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17/09/2015 | FRANCE | N°14LY02297

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 septembre 2015, 14LY02297


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de La Grand-Croix à lui verser la somme de 180 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices matériel et moral résultant des conséquences de la promesse non tenue de lui vendre le logement situé 65 rue Louis Pasteur à La Grand-Croix et de mettre à la charge de ladite commune une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par

un jugement n° 1203906 en date du 20 mai 2014, le tribunal administratif de Lyo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de La Grand-Croix à lui verser la somme de 180 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices matériel et moral résultant des conséquences de la promesse non tenue de lui vendre le logement situé 65 rue Louis Pasteur à La Grand-Croix et de mettre à la charge de ladite commune une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1203906 en date du 20 mai 2014, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de La Grand-Croix à verser à Mme B...la somme de 46 474,45 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2012, avec capitalisation des intérêts échus à compter du 4 juin 2013, a mis à la charge de ladite commune une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2014, la commune de la Grand-Croix, représentée par la SELARL Environnement Droit Public, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 mai 2014.

Elle soutient que :

- Le litige ne peut être tranché en tenant compte exclusivement du prétendu caractère fautif de l'engagement et non du fait que Mme B...ne se prévaut que de la non-tenue d'un engagement illégal ; le tribunal est allé au-delà de que sollicitait MmeB..., qui se prévalait d'une promesse non tenue et non de son caractère fautif ;

- Mme B...a exécuté des travaux sans autorisation, le permis de construire qui lui avait été accordé ayant été annulé, et ne peut se prévaloir d'un permis de construire illégal ; le courrier du maire du 23 avril 2009 n'autorisait pas la cession de l'immeuble, le maire n'en avait pas compétence, ce courrier doit être analysé comme un acte préparatoire, aucune délibération du conseil municipal n'est intervenue ; il ne ressort d'aucun document l'existence d'un engagement de la commune à vendre le bien à MmeB... ;

- Mme B...recherchait la responsabilité de la commune sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle ; le seul préjudice réparable était celui de l'engagement fautif, or Mme B...ne se prévalait que du préjudice résultant du non-respect d'un engagement illégal ; ce préjudice est sans lien de causalité avec la faute qui aurait été commise en prenant un engagement illégal ; Mme B...ne pouvait rechercher la responsabilité de la commune sur le fondement de la responsabilité contractuelle, un acte illégal n'ayant pu valablement engager la commune ; si le tribunal estimait que la responsabilité de la commune pouvait être recherchée sur le fondement de la promesse non tenue relevant de la responsabilité extracontractuelle, il aurait dû relever que l'engagement en cause était illégal et constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; Mme B...n'établissait pas qu'elle était dans l'impossibilité d'occuper le bien sans procéder aux travaux ni que ceux-ci résultaient directement de la promesse non tenue ; le coût de ces travaux est sans lien de causalité direct avec l'engagement non tenu ;

- Mme B...a refusé de régulariser sa situation, elle se maintient sans titre dans les lieux, et sans verser d'indemnité d'occupation mais demande réparation de préjudices qu'elle estime avoir subis alors que la responsabilité de la commune ne pouvait être engagée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 août 2015 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- les observations de MeC..., représentant la commune de La Grand-Croix ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 1er septembre 2015 présentée pour la commune de Grand Croix.

1. Considérant que la commune de La Grand-Croix relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon, faisant partiellement droit aux conclusions de MmeB..., l'a condamnée à verser à cette dernière une somme de 46 474,45 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2012, avec capitalisation des intérêts à compter du 4 juin 2013, sur le fondement de la responsabilité pour faute ;

Sur l'étendue du litige dont étaient saisis les premiers juges :

2. Considérant que la commune fait grief au jugement d'avoir retenu l'existence d'une faute tenant à un engagement pris par son maire de manière incompétente de céder un bien immobilier à MmeB..., alors que la demanderesse aurait seulement entendu se fonder sur le caractère non tenu de cette promesse ;

3. Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme B...avait également invoqué, dans sa demande comme dans son mémoire en réplique, une faute tenant à l'engagement pris par le maire, lui laissant croire qu'elle pourrait devenir propriétaire, en plus de la faute tenant à la rupture de cet engagement ; que, compte tenu de la teneur de ces écritures, les premiers juges n'ont pas statué ultra petita en retenant l'existence d'une faute entachant l'engagement pris par le maire de la commune, de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ;

