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02/07/2015 | FRANCE | N°13LY02864

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2015, 13LY02864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 29 mai 2013, par lequel le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays à destination duquel il serait éloigné.

Par un jugement n° 1302840, en date du 2 octobre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée par télécopie le 2 novembre 2013 et régularisée le 7 n

ovembre 2013, et un mémoire enregistré par télécopie le 2 avril 2014 et régularisé le 3 avril 2014, M.D...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 29 mai 2013, par lequel le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays à destination duquel il serait éloigné.

Par un jugement n° 1302840, en date du 2 octobre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée par télécopie le 2 novembre 2013 et régularisée le 7 novembre 2013, et un mémoire enregistré par télécopie le 2 avril 2014 et régularisé le 3 avril 2014, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 octobre 2013 ;

2°) d'annuler l'arrêté susvisé du préfet de la Drôme pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de réexaminer sa situation sans délai et de lui délivrer un titre de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler, dès la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un vice d'incompétence, insuffisamment motivées, entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et d'une erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi ont été prises en méconnaissance de son droit à être entendu, reconnu par le droit de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré par télécopie le 12 mars 2014 et régularisé le 27 mars 2014, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire, elle n'est pas entachée d'un vice d'incompétence, elle est régulièrement motivée, ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi, il n'existe aucun doute sur la nationalité kosovare du requérant.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2013.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.C...,

- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public.

1. Considérant que M.D..., ressortissant kosovar né le 7 mars 1980, a fait l'objet, le 29 mai 2013, d'un arrêté du préfet de la Drôme l'obligeant à quitter sans délai le territoire français et désignant le pays de destination à la suite de son interpellation par les services de police dans le cadre d'une infraction au code de la route ; qu'il relève appel du jugement du 2 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé par Mme Charlotte Leca, secrétaire générale de la préfecture de la Drôme, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de la Drôme, par arrêté du 30 août 2012 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, à l'effet de signer notamment tous actes et documents administratifs relevant des services de la préfecture et de la fonction de direction des services déconcentrés de l'Etat, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent ni les obligations de quitter le territoire français ni les décisions fixant le pays de renvoi ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté comme manquant en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) " ;

4. Considérant que la décision faisant obligation à M. D...de quitter le territoire français est régulièrement motivée par le visa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par les précisions apportées par les énonciations de fait mentionnant qu'il a fait l'objet, le 10 juillet 2012, d'un arrêté du préfet de l'Isère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et se maintient en situation irrégulière sur le territoire français, lesquelles permettent de déterminer que le préfet a entendu se fonder sur le 3° du I de l'article L. 511-1 pour faire obligation à M. D...de quitter le territoire français : qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;

6. Considérant que M. D... a fait l'objet d'un arrêté du préfet de l'Isère du 10 juillet 2012, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des motifs de l'arrêté en litige indiquant notamment que l'épouse de M. D...a également fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le 10 juillet 2012, et que le couple et ses quatre enfants peut reconstituer sa cellule familiale au Kosovo, où il ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales, que le préfet de la Drôme a procédé à un examen attentif de la situation personnelle de l'intéressé avant de lui faire obligation de quitter le territoire français ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'en se bornant à soutenir, sans autre précision, qu'il n'a pas été entendu par l'administration avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, M. D...ne justifie pas avoir été empêché de faire valoir des éléments pertinents tenant à sa situation personnelle qui auraient été susceptibles d'influer sur le sens de la décision prise à son encontre ; que, par suite, le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2010, à l'âge de 30 ans ; qu'il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire, le 10 juillet 2012, pris par le préfet de l'Isère à la suite du rejet de sa demande d'asile et s'est depuis lors maintenu irrégulièrement sur le territoire français, sans respecter cette mesure de police administrative ; que son épouse a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 10 juillet 2012, dont la légalité est confirmée ce jour par la Cour de céans ; que M. D...ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière en France ; que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale, composée du couple et de ses quatre enfants mineurs, se reconstitue hors de France, et notamment au Kosovo, pays dont tous les membres du foyer ont la nationalité, où les enfants pourront poursuivre leur scolarité et où il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant encourrait des risques qui ne lui permettraient pas d'y mener une vie privée et familiale normale ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions de séjour de l'intéressé en France et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision contestée n'a pas porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant, en septième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que rien ne s'oppose à ce que les quatre enfants mineurs de M. D...repartent avec leurs parents au Kosovo, où leur scolarité pourra être poursuivie ; que dès lors, le préfet de la Drôme, dont la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants du requérant de leurs parents, n'a pas porté, à l'intérêt supérieur de ces enfants, une atteinte méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant ;

11. Considérant, en huitième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-avant, la décision par laquelle le préfet de la Drôme a fait obligation au requérant de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

12. Considérant, en neuvième lieu, que la décision par laquelle le préfet de la Drôme a désigné le pays à destination duquel M. D...pourrait être éloigné d'office est régulièrement motivée en droit par le visa des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que " l'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ; que cette décision doit être regardée comme régulièrement motivée en fait par l'indication que M. D... est de nationalité kosovare et qu'il pourra être reconduit d'office au Kosovo ;

13. Considérant, en dixième lieu, qu'il résulte de ce qui précède et des autres mentions figurant dans l'arrêté en litige, indiquant en particulier que M. D...n'allègue pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, que le préfet du Rhône a également procédé à un examen de la situation personnelle de M. D... avant de désigner le pays de renvoi ;

14. Considérant, en onzième lieu, que la seule circonstance que M. D...a présenté une demande d'admission au statut d'apatride auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 4 janvier 2013, n'est pas de nature à établir qu'il ne serait pas de nationalité kosovare et aurait la qualité d'apatride ;

15. Considérant, en douzième lieu, qu'en se bornant à évoquer les affrontements survenus au Kosovo en 2004 et " les difficultés actuelles que connaît ce pays ", M. D..., arrivé en France en 2010, n'établit pas l'existence de risques personnels et actuels auxquels il serait exposé en cas de retour au Kosovo ; que, par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet de la Drôme n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.D... ;

16. Considérant, en dernier lieu enfin, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-avant, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'incompétence, a méconnu son droit à être entendu et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. D... n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint audit préfet de délivrer un tel titre de séjour à M. D... doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais exposés en cours d'instance par le requérant soient mis à la charge de l'Etat, qui dans la présente instance, n'est pas la partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Puvost, président,

Mme Mear, président assesseur,

Mme Bourion, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2015.

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N° 13LY02864


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02864
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Dominique PRUVOST
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : ALAMPI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-07-02;13ly02864 ?
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