Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...a demandé au Tribunal administratif de Grenoble :
- d'annuler les décisions du 1er août 2014 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination ;
- d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de trente jours à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1500189 du 9 avril 2015, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions et enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 mai 2015, le préfet de l'Isère demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 9 avril 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- M. A...a déclaré au titre de l'année 2013 des revenus de 3 477 euros. Si sa tante a déclaré le prendre en charge, elle ne dispose que de faibles revenus eu égard à la composition de sa famille et il n'est pas établi qu'elle l'héberge.
- son relevé de notes de l'année 2013-2014 montre des résultats insuffisants et le relevé du second semestre mentionne des ajournements et des notes qui n'excèdent pas 5/20. Le Tribunal ne pouvait, comme il l'a fait, se fonder sur des éléments postérieurs à la décision en litige.
- M. A...a suivi des études de première année commune des études de santé, puis s'est réorienté en première année de licence de biochimie et, en 2014-2015, en licence d'informatique. Ces domaines d'études sont sans lien entre eux.
- il résulte de ces éléments que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de renouveler le titre de séjour de l'intéressé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Faessel, président.
1. Considérant que M.A..., né le 4 juin 1991 en Algérie, pays dont il possède la nationalité, entré en France le 13 août 2012, a été admis à y séjourner pour demander l'asile ; que le statut de réfugié lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mai 2013 et par la Cour nationale du droit d'asile le 16 décembre 2013 ; que le 18 mars 2014, M. A... a demandé au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant ; que le 1er août 2014, le préfet lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le préfet fait appel du jugement par lequel, sur la demande de M. A..., le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., célibataire, sans enfant, est entré en France le 13 août 2012 en vue de demander l'asile ; que le statut de réfugié lui a été refusé par l'OFPRA le 31 mai 2013 et par la CNDA le 13 décembre 2013 ; qu'il a suivi sans succès la première année commune des études de santé, puis s'est inscrit en 2013-2014 en première année de licence de biochimie, sans qu'il ait justifié de la validation de cette année d'études le 1er août 2014, date de la décision en litige ; que les réorientations successives des études de l'intéressé, fondées sur des allégations dépourvues de tout fondement, relatives aux perspectives d'emploi qui s'offriraient à lui, interdisent de regarder comme sérieuse sa démarche de formation ; que dès lors, et compte tenu notamment des conditions d'entrée et de la durée du séjour en France de l'intéressé, le refus de titre de séjour en qualité d'étudiant que lui a opposé le préfet de l'Isère ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme procédant d'une appréciation manifestement erronée des conséquences qu'il est susceptible de comporter pour sa situation personnelle ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler ce refus, et les décisions consécutives, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif ;
3. Considérant que toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...en première instance et en appel ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée a été signée par M. Patrick Lapouze, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, lequel, en vertu d'un arrêté préfectoral du 17 avril 2014 régulièrement publié au recueil du mois d'avril 2014 des actes administratifs de la préfecture, disposait d'une délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Isère, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers ; que, dès lors, M. C...était compétent pour signer la décision en litige ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est, en tout état de cause, pas tenu de saisir la commission du titre de séjour d'une demande de titre de séjour portant la mention " étudiant ", prévu par l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant au demeurant que M. A...n'a sollicité un titre de séjour mention " étudiant " que sur le fondement du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, dès lors, le préfet n'avait pas l'obligation de saisir la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit asile ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention " étudiant " ou " stagiaire ". (...) ".
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a déclaré, au titre de l'année 2013, des revenus d'un montant total de 3 477 euros ; que sa tante, qui a attesté le 3 mars 2014 le prendre en charge " pour le logement et la nourriture ", a déclaré pour l'année 2013 des revenus de 2 759 euros, et son mari des revenus de 22 052 euros, alors que leur foyer accueille trois enfants mineurs ; que, dès lors, en estimant que l'intéressé ne justifiait pas de moyens d'existence suffisants, le préfet de l'Isère, qui ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts, n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...). / Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre (...) du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. / Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent. " ;
10. Considérant qu'il est constant que M. A...ne détenait pas, à la date de la décision qu'il conteste, le visa de long séjour exigé par ces stipulations ; que dès lors, c'est à bon droit que le préfet s'est également fondé sur ce motif pour refuser de lui délivrer le certificat de résidence mention " étudiant " qu'il sollicitait ;
11. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
12. Considérant que M. A...fait valoir que son oncle et sa tante vivent en France, où il a noué des relations amicales ; que toutefois, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, le refus de délivrer un titre de séjour à M. A...ne peut être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par les stipulations citées ci-dessus ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
13. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...)" ;
14. Considérant que le 1er août 2014, M.A..., à qui le préfet de l'Isère avait refusé de délivrer un titre de séjour, se trouvait dans le cas prévu par ces dispositions, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
15. Considérant que la décision contestée a été signée par M. Patrick Lapouze, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, qui, en vertu d'un arrêté préfectoral du 17 avril 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du mois d'avril 2014, disposait d'une délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Isère, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers ; que, dès lors, le moyen d'incompétence ne peut qu'être écarté ;
16. Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus, doit être écarté ;
17. Considérant que pour les motifs mentionnés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, la décision faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni n'est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle peut comporter pour sa situation personnelle ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige ;
19. Considérant que le présent arrêt n'impliquant, par lui-même, aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. A...à fin d'injonction doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. A... une somme au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Grenoble du 9 avril 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...A.... Il en sera adressé copie au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2015 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2015.
Le président, rapporteur,
X. FaesselLe président-assesseur,
Ph. Seillet
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 15LY01538
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