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29/09/2015 | FRANCE | N°14LY00642

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2015, 14LY00642


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés des 10 et 17 février 2014, par lesquels le préfet du Puy-de-Dôme a respectivement décidé de sa remise aux autorités espagnoles et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1400330 du 22 février 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2014, Mm

e A...B..., représentée par la SELARL JudisConseil, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés des 10 et 17 février 2014, par lesquels le préfet du Puy-de-Dôme a respectivement décidé de sa remise aux autorités espagnoles et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1400330 du 22 février 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2014, Mme A...B..., représentée par la SELARL JudisConseil, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400330 du 22 février 2014, du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de lui permettre de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le cadre de la procédure normale d'examen du statut de réfugié ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- il mentionne qu'il a été lu en audience publique le 22 février 2014 alors que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ne tient pas d'audience et est fermé et inaccessible le samedi ;

S'agissant de la décision de remise aux autorités espagnoles :

- le préfet n'établit pas avoir adressé une demande aux fins de prise en charge aux autorités espagnoles, régulière au regard de l'article 17 du règlement Dublin II et de l'article 21 du règlement Dublin III, ni que ces dernières aient donné leur accord ;

- le préfet n'établit pas que les informations dont il dispose auraient été traitées et transmises par une personne dûment habilitée à le faire ;

- elle n'a pas été informée de la procédure engagée auprès des autorités espagnoles aux fins de prise en charge de sa demande d'asile ;

- les dispositions du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne prennent pas en compte le règlement n° 604/2013 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, privent de base légale la décision de remise contestée ;

- elle méconnaît son droit à un recours effectif et suspensif prévu à l'article 27 du règlement n° 604/2013 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- elle méconnaît les 15e et 17e points du préambule ainsi que les articles 7 et 9 du règlement n° 604/2013 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, en vertu desquels la France est l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, dès lors qu'elle est membre de la famille d'un réfugié au sens des points 19 et 36 du préambule et de l'article 23 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 ;

- le préfet aurait dû faire application de l'article 53-1 de la Constitution, de la clause de souveraineté prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ainsi que du dernier alinéa de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît la Convention de Genève et le droit constitutionnel d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- le préfet a commis une voie de fait en exigeant la remise de son passeport sans en justifier ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2014, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la directive n° 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ;

- vu l'arrêt C-245/11 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les conclusions de M. Thierry Besse, rapporteur public,

1. Considérant que Mme B..., ressortissante russe d'origine tchétchène née le 11 décembre 1952, est entrée sur le territoire français le 22 juillet 2013, selon ses déclarations ; que, le 29 juillet 2013, elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès des services de la préfecture du Puy-de-Dôme ; qu'estimant que le traitement de sa demande relevait d'un autre Etat de l'Union européenne, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de l'admettre provisoirement au séjour en France, par décision du 16 septembre 2013 ; que, par arrêté du 10 février 2014, le préfet du Puy-de-Dôme a décidé de remettre l'intéressée aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile ; que, par décision du 17 février 2014, le préfet du Puy-de-Dôme l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département du Puy-de-Dôme, dans l'attente de l'exécution de la décision de remise aux autorités espagnoles ; que Mme B... a contesté les décisions de remise et d'assignation à résidence devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que le magistrat désigné par le président de cette juridiction a rejeté la demande de Mme B... par jugement du 22 février 2014, dont Mme B... relève appel ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-1 du code de justice administrative : " Réserve faite des dispositions applicables aux ordonnances, la décision est prononcée en audience publique. " ; et qu'aux termes de l'article R. 741-2 du même code " (...) La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. " ;

3. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que ce dernier a été lu en audience publique le 22 février 2014 ; qu'en se bornant à alléguer, sans apporter aucun justificatif à l'appui de son affirmation, que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ne tient habituellement pas d'audience le samedi et que ce jour-là la juridiction est fermée au public, Mme B... ne démontre pas que la lecture du jugement attaqué n'est pas effectivement intervenue à la date mentionnée dans le jugement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué n'a pas été lu en audience publique le 22 février 2014 doit être écarté ;