4. Considérant que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient la commune, les premiers juges ne font pas découler cette faute de la circonstance que le maire était incompétent pour souscrire l'engagement en cause, la référence à cette incompétence au point 3 du jugement attaqué ayant pour objet de répondre au moyen de défense opposé par la commune de la Grand-Croix tiré de ce qu'il n'existait pas de promesse valablement prise par le conseil municipal ;

Sur l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir été expropriée au profit de la commune de La Grand-Croix dans le cadre d'un projet de rénovation urbaine, Mme B...a été relogée en 2002 par ladite commune dans une maison d'habitation acquise par cette collectivité par exercice de son droit de préemption par décision du 25 février 2002, selon acte de vente du 26 juin 2002 ; que les pièces du dossier, et en particulier le courrier du maire du 23 avril 2009 indiquant qu'il ne sera pas possible de lui céder le bien et que " cette réponse est sans doute tout à fait contraire à ce qui avait pu [lui] être proposé en 2002 ", révèlent l'existence d'un engagement antérieur, pris par le maire, de céder le bien en question à Mme B...qui a sollicité, le 11 juin 2002, un permis de construire en vue d'étendre et d'aménager cette maison ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette promesse aurait été formulée en termes conditionnels ; que la décision de préemption de la commune ayant été contestée par l'acquéreur évincé, ce qui pouvait conduire à ce que l'acquisition de ce bien par la commune soit remise en cause et cette préemption ayant été effectivement annulée par jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 juillet 2005, cette promesse devait être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme fautive ; que le fait que cet engagement émane du maire, alors que seul le conseil municipal est compétent pour décider de la vente d'un bien immobilier communal, s'il a une incidence sur la légalité de cet engagement, n'a pas pour effet de remettre en cause son existence même ; qu'une telle promesse prise par le maire, même en méconnaissance de ses compétences, engage la responsabilité de la commune ;

Sur l'existence d'une faute de MmeB... :

6. Considérant que la commune n'est pas fondée à soutenir que Mme B...a commis une négligence fautive en procédant à des travaux sur le bien qui avait été mis à sa disposition alors que le permis de construire qui lui avait été délivré faisait l'objet d'un recours contentieux, dès lors qu'en l'espèce, alors que cette autorisation d'urbanisme lui avait été délivrée par décision du 16 octobre 2002, le tribunal administratif de Lyon n'a été saisi d'un recours tendant à son annulation que le 28 septembre 2007 ;

7. Considérant qu'en revanche, en faisant procéder à des travaux pour un montant, non contesté, de 46 474,45 euros, avant même qu'un compromis ou qu'une promesse de vente n'aient été conclus, Mme B...doit être regardée comme ayant commis une négligence fautive, responsable à hauteur de 30 % de son propre préjudice ;

Sur le préjudice de Mme B...et le lien de causalité :

8. Considérant, tout d'abord, qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme B...aurait mis en oeuvre les travaux en cause en absence de l'engagement pris par le maire de lui céder le bien immobilier en question ; que, par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que les dépenses engagées par Mme B...sont dépourvues de lien de causalité avec la faute commise par le maire ;

9. Considérant, ensuite, que la commune qui ne se prévaut pas expressément d'une compensation, fait valoir que Mme B...a occupé gratuitement son logement, sans verser de loyer ; que, toutefois, cette circonstance est sans incidence sur l'existence de dépenses dont il est constant qu'elles ont été exposées en pure perte, sur la foi de la promesse ; que cette circonstance est donc sans incidence sur l'existence du préjudice dont le tribunal a indemnisé MmeB... ;

10. Considérant, enfin, que le montant des travaux mis en oeuvre par MmeB..., soit 46 474,45 euros, n'est pas contesté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la part de responsabilité découlant de sa propre négligence, le préjudice indemnisable de Mme B...est de 32 532,11 euros ; que la commune de la Grand-Croix est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser une somme supérieure à ce montant ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la commune de la Grand-Croix a été condamnée à verser à Mme A... B...par le jugement n° 1203906 du tribunal administratif de Lyon du 20 mai 2014 est ramenée à 32 532,11 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1203906 du tribunal administratif de Lyon du 20 mai 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de la Grand-Croix est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de la Grand-Croix et à Mme A...B....

Délibéré après l'audience du 27 août 2015, où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2015.

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N° 14LY00768

N° 14LY02297 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02297
Date de la décision : 17/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-03-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique. Promesses.


Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SARL ENVIRONNEMENT DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-09-17;14ly02297 ?
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