La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2015 | FRANCE | N°14LY03928

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 24 septembre 2015, 14LY03928


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 septembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1407098 du 17 septembre 2014, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par

une requête, enregistrée le 19 décembre 2014, présentée pour M. C...A..., domicilié..., il est d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 septembre 2014 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1407098 du 17 septembre 2014, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2014, présentée pour M. C...A..., domicilié..., il est demandé à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1407098 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon du 17 septembre 2014 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions en litige sont entachées d'incompétence ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte excessive à son droit de mener une vie privée et familiale normale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la durée de son séjour sur le territoire français et à la présence de sa soeur en France ; ladite décision se trouve entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation et d'une erreur de fait ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est, comme celle fixant son pays de renvoi, illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ; elle est insuffisamment motivée et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation car, résidant en France depuis 2002, il a sollicité à plusieurs reprises son admission au séjour et dispose de garanties de représentation, et il justifie de circonstances exceptionnelles au sens du 13ème alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision ordonnant son placement en centre de rétention est dépourvue de base légale et entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 11 août 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 novembre 2014, du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2015 le rapport de M. Seillet, président-assesseur.

1. Considérant que M. A..., ressortissant algérien né le 20 octobre 1974 à Beni Djellil (Algérie), entré en France le 16 février 2002, selon ses déclarations, a fait l'objet d'un premier refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement, par un arrêté du préfet de police du 29 novembre 2007, dont la légalité a été confirmée par un jugement du 15 avril 2008 du Tribunal administratif de Paris puis par un arrêt du 6 mars 2009 de la Cour administrative d'appel de Paris ; que cette même autorité administrative a, le 2 février 2009, pris à son encontre un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, dont la légalité a été confirmée par un jugement du 4 février 2009 du Tribunal administratif de Paris ; que, par un arrêté du 17 octobre 2012, le préfet de police a rejeté une nouvelle demande de titre de séjour de M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays à destination, arrêté dont la légalité a également été confirmée, respectivement par un jugement du 12 février 2013 du Tribunal administratif de Paris puis par un arrêt du 17 juin 2014 de la Cour administrative d'appel de Paris ; que par des décisions du 11 septembre 2014 le préfet du Rhône, à la suite de l'interpellation de l'intéressé dans le cadre d'un contrôle d'identité, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé son pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure et l'a placé en rétention administrative ; que M. A...fait appel du jugement du 17 septembre 2014 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales ;

2. Considérant que le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré de l'incompétence du signataire de l'ensemble des décisions préfectorales du 11 septembre 2014 en litige doit être écarté pour le motif retenu par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la Cour, d'adopter ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;

4. Considérant que M. A..., à qui la délivrance d'un titre de séjour avait été refusée, en dernier lieu, le 17 octobre 2012, se trouvait ainsi à cette date dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier de la décision préfectorale en litige portant obligation de quitter le territoire français, que le préfet du Rhône, qui a notamment mentionné la situation de célibataire sans charge de famille de M. A..., ainsi que ses attaches en Algérie, ne se serait pas livré à un examen particulier de sa situation et se serait ainsi estimé tenu de l'obliger à quitter le territoire français ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

7. Considérant que M. A... fait état de la durée de son séjour en France depuis son entrée sur le territoire à la date déclarée du 16 février 2002, de son mariage célébré en France le 17 avril 2002, ainsi que ses liens familiaux avec sa soeur, mère de trois enfants, devenue veuve en avril 2014, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans et à laquelle il affirme apporter son soutien ; qu'il fait également état de son hébergement par un cousin du défunt époux de ladite soeur ; que, toutefois, M. A..., célibataire depuis son divorce prononcé le 21 juin 2005, et sans enfant, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays, où il a vécu jusqu'à, au moins, l'âge de 28 ans ; qu'il ne démontre pas non plus que sa présence auprès de sa soeur, qui réside au demeurant à Saint-Chamond (département de la Loire) alors que lui-même déclare être hébergé à Vaulx-en-Velin (département du Rhône), serait indispensable, à supposer même établie la réalité de l'aide qu'il allègue lui apporter ; que, dans ces conditions, et eu égard en particulier aux conditions de la présence en France de l'intéressé, qui déclare lui même s'être maintenu sur le territoire français en méconnaissance de plusieurs décisions préfectorales de refus de titre de séjour et d'éloignement, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A...à mener une vie privée et familiale normale ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ne peut qu'être écarté ; que doivent être également écartés, pour le même motif, les moyens tirés d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'aux termes de l'article du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : ( ...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, en second lieu, que les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés, d'une part, de l'insuffisante motivation de la décision préfectorale du 11 septembre 2014 en litige, dont il ressort de sa lecture que le préfet du Rhône a mentionné que M. A... avait fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement et qu'il n'était pas en mesure de produire un document transfrontière ni de justifier de la réalité de moyens de subsistance et, d'autre part, d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés pour les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la Cour, d'adopter ; que les circonstances dont fait état le requérant ne peuvent être regardées comme particulières pour l'application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision de placement en rétention administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) ) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ;

12. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit que M. A... ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision préfectorale portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision du même jour le plaçant en rétention administrative ;

13. Considérant, en second lieu, que M.A..., démuni de passeport en cours de validité, qui se borne à produire une attestation d'hébergement à Vaulx-en-Velin, au domicile du cousin du défunt époux de sa soeur, ne pouvant constituer la justification d'un domicile personnel et stable, alors au demeurant qu'il a déclaré lors de son audition par les services de police être hébergé chez un beau-frère, et qui s'est soustrait à trois précédentes mesures d'éloignement, ne présentait pas, à la date de la décision préfectorale en litige des garanties de représentation suffisantes ; que le préfet du Rhône n'a, dès lors, pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation sa décision de placement de M. A...en rétention administrative ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2015.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

X. Faessel

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

Le greffier,

''

''

''

''

1

6

N° 14LY03928

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03928
Date de la décision : 24/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BOUILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-09-24;14ly03928 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award