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29/09/2015 | FRANCE | N°14LY01664

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2015, 14LY01664


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...Tukaevaa demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 16 septembre 2013, par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme lui a refusé l'admission provisoire au séjour en France en qualité de demandeur d'asile.

Par un jugement n° 1301644, en date du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2014, Mme A...Tukaeva, représentée par la SELARL JurisCon

seil, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301644 du 27 mars 2014, du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...Tukaevaa demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 16 septembre 2013, par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme lui a refusé l'admission provisoire au séjour en France en qualité de demandeur d'asile.

Par un jugement n° 1301644, en date du 27 mars 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2014, Mme A...Tukaeva, représentée par la SELARL JurisConseil, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301644 du 27 mars 2014, du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler la décision préfectorale susmentionnée pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, à titre principal, de l'admettre au séjour en France en qualité de demandeur d'asile et de lui permettre de déposer sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande d'admission au séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les droits de plaidoirie, d'un montant de 13 euros ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- le jugement est irrégulier au regard de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, faute de viser la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 sur laquelle il s'est fondé ;

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 15 du règlement Dublin II ;

S'agissant du refus d'admission provisoire au séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- les informations données au préfet n'ont pas été traitées et transmises par une personne dûment habilitée ;

- le refus d'admission provisoire au séjour contesté méconnaît le principe du contradictoire et de l'information loyale ;

- la demande de prise en charge adressée le 20 août 2013 aux autorités espagnoles était irrégulière au regard de l'article 17 §3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, dit " Dublin II " ;

- l'accord donné, le 3 septembre 2013, par les autorités espagnoles à la demande de reprise en charge est entaché d'erreur de droit, l'article 9-4 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ne lui étant pas applicable :

- la France est l'Etat responsable de sa demande d'asile en application de l'article 7 règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 du fait de sa qualité de membre de la famille d'un réfugié au sens de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011, dite directive qualification II ;

- la décision méconnaît l'article 3-2 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, l'article 53-1 de la Constitution ainsi que le dernier alinéa de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les points 15 et 17 du préambule du règlement UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dit " Dublin II " ainsi que l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dit " Dublin II ", dès lors que les membres de sa famille ont le statut de réfugiés en France ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 15 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-245/11 du 6 novembre 2012, du fait de son état de santé et de son état de dépendance vis-à-vis de son fils qui l'héberge ;

- Le refus d'admission provisoire au séjour méconnaît le droit d'asile, dès lors qu'elle a moins de chances d'obtenir l'asile en Espagne qu'en France ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2014, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'éventuelle irrégularité invoquée du jugement attaqué est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;

- sa décision est suffisamment motivée ;

- les personnes qui ont traité les informations disposaient d'une délégation prévue à cet effet et étaient dûment habilitées ;

- la demande de prise en charge adressée le 20 août 2013 aux autorités espagnoles a respecté les conditions réglementaires prescrites à l'article 18 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

- la requérante ne peut pas se prévaloir de l'article 7 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

- les moyens tirés de la violation de la directive n° 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dit " Dublin II " ainsi que des points 15 et 17 du préambule de ce même règlement sont inopérants ;

- le droit d'asile n'a pas été violé dès lors que sa décision avait pour effet de transférer la demande d'asile de la requérante aux autorités espagnoles conformément à la réglementation communautaire ;

- que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 15 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 n'est pas fondé ;

- que sa décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme Tukaevaa été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mai 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/ 2003,

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la directive n° 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ;

- vu l'arrêt C-245/11 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

1. Considérant que Mme Tukaevaressortissante russe d'origine tchétchène née le 11 décembre 1952, est arrivée en France le 22 juillet 2013, selon ses déclarations ; que le 29 juillet 2013, elle a présenté une demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; que par décision du 16 septembre 2013, le préfet du Puy-de- Dôme lui a refusé l'admission provisoire au séjour en tant que demandeur d'asile, sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme Tukaevarelève appel du jugement du 27 mars 2014, par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 septembre 2013 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de l'admettre provisoirement au séjour en France en qualité de demandeur d'asile ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que l'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) " ; que si les visas du jugement attaqué ne font pas mention de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les motifs de ce jugement reproduisent le texte des articles 1er et 3 de cette même loi dont le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait application ; que, dès lors, le jugement attaqué satisfait aux dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

