Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Muriel C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de la décharger des intérêts de retard dont ont été assortis les droits réclamés à la succession de M. D...E..., son père et d'annuler la décision du 19 novembre 2009 par laquelle le conciliateur fiscal de la Savoie a rejeté son recours dirigé contre cette décision.
Par un jugement n° 1000221 du 20 décembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 février 2014, Mme B...C..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 décembre 2013 ;
2°) de la décharger des intérêts de retard mis à sa charge ;
3°) d'annuler la décision portant rejet de sa demande de remise gracieuse des intérêts de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Muriel C...soutient que :
- la décision de l'administration fiscale de ne pas faire droit à sa demande est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où, alors qu'elle était l'interlocutrice principale du vérificateur, elle n'a pas été informée de la suite du redressement en raison du changement d'interlocuteur de l'administration fiscale, ce qui a conduit à des intérêts de retard, que l'administration fiscale était, depuis 2005 en possession de l'ensemble des éléments et qu'elle est de bonne foi ; ces éléments devaient être pris en compte par l'administration pour décider de lui accorder une remise gracieuse de ces intérêts, l'instruction fiscale BOI-CTX-GCX-10-30-30-60-20120912 paragraphe 111430 prévoyant que l'administration doit prendre en compte, outre la situation d'indigence ou de gêne financière du contribuable, les circonstances particulières de l'affaire pour décider d'accorder une telle remise gracieuse ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article 1727 Il 2° du code général des impôts en lui infligeant des intérêts de retard alors qu'elle avait apporté une information transparente et complète à l'administration fiscale dans la déclaration partielle du 31 janvier 2005 qui était exacte ;
- le taux d'intérêt appliqué a été de 0.75 % par mois alors que le décret 2006-356 du 24 mars 2006 l'a réduit à 0.75 % par mois ;
- la procédure de rectification mis en oeuvre n'a pas été régulière, Mme C...n'ayant reçu aucune proposition de rectification, la proposition de redressement n'étant pas suffisamment motivée et le caractère contradictoire de la procédure, impliquant le droit de se faire assister d'un conseil, n'ayant pas été respecté, Mme C...n'ayant appris le redressement qu'au moment de la notification de l'avis de mise en recouvrement alors même qu'elle avait été initialement l'interlocutrice de l'administration fiscale ;
- en raison de l'absence de caractère contradictoire de la procédure de redressement à l'encontre de MmeC..., les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues, alors que les intérêts de retard sont des sanctions pénales ;
- à la date à laquelle Mme C...a reçu l'avis de mise en recouvrement, la prescription était acquise, faisant obstacle à tout redressement, et, par voie de conséquence, au paiement d'intérêts de retard.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés, d'une part, de l'irrégularité du jugement attaqué qui a implicitement rejeté la demande de dégrèvement des intérêts de retard mis à la charge de Mme C...sans soulever l'incompétence de la juridiction administrative et, d'autre part, de l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur une contestation relative à l'assiette et la liquidation d'intérêts de retard afférents à des droits de succession.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant MmeC....
