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12/08/2015 | FRANCE | N°13LY02436

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 12 août 2015, 13LY02436


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Mamajah a demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice résultant pour elle de l'interruption illégale d'un chantier de réhabilitation d'une construction existante.

Par un jugement n° 1000626 du 5 juillet 2013 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2013, l'association Mamajah demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement

du tribunal administratif de Grenoble du 5 juillet 2013 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Mamajah a demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice résultant pour elle de l'interruption illégale d'un chantier de réhabilitation d'une construction existante.

Par un jugement n° 1000626 du 5 juillet 2013 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2013, l'association Mamajah demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 juillet 2013 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 228 519 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 février 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient qu'elle a obtenu un permis de construire pour réaliser une ferme d'animation pédagogique par la réhabilitation d'une construction existante ; qu'elle a fait l'objet d'un procès verbal d'infraction pour divers travaux de terrassement en violation du plan de prévention des risques, pour des constructions sans autorisation ou en méconnaissance de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme et de nature à porter atteinte à la sécurité publique ou au caractère rural du secteur, suivi d'un arrêté interruptif de travaux en date du 6 août 2007 ; que le tribunal a suspendu cet arrêté par une ordonnance du 15 novembre 2007 et l'a annulé par un jugement définitif du 3 mars 2008 ; qu'il y a faute de l'Etat et sa responsabilité est engagée ; qu'elle a été contrainte de rembourser à l'office cantonal de Genève l'acompte dont elle a bénéficié pour la formation de personnes en situation de chômage, interrompue, le contrat ayant repris le 4 février 2008 ; que cette interruption a entraîné pour elle des charges d'exploitation diverses ; qu'elle a subi un préjudice moral et d'image auprès des autorités suisses ou françaises.

Par ordonnance du 4 mars 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public.

1. Considérant que l'association Mamajah, régie par le droit suisse, qui avait obtenu du maire de Magland (Haute-Savoie) un permis de construire daté du 24 janvier 2005 pour la réhabilitation d'une construction existante située sur son territoire, à l'effet d'y installer une ferme d'animation pédagogique, relève appel d'un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 juillet 2013 qui a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à réparer les préjudices résultant pour elle de l'interruption fautive de ce chantier par un arrêté du maire de cette commune du 6 août 2007, pris au nom de l'Etat, suspendu par une ordonnance du 15 novembre 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble et annulé pour différentes illégalités par un jugement, définitif, de ce tribunal du 3 mars 2008 ;

2. Considérant que, comme l'a jugé le tribunal et contrairement à ce que soutient la requérante, les fautes qu'a commises l'Etat en interrompant les travaux entrepris par l'association sont seulement de nature engager sa responsabilité pour la période s'étendant du 6 août 2007, date d'intervention de l'arrêté interruptif, au 15 novembre suivant, date de suspension de cet arrêté ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'association requérante soutient qu'elle aurait perdu le bénéfice de la subvention de 211 575 francs suisses que lui avait accordée l'office cantonal de l'emploi du Canton de Genève en vertu d'une convention conclue le 30 juillet 2007 portant sur la formation de personnes en situation de chômage et qu'elle aurait dû rembourser à cet office l'acompte de 144 885 francs suisses que ce dernier lui avait versé dans ce cadre ; qu'il ne résulte cependant pas de l'instruction que, au cours de la période de près de trois mois durant laquelle le chantier a été interrompu, l'association aurait exposé des frais liés à cette formation ni conservé, même en partie, de tels frais à sa charge ; qu'il apparaît par ailleurs qu'elle a conclu avec l'office de nouveaux contrats, ayant le même objet, pour les périodes du 4 février au 31 décembre 2008 et du 1er au 31 janvier 2009, dont rien au dossier ne permet d'affirmer qu'ils se seraient traduits, pour elle, par une perte financière ; que ce chef de préjudice ne saurait donc donner lieu à réparation ;