3. Considérant que contrairement aux allégation de MmeB..., les premiers juges se sont prononcés, au considérant 15 du jugement attaqué, sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en ne faisant pas application de l'article 15 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que Mme Tukeavan'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal est entaché d'une omission à statuer ;

Sur la décision de refus d'admission au séjour :

4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats (...) " ;

5. Considérant que le règlement n° 604/2013 (CE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, publié au Journal officiel de l'Union européenne le 29 juin 2013, est entré en vigueur le 20ème jour suivant sa publication au Journal officiel de l'Union européenne, soit le 19 juillet 2013, conformément aux dispositions de son article 49 ; qu'en vertu des dispositions de ce même article, ce règlement n'est applicable qu'aux demandes de protection internationale introduites à partir du premier jour du sixième mois suivant son entrée en vigueur, soit à partir du 1er janvier 2014, et s'applique, à compter de cette même date, à toute requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de demandeurs, quelle que soit la date à laquelle la demande a été faite ; qu'en l'espèce, Mme Tukaevaa formé une demande de protection le 29 juillet 2013 et le préfet du Puy-de-Dôme a présenté une demande aux autorités espagnoles aux fins de prise en charge par ces dernières de la demande d'asile de l'intéressée, le 20 août 2013 ; que, par suite, Mme Tukaevane peut pas utilement se prévaloir du règlement n° 604/2013 (CE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 à l'appui de sa contestation de la décision de refus d'admission provisoire au séjour en France prise à son encontre le 16 septembre 2013 ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

7. Considérant que la décision attaquée par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a refusé l'admission provisoire au séjour de Mme Tukaevasur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est régulièrement motivée en droit par le visa de ces dispositions ; qu'elle est régulièrement motivée en fait par l'indication en particulier que Mme Tukaevaest entrée sur le territoire de l'Union européenne sous couvert d'un passeport russe, revêtu d'un visa délivré par les autorités espagnoles, que, le 3 septembre 2013, les autorités du Royaume d'Espagne, saisies d'une demande de prise en charge de sa demande d'asile en application des dispositions de l'article 9 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, ont donné leur accord à cette prise en charge, qu'elle a été informée dans une langue comprise par elle de cette démarche, des délais prévus par ce même règlement et de ses effets, que dès lors que ses fils ont quitté le domicile familial et la Russie dès 2006, qu'elle-même a vécu l'essentiel de son existence dans la Fédération de Russie, où résident toujours sa mère et son frère, et que son état de santé peut être pris en charge médicalement en Espagne, il n'a pas été décidé de faire application de l'article 15 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et sa demande d'admission au séjour en France au titre de l'asile est rejetée ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus d'admission au séjour doit être écarté ;

8. Considérant qu'en se bornant à soutenir que les informations données au préfet n'ont pas été traitées et transmises par une personne dûment habilitée à cet effet, MmeB..., qui invoque les dispositions inapplicables en l'espèce, du règlement susvisé du 26 juin 2013 et ne se réfèrent à aucune disposition précise des règlements susvisés du 18 février 2003 et du 2 septembre 2003, n'apporte pas les précisions suffisantes permettant d'apprécier le bien-fondé de son moyen ;

