménagement n° 2 du plan local d'urbanisme ; il méconnaît le II de l'article L. 145-3 et l'article R. 111-21 du même code, ainsi que l'article L. 414-4 du code de l'environnement, dès lors qu'il porte atteinte à la préservation des espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ; il porte également atteinte aux dispositions réglementaires du plan de prévention des risques naturels ; enfin, l'attestation qui a été jointe à la demande de permis de construire ne satisfait pas à ce qu'impose l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par un courrier du 10 juillet 2015, les parties ont été informées de ce que la cour envisage de relever d'office le moyen tiré de l'inapplicabilité des dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, en vertu de l'article L. 145-10 du même code, dès lors que le projet constitue une unité touristique nouvelle.

Par deux mémoires, enregistrés les 21 août et 2 septembre 2015, la commune de Manigod a répondu à cette communication de la cour.

Par un mémoire, enregistré le 28 août 2015, le préfet de la Haute-Savoie a répondu à cette communication de la cour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- les observations de maître Philippe, avocat de la commune de Manigod et celles du préfet de la Haute-Savoie, représenté par M.A....

1. Considérant que le préfet de la Haute-Savoie a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, en application du 3ème alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, d'ordonner la suspension de l'exécution du permis de construire que le maire de la commune de Manigod a délivré le 22 octobre 2014 à la SCCV Le hameau de l'Oursière ; que, par une ordonnance du 17 mars 2015, le juge des référés a fait droit à cette demande, au motif que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 122-1-10 et L. 145-3 III du code de l'urbanisme sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce permis de construire ; que la commune de Manigod relève appel de cette ordonnance ;

2. Considérant que l'article L. 554-1 du code de justice administrative dispose que : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales (...) " ; que, selon le troisième alinéa de cet article, il est fait droit à la demande de suspension présentée par le représentant de l'Etat : " si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué " ;

3. Considérant qu'aux termes de L. 145-9 du code de l'urbanisme : " Est considérée comme unité touristique nouvelle toute opération de développement touristique, en zone de montagne, ayant pour objet ou pour effet, en une ou plusieurs tranches : / 1° Soit de construire des surfaces destinées à l'hébergement touristique ou de créer un équipement touristique comprenant des surfaces de plancher ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 145-10 du même code : " A l'exception du III de l'article L. 145-3, les dispositions de la section première du présent chapitre (...) sont applicables aux unités touristiques nouvelles. " ; qu'aux termes de l'article L. 145-11 du même code : " Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale, la création et l'extension d'unités touristiques nouvelles sont soumises à autorisation. / (...) I. - L'autorisation est délivrée par le préfet coordonnateur de massif, après avis de la commission spécialisée du comité de massif, lorsqu'elle porte sur des remontées mécaniques qui ont pour effet la création d'un nouveau domaine skiable ou l'extension du domaine skiable existant au-delà d'un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, ou sur une opération qui présente un intérêt régional ou interrégional en raison de sa surface ou de sa capacité d'accueil. / II - L'autorisation est délivrée par le représentant de l'Etat dans le département, après avis d'une formation spécialisée de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et des sites, lorsqu'elle porte sur une remontée mécanique ayant pour effet l'extension d'un domaine skiable existant au-delà d'un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, ou sur une opération qui présente un intérêt local en raison de sa situation, de sa surface ou de sa capacité d'accueil. / Le décret prévu à l'article L. 145-13 fixe notamment les seuils applicables au I et au présent II en fonction du type d'opération. (...) / III - La création ou l'extension d'unités touristiques nouvelles autres que celles mentionnées aux I et II n'est pas soumise à autorisation. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 145-12 du même code : " Lorsqu'un projet d'unité touristique nouvelle concerne un territoire couvert par un schéma de cohérence territoriale (...) et que ce schéma n'en prévoit pas la création, le représentant de l'Etat dans le département peut, à la demande de la commune ou du groupement de communes concerné et après avis de la commission spécialisée du comité de massif, demander la modification du schéma. " ; qu'aux termes de l'article R. 145-1 du même code : " Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale, la création et l'extension des unités touristiques nouvelles mentionnées au I et au II de l'article L. 145-11 sont soumises à autorisation dans les conditions fixées par les articles R. 145-2 à R. 145-10. " ; qu'aux termes de l'article R. 145-3 du même code : " Sont soumises à autorisation du préfet de département, en application du II de l'article L. 145-11, (...) / 2° Les opérations suivantes, lorsqu'elles ne sont pas situées dans un secteur urbanisé ou dans un secteur constructible situé en continuité de l'urbanisation : / a) La création ou l'extension, sur une surface de plancher totale supérieure à 300 mètres carrés, d'hébergements touristiques ou d'équipements touristiques ; / (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 122-1-10 du même code, qui reprend les dispositions de l'ancien article L. 122-1 : " En zone de montagne, le document d'orientation et d'objectif (du schéma de cohérence territoriale) définit : / 1° La localisation, la consistance et la capacité globale d'accueil et d'équipement des unités touristiques nouvelles mentionnées au I de l'article L. 145-11 ; / 2° Les principes d'implantation et la nature des unités touristiques nouvelles mentionnées au II du même article L. 145-11. " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions du code de l'urbanisme qu'un projet constituant une unité touristique nouvelle n'est pas soumis à une autorisation spécifique du préfet au titre de la législation sur les unités touristiques nouvelles dans l'hypothèse dans laquelle la commune sur le territoire de laquelle se situe ce projet est couvert par un schéma de cohérence territoriale qui définit, selon les cas, " la localisation, la consistance et la capacité globale d'accueil et d'équipement " et " Les principes d'implantation et la nature " des unités touristiques nouvelles, ou encore, en l'absence même d'un tel schéma, quand ce projet ne correspond à aucune des hypothèses définies par les articles R. 145-2 et R. 145-3 du code de l'urbanisme, pris pour l'application des I et II de l'article L. 145-11 du même code, qui déterminent dans quels cas l'unité touristique nouvelle doit être autorisée par le préfet coordonnateur de massif ou par le préfet de département ;

