Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des suppléments de contributions sociales mis à sa charge au titre du 1er janvier au 18 mars 2005, et à la charge de M. et MmeC..., au titre du 19 mars au 31 décembre 2005 et de l'année 2006 ;
Par un jugement n° 1004671-1005764 du 20 mars 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 mai 2014 et le 22 décembre 2014, M. A... C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 mars 2014 en tant qu'il a statué sur ses conclusions relatives aux contributions sociales ;
2°) de le décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;
M. A...C...soutient :
- que, durant toute la période en litige, il a exercé son activité professionnelle en Côte d'Ivoire, et non en France ; que dès lors, bien qu'il est constant qu'il avait en France le lieu de son séjour principal, les bénéfices qu'il a retirés de sa double activité de négociant et de représentant en vins ne sauraient être imposables en France, en application des stipulations des articles 3 et 10 de la convention fiscale franco-ivoirienne du 6 avril 1966, dès lors que son activité de commissionnaire, comme celle de négociant en vins, sont exclusivement ivoiriennes ; que les ventes de vins qu'il a ainsi réalisées ont été formées sur le territoire de la Côte d'Ivoire, où ont été délivrées les choses vendues ;
- que son activité professionnelle, qui était connue de l'administration fiscale depuis 1996, ne saurait être qualifiée d'occulte au titre de la période en litige ;
- que le silence, de l'administration, qui n'avait donné aucune suite à sa demande d'informations, constitue une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2014 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par M.C... sont inopérants, dès lors que les contributions sociales, seules contestées dans la présente requête, ont été établies à raison de revenus d'origine indéterminée et de la partie imposable d'une rente viagère, mis en évidence à l'issue d'un examen de la situation fiscale personnelle, et non à raison des bénéfices industriels et commerciaux et bénéfices non commerciaux que le requérant retirait de l'exercice de ses acticités professionnelles ; qu'ainsi, l'ensemble de ses moyens, tirés de l'absence d'établissement stable en France, et de l'absence d'activité occulte, est sans influence sur l'issue du présent litige ;
Par ordonnance du 1er juillet 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2015 ;
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention fiscale du 6 avril 1966 modifiée entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance réciproque en matière fiscale ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
1. Considérant qu'à l'issue d'un examen de leur situation fiscale personnelle, M. C..., pour la période du 1er janvier au 18 mars 2005, puis M. et MmeC..., au titre du 19 mars au 31 décembre 2005 et de l'année 2006, ont fait l'objet de redressements d'impôt sur le revenu à raison d'une part, de revenus d'origine indéterminée, d'autre part de la fraction imposable d'une rente viagère ; qu'à l'issue de cette procédure et au titre de ces mêmes années, ont été en outre mis à la charge respective de ces deux contribuables des suppléments de contributions sociales, établies sur les mêmes bases ; que M. C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1004671-1005764 du 20 mars 2014, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces suppléments de contributions sociales ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le tribunal administratif de Grenoble a été saisi par une requête unique n° 1005764 d'une demande tendant à la décharge de contributions sociales mises à la charge de deux contribuables distincts que sont d'une part, M.C..., seul, du 1er janvier 2005 au 18 mars 2005, veille de son mariage, d'autre part les épouxC..., à compter de cet événement, le 19 mars 2005, et jusqu'au 31 décembre 2006 ; que le tribunal, qui devait inviter les intéressés à régulariser leurs écritures par la production d'une demande distincte pour chacun des foyers fiscaux concernés, ne pouvait statuer comme il l'a fait par un seul jugement, compte tenu de la nature des contributions sociales, sur des conclusions présentées pour des contribuables différents ; que c'est donc irrégulièrement qu'il a statué par un jugement unique sur ces deux demandes ; que dès lors, le jugement attaqué, rendu en méconnaissance de cette règle d'ordre public, doit être annulé dans la limite des conclusions d'appel des requérants ;
3. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, d'une part, de renvoyer M. et Mme C...devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu'il soit statué par jugement distinct sur les conclusions tendant à la décharge des contributions sociales mises à leur charge au titre du 19 mars 2005 au 31 décembre 2005, ainsi que de l'année 2006, d'autre part, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. C...devant le tribunal, tendant à la décharge des contributions sociales auxquelles il avait été personnellement assujetti au titre du 1er janvier au 18 mars 2005 ;
Sur la domiciliation fiscale :
4. Considérant que, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ; qu'il en est ainsi à l'égard de toute convention ayant cet objet, telle que la convention franco-ivoirienne susvisée, alors même qu'elle définit directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application ;