9. Considérant que MmeB..., qui a été entendue le 29 juillet 2013, et a pu faire valoir au cours de cet entretien ses arguments en vue de son admission au séjour en France en tant que demandeur d'asile et qui a été informée, le 3 septembre 2013, dans une langue qu'elle comprend, que les autorités espagnoles, qui étaient susceptibles d'être responsables de l'examen de sa demande d'asile du fait de la délivrance d'un titre de séjour ou d'un visa, avaient été saisies d'une demande de prise en charge, n'indique en tout état de cause pas en quoi elle n'aurait pas reçu une information loyale de la part des services préfectoraux et le principe du respect du contradictoire aurait été méconnu, alors qu'elle a pu utilement faire valoir ses observations, par courrier du 13 septembre 2013, par lequel elle a en particulier affirmé n'avoir jamais sollicité de visa auprès des autorités espagnoles et indiqué, certificat médical à l'appui, souffrir d'une affection faisant obstacle à ce qu'elle puisse vivre seule en Espagne et exigeant son maintien en France auprès de son fils, réfugié dans ce pays ; qu'à supposer que Mme Tukaeva entende se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, en vertu de leurs termes mêmes, ces dispositions ne peuvent pas être utilement invoquées à l'encontre d'une décision d'admission au séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressée ;

10. Considérant que les critères de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile sont définis aux articles 7 à 15 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que, contrairement à ce semble soutenir la requérante, la présence sur le territoire d'un Etat membre des membres de la famille n'est pas un critère prioritaire pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ;

11. Considérant que si les articles 7 et 8 du règlement (CE) n° 343/2003 retiennent comme critère de détermination de l'Etat responsable d'une demande d'asile la qualité de " membre de la famille " du demandeur d'asile, cette notion doit, conformément à ce que spécifie le i) de l'article 2 de ce règlement, s'entendre du conjoint du demandeur, de ses enfants mineurs, du père, de la mère ou du tuteur lorsque le demandeur est mineur et non marié ; qu'il est constant que, du fait de sa situation familiale, la requérante qui est majeure, célibataire et sans enfant, ne répond pas à ces exigences ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 : " L'État membre auprès duquel une demande d'asile a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois après l'introduction de la demande d'asile au sens de l'article 4, paragraphe 2. (...) 3. (...)la requête aux fins de prise en charge par un autre État membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les preuves ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 18, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur d'asile qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier la responsabilité de cet État au regard des critères définis par le présent règlement (...)" ; qu'aux termes de l'article 18 du même règlement : " 1. . L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et doit statuer sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. / 2. Dans le cadre de la procédure de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile prévue dans le présent règlement, des éléments de preuve et des indices sont utilisés. / 3. Conformément à la procédure visée à l'article 27, paragraphe 2, deux listes sont établies et revues périodiquement, indiquant les éléments de preuve et les indices conformément aux critères figurant ci-après. / a) Éléments de preuve / i) Il s'agit de la preuve formelle qui détermine la responsabilité en vertu du règlement, aussi longtemps qu'elle n'est pas réfutée par une preuve contraire. / ii) Les États membres fournissent au comité prévu à l'article 27 des modèles des différents types de documents administratifs, conformément à la typologie fixée dans la liste des preuves formelles. / b) Indices / i) Il s'agit d'éléments indicatifs qui, tout en étant réfutables, peuvent être suffisants, dans certains cas, en fonction de la force probante qui leur est attribuée. / ii) Leur force probante, pour ce qui est de la responsabilité de l'examen de la demande d'asile, est traitée au cas par cas. / 4. L'exigence de la preuve ne devrait pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour la bonne application du présent règlement. / 5. À défaut de preuve formelle, l'État membre requis admet sa responsabilité si les indices sont cohérents, vérifiables et suffisamment détaillés pour établir la responsabilité. (...) " ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du courrier du 20 août 2013 produit au dossier, que le préfet du Puy-de-Dôme a formulé une demande de prise en charge auprès des autorités espagnoles en fondant sa demande sur le 4 de l'article 9 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 et en la motivant par la circonstance que Mme Tukaeva avait obtenu la délivrance d'un visa de la part des autorités consulaires de ce pays ; que les autorités espagnoles ont estimé les indices communiqués suffisants pour leur permettre de vérifier puis d'admettre leur responsabilité dans l'examen de la demande d'asile de l'intéressée ; qu'ainsi, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que la demande transmise aux autorités espagnoles ne répondait pas aux conditions posées par le 3. de l'article 17 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 : " les critères pour la détermination de l'Etat membre responsable qui sont établis s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés (...)" ; qu'aux termes de l'article 7 de ce même règlement : " Si un membre de la famille du demandeur d'asile, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que réfugié dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande d'asile, à condition que les intéressés le souhaitent. " et qu'aux termes de l'article 9 dudit règlement : " 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui a délivré ce visa est responsable de l'examen de la demande d'asile, sauf si ce visa a été délivré en représentation ou sur autorisation écrite d'un autre État membre. Dans ce cas, ce dernier État membre est responsable de l'examen de la demande d'asile. Lorsqu'un État membre consulte au préalable l'autorité centrale d'un autre État membre, notamment pour des raisons de sécurité, la réponse de ce dernier à la consultation ne constitue pas une autorisation écrite au sens de la présente disposition. (...) 4. Si le demandeur est seulement titulaire d'un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis l'entrée sur le territoire d'un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des États membres. / Lorsque le demandeur d'asile est titulaire d'un ou plusieurs titres de séjour périmés depuis plus de deux ans ou d'un ou plusieurs visas périmés depuis plus de six mois lui ayant effectivement permis l'entrée sur le territoire d'un État membre et s'il n'a pas quitté le territoire des États membres, l'État membre dans lequel la demande est introduite est responsable. " ;