Sur la décision de remise aux autorités espagnoles :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. " ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats. " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 49 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne. / Il est applicable aux demandes de protection internationale introduites à partir du premier jour du sixième mois suivant son entrée en vigueur et s'appliquera, à compter de cette date, à toute requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de demandeurs, quelle que soit la date à laquelle la demande a été faite. La détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite avant cette date se fait conformément aux critères énoncés dans le règlement (CE) n° 343/2003. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui a été publié au Journal officiel de l'Union européenne le 29 juin 2013, est entré en vigueur le 19 juillet 2013 ; qu'en vertu de ce même article, ce règlement n'est applicable qu'aux demandes de protection internationale introduites à partir du 1er janvier 2014 et s'applique, à compter de cette même date, à toute requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de demandeurs, quelle que soit la date à laquelle la demande a été faite ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 17 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 : " L'État membre auprès duquel une demande d'asile a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois après l'introduction de la demande d'asile au sens de l'article 4, paragraphe 2. (...) 3. (...)la requête aux fins de prise en charge par un autre État membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les preuves ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 18, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur d'asile qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier la responsabilité de cet État au regard des critères définis par le présent règlement (...)" ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 20 août 2013, le préfet du Puy-de-Dôme a adressé aux autorités espagnoles une demande de prise en charge de la demande d'asile de Mme B... fondée sur le 4 de l'article 9 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 et en la motivant par la circonstance que Mme B...avait obtenu la délivrance d'un visa de la part des autorités consulaires de ce pays ; que les autorités espagnoles, qui ont estimé les indices communiqués suffisants pour leur permettre de vérifier puis d'admettre leur responsabilité dans l'examen de la demande d'asile de l'intéressée, ont donné leur accord à cette prise en charge le 3 septembre 2013 ; qu'ainsi, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande transmise aux autorités espagnoles ne répondait pas aux conditions posées par le 3 de l'article 17 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, le moyen tiré de l'absence de demande régulière de prise en charge adressée aux autorités espagnoles et de défaut d'accord de ces dernières ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

8. Considérant qu'en se bornant à soutenir que les informations données au préfet n'ont pas été traitées et transmises par une personne dûment habilitée à cet effet, Mme B...n'apporte pas les précisions suffisantes permettant d'apprécier le bien-fondé de son moyen ;

9. Considérant que contrairement aux allégations de la requérante, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la note d'information sur la procédure de réadmission signée par Mme B...le 3 septembre 2013 ainsi que du courrier du 13 septembre 2013, par lequel elle a demandé aux services préfectoraux de faire application de la clause de souveraineté ou de la clause humanitaire prévues par le règlement Dublin II, que Mme B... a été informée, avant l'édiction de la décision attaquée, de ce que le préfet avait adressé aux autorités espagnoles une demande de prise en charge de sa demande d'asile ;

10. Considérant qu'en l'espèce, Mme B...a formé une demande de protection le 29 juillet 2013 et le préfet du Puy-de-Dôme a présenté une demande aux autorités espagnoles aux fins de prise en charge par ces dernières de la demande d'asile de l'intéressée, le 20 août 2013, à laquelle les autorités espagnoles ont répondu positivement le 3 septembre 2013 ; que Mme B... a sollicité, par courrier du 13 septembre 2013, l'application de la clause humanitaire prévue à l'article 15 du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que par décision du 16 septembre 2013, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de faire application de cette clause humanitaire et d'admettre Mme B... au séjour en France en qualité de demandeur d'asile sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en application de l'article 49 précité, Mme B... ne peut pas utilement se prévaloir du règlement n° 604/2013 (CE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 pour contester la décision prise le 16 septembre 2013, par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de l'admettre provisoirement au séjour en France en qualité de demandeur d'asile sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision de remise contestée n'a pas été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

12. Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article 49 du règlement (UE) n° 604/2013, dès lors que Mme B...a déposé sa demande d'asile en France le 29 juillet 2013, soit avant le 1er janvier 2014, elle ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de ce règlement pour contester l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, dont la détermination relevait des critères énoncés par le règlement (CE) n° 343/2003 ;

13. Considérant que la circonstance que la notification de la décision de remise contestée comporterait une mention des voies et délais de recours irrégulière est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 53-1 de la Constitution : " La République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées. / Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. " ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 (...) ; / (...) Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° " ; qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l'Etat membre concerné. La demande d'asile est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque Etat membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet Etat devient l'Etat membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe l'Etat membre antérieurement responsable, celui qui conduit une procédure de détermination de l'Etat membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge " ; qu'aux termes de l'article 15 du même règlement : "1. Tout Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères définis par le présent règlement, rapprocher des membres d'une même famille, ainsi que d'autres parents à charge pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels. Dans ce cas, cet Etat membre examine, à la demande d'un autre Etat membre, la demande d'asile de la personne concernée. Les personnes concernées doivent y consentir / 2. Lorsque la personne concernée est dépendante de l'assistance de l'autre du fait d'une grossesse ou d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, les États membres laissent normalement ensemble ou rapprochent le demandeur d'asile et un autre membre de sa famille présent sur le territoire de l'un des États membres, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine (...) " et qu'aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 (CE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) " ;

15. Considérant que les critères de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile sont définis aux articles 7 à 15 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, la présence sur le territoire d'un Etat membre des membres de la famille n'est pas un critère prioritaire pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ;

16. Considérant que si les articles 7 et 8 du règlement (CE) n° 343/2003 retiennent comme critère de détermination de l'Etat responsable d'une demande d'asile la qualité de " membre de la famille " du demandeur d'asile, cette notion doit, conformément à ce que spécifie le i) de l'article 2 de ce règlement, s'entendre du conjoint du demandeur, de ses enfants mineurs, du père, de la mère ou du tuteur lorsque le demandeur est mineur et non marié ; qu'il est constant que, du fait de sa situation familiale, la requérante qui est majeure, célibataire et sans enfant, ne répond pas à ces exigences ;