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus " ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l' article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire (...) " ; que, pour l'application des dispositions du paragraphe a) du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;
6. Considérant qu'ainsi qu'il l'admet lui-même dans ses écritures contentieuses, il est constant que M.C... avait, sur l'ensemble de la période en litige, en France son foyer et le lieu de son séjour principal ; qu'il était donc en principe passible de l'impôt sur le revenu en France pour l'ensemble de ses revenus sur le fondement des dispositions précitées des articles 4 A et 4 B du code général des impôts, sauf s'il est établi qu'il avait la qualité de résident ivoirien au sens des stipulations de l'article 2 de la convention fiscale franco-ivoirienne ou si les stipulations de la convention fiscale feraient obstacle à une imposition desdits revenus en France ;
En ce qui concerne l'application de la convention franco-ivoirienne :
7. Considérant que selon les stipulations du 1 de l'article 2 de la convention fiscale franco-ivoirienne du 6 avril 1966 modifiée : " Une personne physique est domiciliée,.au sens de la présente Convention, au lieu où elle a son " foyer permanent d'habitation ", cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites) / (... " ;
8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, il est constant que M. C...avait, durant l'ensemble des années en litige, en France son foyer permanent d'habitation, au sens des stipulations de l'article 2 de la convention bilatérale susvisée ; qu'il soutient toutefois que les revenus professionnels, civils et commerciaux, qu'il retirait de sa double activité de négociant et de représentant en vins, ne pouvaient être imposés en France, où il dit n'avoir disposé d'aucun établissement stable, au sens des articles 3 et 10 de ladite convention ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit, les contributions sociales dont, par la présente requête, il demande la décharge, ont été établies à l'issue d'un examen de la situation fiscale personnelle, à raison de revenus d'origine indéterminée d'une part, et de la fraction imposable d'une rente viagère, d'autre part ; qu'en revanche, ces impositions sont sans rapport avec les bénéfices industriels et commerciaux évalués d'office à l'issue de la vérification de comptabilité dont M. C...a été, en parallèle, l'objet ; que dès lors, le moyen selon lequel il ne disposerait, en France, d'aucun établissement stable pour exercer son activité professionnelle, est dépourvu de la moindre influence sur l'issue du présent litige ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'en l'espèce, les contributions sociales mises à la charge de M. C...au titre de l'année 2005 ont été établies d'office sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 66 du même livre ; que le requérant supporte donc la charge de la preuve de leur exagération ;
10. Considérant que si M. C...prétend qu'une partie des crédits bancaires que l'administration fiscale a regardés comme constituant des revenus d'origine indéterminée, provient en réalité de la vente de vins auprès d'amis, ce qui expliquerait selon lui que les sommes 302,40 euros et 3 130,80 euros aient été encaissées sur des comptes bancaires non professionnels, il ne produit aucun élément de nature à apporter la preuve, qui lui incombe, de la nature et de l'origine de ces encaissements ; qu'il en est de même s'agissant d'un crédit de 683,92 euros, dont il n'établit pas qu'il correspondrait effectivement à un rachat d'assurances Cardif ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration fiscale était fondée à assujettir ces sommes aux contributions sociales ;
Sur le caractère occulte des activités professionnelles en litige :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. " ;
12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 8 du présent arrêt, le moyen selon lequel M. C...conteste que son activité professionnelle aurait été exercée de façon occulte, au sens de l'article 1728 du code général des impôts, est inopérant, à l'appui des présentes conclusions, dirigées contre des contributions sociales sans rapport avec les revenus que M. C...retirait de son activité professionnelle occulte, et qui par conséquent n'ont été ni assorties desdites pénalités, ni été rappelées en vertu du délai de reprise spécial de 6 ans alors prévu en semblable hypothèse, par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander la décharge des impositions contestées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement attaqué, en ce qu'il statue sur les conclusions de la demande n° 1005764 de M.C..., est annulé.
Article 2 : M. et Mme C...sont renvoyés devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu'il soit statué sur leur demande tendant à la décharge des contributions sociales mises à leur charge au titre du 19 mars au 31 décembre 2005, et de l'année 2006.
Article 3 : La demande de M.C..., en ce qu'elle tend à la décharge des contributions sociales mises à sa charge au titre du 1er janvier au 18 mars 2005, est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. A...C...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.
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N° 14LY01645
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