15. Considérant que les critères de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile sont définis aux articles 7 à 15 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que, contrairement à ce semble soutenir la requérante, la présence sur le territoire d'un Etat membre des membres de la famille n'est pas un critère prioritaire pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ;

16. Considérant que si l'article 7 du règlement (CE) n° 343/2003 dispose que lorsqu'un membre de la famille a été admis dans un Etat membre en qualité de réfugié, cet Etat est responsable de la demande d'asile présentée par un autre membre de la même famille, si les personnes intéressées le souhaitent, ce critère ne peut viser que les membres de la famille définis au i de l'article 2 de ce règlement et en particulier les parents d'enfants mineurs non mariés ; que le fils de MmeB..., réfugié en France, qui est né le 23 décembre 1986 et est donc majeur, ne figure pas au nombre des membres de la famille mentionnés à l'article 2 ; que Mme Tukaevane saurait utilement se prévaloir sur ce point, des dispositions de l'article 23 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 à l'encontre de la décision contestée, dès lors qu'au 16 septembre 2013, date de la décision en litige, cette directive n'était pas transposée en droit interne et que le délai de transposition, fixé au 21 décembre 2013 par son article 39, n'était pas encore expiré ; qu'il résulte de ce qui précède que la requérante ne peut pas utilement invoquer la violation, par le préfet, de l'article 7 du règlement (CE) n° 343/2003 susmentionné, qui ne lui est pas applicable ; que dès lors qu'il ressort des informations communiquées à la France par les autorités polonaises, le 9 août 2013, que Mme Tukaeva est entrée sur le territoire de ce pays membre de l'Union européenne le 28 juin 2013, sous couvert d'un visa délivré par les autorités espagnoles, ces dernières étaient responsables de l'examen de la demande d'asile de MmeB..., en application de l'article 9 du règlement (CE) n° 343/2003 ; qu'aucune erreur de droit n'a, par suite, été commise ;

17. Considérant il est vrai, que même si le cas de l'intéressée ne relève pas des articles 7 ou 8 du règlement (CE) n° 343/2003, les liens familiaux existant entre elle et les membres de sa famille ayant présenté une demande d'asile en France, peuvent justifier que soit appliquée par les autorités françaises la clause dérogatoire de l'article 3, paragraphe 2 ou la clause humanitaire définie à l'article 15 ; qu'en effet, pour l'application de cet article, la notion de " membres d'une même famille " ne doit pas nécessairement être entendue dans le sens restrictif fixé par le i) de l'article 2 du règlement ; qu'en outre, la mise en oeuvre par les autorités françaises tant de l'article 3, paragraphe 2 que de l'article 15 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution précité ;