4. Considérant, en deuxième lieu que, l'association se plaint de ce qu'elle aurait indûment supporté, du fait de l'interruption du chantier, des charges d'exploitation tenant à des loyers et charges, des frais de bureaux, d'informatique, de cuisine et d'intendance, des honoraires de notaire, d'avocat et d'intervenants externes ainsi que des charges d'amortissement de véhicules, de matériel informatique et bureautique, de cuisine, de mobilier, de machines portatives et d'outillages, de maçonnerie et d'atelier bois, d'engins grue et de containers, d'échafaudage et de matériel de sécurité, se fondant à ce titre sur un rapport de gestion et des extraits de comptabilité analytique de l'exercice 2007 dont elle a rapporté le montant à la période d'interruption durant laquelle le chantier a été interrompu ; qu'il apparaît que ces éléments comptables, qui portent sur toute l'année 2007, intéressent globalement l'ensemble des projets de l'association, notamment d'autres chantiers également en cours en Suisse et que, au cours de l'année 2007, le chantier en cause, avant d'être interrompu, avait lui-même donné lieu à des dépenses ou charges reprises dans la compatibilité, rien dans ces pièces ne permettant de dire que des frais directement et certainement liés à ce chantier auraient été exposés au cours de la période considérée ; que, par ailleurs, la charge résultant des dépenses occasionnées par l'utilisation d'une grue, dont la circulation sur les voies d'accès au chantier compte tenu du surdimensionnement de cette machine et de son caractère inadapté à la présence sur son passage d'ouvrages hydrauliques, avait été interdite par une décision du maire de Magland, le tribunal en ayant confirmé la légalité par un jugement, non contesté, du 11 septembre 2011, ne trouve pas, dans ces conditions, directement son origine dans l'interruption du chantier en cause ; qu'ainsi, faute pour l'association Mamajah d'établir l'existence de charges d'exploitation en lien avéré avec la faute reprochée à l'Etat, les conclusions qu'elle a présentées sur ce point ne sauraient pas plus être accueillies ;

5. Considérant, en troisième lieu, que l'association Mamajah demande réparation du préjudice auquel l'aurait exposée la décision fautive du 6 août 2007, résultant d'une atteinte à son image auprès des autorités suisses et françaises ; qu'il n'apparaît cependant pas que cette faute serait directement à l'origine d'un tel préjudice, à supposer même qu'il existe, alors que, malgré l'interruption du chantier, l'association a conclu avec l'office cantonal de l'emploi du Canton de Genève de nouveaux contrats pour les périodes du 4 février au 31 décembre 2008 et du 1er au 31 janvier 2009 et que l'absence de poursuite de ces contrats tient, non pas à l'interruption du chantier de réhabilitation de la construction existante, qui a pris fin le 15 novembre 2007, mais, comme le relevait l'office cantonal de Genève dans une lettre du 5 mai 2009, au refus opposé par le maire de Magland le 24 juillet 2007 de délivrer un permis pour l'extension du projet de ferme d'animation pédagogique ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que les différents blocages administratifs dont se plaint l'association, tenant en particulier aux refus de permis du 24 juillet 2007, d'accès d'une grue au chantier, de modification du plan local d'urbanisme afin de lever les obstacles à la poursuite du chantier ou aux contrôles administratifs dont elle aurait été victime, seraient en lien avec la décision fautive du 6 août 2007 ; que les conclusions présentées à cet égard par l'association Mamajah ne peuvent qu'être rejetées ;

6. Considérant en revanche, et en dernier lieu, que la faute dont a été victime l'association, en causant pour des raisons injustifiées une interruption du chantier dont elle avait la charge, l'a exposée à un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en fixant son montant à 3 000 euros, tous intérêts compris à compter du 18 février 2009 ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Mamajah est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice moral qu'elle a subi du fait de l'illégalité fautive de la décision du 6 août 2007 ;

8. Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à l'association Mamajah d'une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, y compris la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 juillet 2013 est annulé en tant que le tribunal a rejeté les conclusions de l'association Mamajah tendant à la condamnation de l'Etat au paiement d'une indemnité en réparation du préjudice moral qu'elle a subi du fait de l'illégalité de la décision du 6 août 2007.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à l'association Mamajah une indemnité de 3 000 euros, tous intérêts compris à compter du 18 février 2009, au titre du préjudice moral qu'elle a subi du fait de la décision fautive du 6 août 2007.

Article 3 : L'Etat versera à l'association Mamajah une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l'association Mamajah est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Mamajah et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2015, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 août 2015.

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N° 13LY002436

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02436
Date de la décision : 12/08/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL ARNAUD BASTID

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-08-12;13ly02436 ?
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