5. Considérant que le projet en litige a pour objet, principalement, de créer une résidence de tourisme comportant 63 logements et divers équipements pour le tourisme, pour une surface de plancher totale de 6 162 m² ; que, par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 145-9 du code de l'urbanisme, ce projet constitue une unité touristique nouvelle ; qu'il n'est pas contesté que le schéma de cohérence territoriale Fier-Aravis, qui se borne à prévoir que deux hectares au maximum devront être consacrés à l'hébergement touristique sur le territoire de la commune de Manigod, correspondant à 500 lits, ne comporte pas les précisions précitées prévues par l'article L. 122-1-10 du code de l'urbanisme ; que la circonstance que ce schéma couvre le territoire de la commune de Manigod ne peut donc permettre de dispenser le projet litigieux du respect de la procédure spécifique prévue dans l'hypothèse d'une unité touristique nouvelle ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce projet, qui comporte une surface de plancher supérieure à 300 m², serait prévu dans un secteur urbanisé ou dans un secteur constructible situé en continuité de l'urbanisation existante du secteur du col de la Croix-Fry dans lequel il prend place ; que, dans ces conditions, le projet, qui correspond à l'hypothèse prévue par le 2° a) précité de l'article R. 145-3 du code de l'urbanisme, doit faire l'objet d'une autorisation au titre de la législation sur les unités touristiques nouvelles ; qu'ainsi, c'est à juste titre que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a estimé que le moyen du préfet de la Haute-Savoie tiré de ce que le projet autorisé par le permis de construire contesté méconnaît les dispositions spécifiques relatives aux unités touristiques nouvelles est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce permis ;

6. Considérant par contre que, dès lors que le projet litigieux constitue une unité touristique nouvelle, les dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 145-10 du même code ; que c'est donc à tort que le juge des référés a estimé que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme est également de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire contesté ;

7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Manigod n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a ordonné la suspension de l'exécution du permis de construire que son maire a délivré le 22 octobre 2014 à la SCCV Le hameau de l'Oursière ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, verse à la commune de Manigod la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Manigod est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Manigod et au ministre du logement de l'égalité des territoires et de la ruralité. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

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N° 15LY01130

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01130
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-001-01-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles générales d'utilisation du sol. Règles générales de l'urbanisme. Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme. Régime issu de la loi du 9 janvier 1985 sur la montagne.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : PHILIPPE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-09-29;15ly01130 ?
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