1. Considérant que le 6 septembre 2007, une proposition de rectification a été adressée à M. A...E..., cohéritier avec Mme B...C...de M. D...E..., décédé le 5 janvier 2005, portant sur la rectification de la valeur d'un immeuble ainsi que la taxation d'assurances vie et des comptes bancaires transmis par voie d'héritage ; que le 5 mars 2008, en réponse aux observations présentées par M.E..., l'administration fiscale a décidé de maintenir les rectifications proposées ; qu'un avis de mise en recouvrement a été adressé le 8 décembre 2008 à Mme C...; que le 29 avril 2009, Mme C...a déposé une réclamation qui a conduit l'administration, par décision du 30 juin 2009, a accepté les justifications produites concernant la valeur de l'immeuble ainsi que les comptes bancaires et à maintenir le redressement concernant les assurances vie ; que le 29 juillet 2009, Mme C...a, d'une part, manifesté son accord de principe sur les rectifications maintenues tout en demandant à ce qu'elles soient réduites pour tenir compte d'une erreur dans le calcul des abattements et, d'autre part, demandé la décharge des intérêts de retard mis à sa charge ou, à tout le moins, leur remise gracieuse ; que le 5 août 2009 l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement de 3 400 € en droits et de 311 € en pénalités pour tenir compte de l'erreur de calcul des abattements ; que le 28 septembre 2009, Mme C...a saisi le conciliateur fiscal du département qui a, le 19 novembre 2009, rejeté sa demande de remise gracieuse ; que Mme C...relève appel du jugement du 20 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des intérêts de retard et à l'annulation de cette dernière décision ;
Sur la compétence de la cour administrative d'appel pour statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant rejet de la demande de remise gracieuse :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales : " L'administration peut accorder sur la demande du contribuable ; (...) 2° Des remises totales ou partielles d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent sont définitives ; (...) Les dispositions des 2° et 3° sont le cas échéant applicables s'agissant des sommes dues au titre de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du code général des impôts " ; qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller (...) statue en audience publique et après audition du rapporteur public (...) : / (...) 8° sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse ;(... ) " ; qu'aux termes de l'article R. 811-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif, qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue par cette instance. Toutefois dans les litiges énumérés aux (...) 8° (...) de l'article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 351-2 de ce même code : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire (...)." ;
3. Considérant qu'une partie des conclusions de la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Grenoble tendait à l'annulation de la décision du 19 novembre 2009 par laquelle le conciliateur fiscal de la Savoie a rejeté sa demande de remise gracieuse des intérêts de retard mis à sa charge à la suite du redressement des droits de succession de son père ; qu'en dépit des mentions erronées du courrier par lequel a été notifié le jugement du tribunal administratif de Grenoble, ce jugement, rendu en premier et dernier ressort en ce qui concerne les conclusions en annulation de décisions de refus de remise gracieuse, n'est susceptible d'être contesté que par la voie d'un pourvoi en cassation formé devant le Conseil d'État ; qu'il y a lieu, dès lors, de transmettre lesdites conclusions au Conseil d'État pour poursuivre l'instruction de l'affaire ;
Sur les conclusions aux fins de décharge des intérêts de retard :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales : " (...) En matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de contributions indirectes et de taxes assimilées ces droits, taxes et contributions, le tribunal compétent est le tribunal de grande instance (...) " ;
5. Considérant que Mme C...demande la décharge des intérêts de retard afférents aux suppléments de droits de succession mis à sa charge ; qu'elle soulève ainsi une contestation relative à l'assiette et la liquidation de droits de succession ; que le contentieux fiscal des droits d'enregistrement ressortit, par application des dispositions précitées de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales, à la compétence des juridictions judiciaires ; que, dès lors, les conclusions aux fins de décharge présentées par Mme C...ne sont pas au nombre de celles qui relèvent de la compétence de la juridiction administrative ; qu'il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a implicitement admis la compétence de la juridiction administrative en rejetant implicitement ces conclusions aux fins de décharge de MmeC..., sans soulever d'office l'incompétence de la juridiction administrative ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a implicitement rejeté ces conclusions et, statuant par la voie de l'évocation, de rejeter lesdites conclusions comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme C...la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement n° 1000221 du 20 décembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté la demande de Mme C...tendant à l'annulation de la décision du 19 novembre 2009 par laquelle le conciliateur fiscal de la Savoie a rejeté sa demande de remise gracieuse des intérêts de retard mis à sa charge sont transmises au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le jugement n° 1000221 du 20 décembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme C...tendant à la décharge des intérêts de retard dont ont été assortis les droits réclamés à la succession de M. D...E..., son père.
Article 3 : La demande de Mme C...tendant à la décharge des intérêts de retard dont ont été assortis les droits réclamés à la succession de M. D...E...est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.
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N° 14LY00455