17. Considérant il est vrai, que même si le cas de l'intéressée ne relève pas des articles 7 ou 8 du règlement (CE) n° 343/2003, les liens familiaux existant entre elle et les membres de sa famille ayant présenté une demande d'asile en France, peuvent justifier que soit appliquée par les autorités françaises la clause dérogatoire de l'article 3, paragraphe 2 ou la clause humanitaire définie à l'article 15 ; qu'en effet, pour l'application de cet article, la notion de " membres d'une même famille " ne doit pas nécessairement être entendue dans le sens restrictif fixé par le i) de l'article 2 du règlement ; qu'en outre, la mise en oeuvre par les autorités françaises tant de l'article 3, paragraphe 2 que de l'article 15 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution précité ;

18. Considérant que Mme B...fait valoir la présence en France de membres de sa famille, titulaires du statut de réfugié, et notamment de son fils majeur qui prend soin d'elle et dont elle est dépendante dans ses démarches, ainsi que son état de santé qui s'opposerait à ce qu'elle se retrouve isolée en Espagne et dans des conditions d'hébergement précaires pour l'examen de sa demande d'asile par ce pays ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que son fils majeur réside en France et bénéficie du statut de réfugié depuis 2009 alors qu'elle n'est entrée sur le territoire français que le 22 juillet 2013, après avoir vécu éloignée des membres de sa famille présents en France et, qu'âgée de soixante ans à la date de la décision en litige, elle ne justifie pas d'une dépendance telle qu'elle s'opposerait à ce qu'elle se rende en Espagne afin de voir sa demande d'asile examinée par les autorités de ce pays ; qu'elle n'établit pas davantage par les pièces médicales produites, qui font état de ce qu'elle était alors en cours de bilan pour la tuberculose pulmonaire dont elle souffrait, que cette affection ne pouvait pas être prise en charge en Espagne ; que dès lors que le maintien en France de Mme B... n'était pas justifié pour des raisons humanitaires ou familiales, en décidant de ne pas faire application à MmeB..., de la clause humanitaire définie à l'article 15 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-245/11, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

19. Considérant qu'il n'est pas établi que les ressortissants russes d'origine tchétchène ne disposent pas, en Espagne, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de garanties propres à assurer un examen effectif et impartial de leurs demandes d'asile ; que dès lors, la décision de remise de Mme B...aux autorités espagnoles aux fins d'examen par ces dernières de la demande d'asile de l'intéressée n'a pas porté atteinte au droit d'asile ;

20. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

21. Considérant que Mme B...fait valoir qu'elle serait isolée en Espagne, pays dont elle ne parle pas la langue, alors que, vulnérable et fragilisée par sa santé, elle bénéficie en France du soutient et de l'aide de son fils et ses deux belles-filles, titulaires du statut de réfugié ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B...est arrivée en France moins de deux mois avant la décision en litige, après avoir vécu plusieurs années éloignée de son fils présent en France depuis 2009 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé serait incompatible avec un transfert et un hébergement en Espagne ni qu'elle ne pourrait pas être prise en charge médicalement dans ce pays pour soigner la pathologie dont elle est atteinte ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de remise, qui a expressément examiné la situation de l'intéressée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'a pas porté au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B... ;

Sur la décision portant assignation à résidence :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, par dérogation à l'article L. 551-1, dans les cas suivants : (...) / 2° Si l'étranger doit être remis aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ; (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. (...)" ;

22. Considérant que la décision d'assignation à résidence est suffisamment motivée en droit par le visa du 2° de l'article 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en fait par l'indication selon laquelle Mme B...a fait l'objet, le 10 février 2014, d'un arrêté de remise aux autorités espagnoles et que, justifiant d'un hébergement, elle présente des garanties propres à prévenir le risque qu'elle se soustraie à l'exécution de cette décision de remise, laquelle exécution demeure une perspective raisonnable ; qu'elle satisfait ainsi aux exigences de motivation des dispositions précitées de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

23. Considérant que la décision de remise du 10 février 2014, pour l'exécution de laquelle la mesure d'assignation à résidence a été prise, étant légale, cette mesure d'assignation à résidence n'est pas dépourvue de base légale ;

24. Considérant qu'aux termes de l'article R. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 5611, de l'article L. 561-2 (...) peut être tenu de remettre à l'autorité administrative l'original de son passeport et de tout autre document d'identité ou de voyage en sa possession en échange d'un récépissé valant justification d'identité sur lequel est portée la mention de l'assignation à résidence jusqu'à l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. " ;

25. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il peut être fait obligation à un étranger assigné à résidence de remettre sa pièce d'identité à l'autorité administrative ; que, par suite, le préfet du Puy-de-Dôme, en mentionnant dans son arrêté en litige, sans autre précision, que Mme B... devait remettre à l'autorité administrative sa pièce d'identité en application de ces dispositions, n'a pas commis de voie de fait ;

26. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

M. Lévy Ben-Cheton, premier conseiller,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

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N° 14LY00642


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00642
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SELARL JUDISCONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-09-29;14ly00642 ?
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