18. Considérant qu'aux termes de l'article 53-1 de la Constitution : " La République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées. / Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. " ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 (...) ; / (...) Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° " ; qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l'Etat membre concerné. La demande d'asile est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque Etat membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet Etat devient l'Etat membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe l'Etat membre antérieurement responsable, celui qui conduit une procédure de détermination de l'Etat membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge " et qu'aux termes de l'article 15 du même règlement : "1. Tout Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères définis par le présent règlement, rapprocher des membres d'une même famille, ainsi que d'autres parents à charge pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels. Dans ce cas, cet Etat membre examine, à la demande d'un autre Etat membre, la demande d'asile de la personne concernée. Les personnes concernées doivent y consentir / 2. Lorsque la personne concernée est dépendante de l'assistance de l'autre du fait d'une grossesse ou d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, les États membres laissent normalement ensemble ou rapprochent le demandeur d'asile et un autre membre de sa famille présent sur le territoire de l'un des États membres, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine (...) " ;

19. Considérant que Mme Tukaevafait valoir la présence en France de membres de sa famille, titulaires du statut de réfugié, et notamment de son fils majeur qui prend soin d'elle et dont elle est dépendante dans ses démarches, ainsi que son état de santé qui s'opposerait à ce qu'elle se retrouve isolée en Espagne pour l'examen de sa demande d'asile par ce pays ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que son fils majeur réside en France et bénéficie du statut de réfugié depuis 2009 alors qu'elle n'est entrée sur le territoire français que le 22 juillet 2013, après avoir vécu éloignée des membres de sa famille présents en France et, qu'âgée de soixante ans à la date de la décision en litige, elle ne justifie pas d'une dépendance telle qu'elle s'opposerait à ce qu'elle se rende en Espagne afin de voir sa demande d'asile examinée par les autorités de ce pays ; qu'elle n'établit pas davantage par les pièces médicales produites, qui font état de ce qu'elle était alors en cours de bilan pour la tuberculose pulmonaire dont elle souffrait, que cette affection ne pouvait pas être prise en charge en Espagne ; que dès lors que le maintien en France de Mme Tukaeva n'était pas justifié pour des raisons humanitaires ou familiales, en décidant de ne faire application à MmeB..., ni de la clause dérogatoire prévue au 2 de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, ni de la clause humanitaire définie à l'article 15 de ce même règlement, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-245/11, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

20. Considérant qu'il n'est pas établi que les ressortissants russes d'origine tchétchène ne disposent pas, en Espagne, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de garanties propres à assurer un examen effectif et impartial de leurs demandes d'asile ; que dès lors, la décision refusant l'admission provisoire au séjour en France de Mme Tukaevaau titre de l'asile, au motif que sa demande relevait de la responsabilité des autorités espagnoles, n'a pas porté atteinte au droit d'asile ;

21. Considérant, enfin, qu'un moyen inopérant est un moyen qui, même s'il était fondé, serait sans influence possible sur la solution du litige dans lequel il a été soulevé ; que le refus d'admission au séjour contesté résulte seulement d'une appréciation de la situation de l'étranger demandeur d'asile au regard des cas limitativement énumérés à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles toute personne a droit au respect d'une vie privée et familiale normale, sont par elles-mêmes sans incidence sur l'appréciation portée par le préfet au regard de ces dispositions du code ; que, dès lors, la requérante ne peut pas utilement soutenir à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant de l'admettre provisoirement au séjour le temps de l'instruction de sa demande d'asile sur le fondement de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Tukaevan'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme Tukaevaest rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...Tukaevaet au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

M. Lévy Ben-Cheton, premier conseiller,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

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N° 14LY01664


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01664
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SELARL JUDISCONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-09-29;14ly01664 ?
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