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24/09/2015 | FRANCE | N°15LY01168

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 24 septembre 2015, 15LY01168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...veuve E...D...a demandé au Tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions du 18 juillet 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et famil

iale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, ou, à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...veuve E...D...a demandé au Tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions du 18 juillet 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer dans un délai de huit jours une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

Par un jugement n° 1408551 du 19 février 2015, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2015, présentée pour Mme A..., il est demandé à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Lyon du 19 février 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions ci-dessus mentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de dix ans ou, à défaut, un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de droit, le préfet lui ayant opposé l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas applicable aux algériens ;

- le préfet a méconnu les articles 4 et 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, car elle aurait dû obtenir un titre de séjour de même durée que celui de son époux décédé, la fin de la vie commune due au décès ne pouvant y faire obstacle ;

- compte tenu de ses attaches en France, le préfet a méconnu les stipulations des articles 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle compte tenu des motifs pour lesquels elle n'a pu entrer en France qu'après le décès de son mari et de ses liens avec sa belle famille vivant en France ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Mme A...a été régulièrement avertie du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Faessel, président ;

1. Considérant que Mme A..., née le 12 juin 1976, de nationalité algérienne, a épousé en Algérie, le 8 février 2009, M. E...D..., ressortissant de ce pays né le 20 mars 1930, titulaire en France d'un certificat de résidence valable jusqu'au 20 juin 2021 ; que le 15 novembre 2012, le préfet de la Loire a autorisé le mari à introduire son épouse en France au titre du regroupement familial ; que M. E...D...est décédé le 28 novembre 2013 ; que Mme A... est entrée en France le 21 décembre 2013, sous couvert d'un visa délivré au titre du regroupement familial ; qu'elle a sollicité le 23 décembre 2013 un titre de séjour ; que le 18 juillet 2014, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme A... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnelle de croissance ; / 2 - le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. (...) / Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées au Titre II du Protocole annexé au présent Accord. (...) " ;

3. Considérant que le titre II du protocole annexé à l'accord prévoit que : " Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne dans l'intérêt supérieur de l'enfant. (...) " ;

4. Considérant que, le 18 juillet 2014, date de la décision en litige, Mme A..., dont le mari est décédé le 28 novembre 2013, n'avait pas la qualité de conjoint d'un ressortissant algérien ; que par suite, et alors même que son mari avait, de son vivant, été autorisé à lui permettre de le rejoindre en France, le préfet du Rhône ne pouvait, à la date de sa décision, délivrer à l'intéressée un titre de séjour de la même durée que celui qu'avait détenu son mari ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. / Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la demande de titre, l'autorité administrative refuse de l'accorder. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas si un ou plusieurs enfants sont nés de cette union, lorsque l'étranger est titulaire de la carte de résident et qu'il établit contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil. / En outre, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". " ;

6. Considérant que la décision contestée mentionne que la rupture de la vie commune suite au décès de l'époux de Mme A... est antérieure à la délivrance d'un titre de séjour " conformément à l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " ; que ces dispositions ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière complète par l'accord susvisé du 27 décembre 1968 ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas référé à ce texte ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

8. Considérant que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

9. Considérant que Mme A... s'est mariée le 8 février 2009 ; que toutefois, aucun enfant n'est issu de cette union ; que son époux, qui vivait en France, y est décédé le 28 novembre 2013 ; qu'elle-même n'est entrée en France que le 21 décembre 2013 ; que si tous les membres de sa belle-famille résident en France, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident notamment sa mère, une soeur et un frère ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, le refus de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; que, par suite, ce refus n'est pas intervenu en violation des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant enfin que, pour les mêmes motifs, ce refus n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il est susceptible de comporter pour la situation personnelle de la requérante ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. " ;

12. Considérant que le 17 mars 2014, MmeA..., à qui le préfet du Rhône a refusé un titre de séjour, se trouvait dans le cas prévu par ces dispositions, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de lui délivrer un titre de séjour ;

14. Considérant que pour les motifs mentionnés dans le cadre de l'examen de la décision refusant à Mme A... un titre de séjour, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...veuve E...D...et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2015.

Le président, rapporteur,

X. Faessel Le président-assesseur,

Ph. Seillet

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

Le greffier,

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N° 15LY01168

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01168
Date de la décision : 24/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Xavier FAESSEL
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-09-24;15ly01168 ?
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