Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre au titre de l'année 1999, pour la période du 1er octobre au 31 décembre, et au titre des années 2001, 2002 et 2003.
Par un jugement n° 0803420, 1004012 et 1103873 du 29 mars 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 13LY01349 et des mémoires, enregistrés les 29 mai et 31 décembre 2013 et les 5 mai, 24 juillet et 11 septembre 2014, M. et MmeB..., représentés par MeC..., demandent à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2013.
Ils soutiennent que :
- le Tribunal a entaché son jugement de contradiction dès lors qu'après avoir relevé que M. B...n'est plus propriétaire des marques et logos qu'il a cédés à la société de droit britannique Interlicence Distribution Limited, il a fait application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ;
- si M. B...a pu signer certains contrats de licence, il ne ressort pas de l'instruction et l'administration n'apporte pas la preuve d'une rémunération qu'il aurait perçue de la société B...International BV pour des services de représentation ;
- les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, lorsqu'elles restreignent la liberté de circulation des travailleurs ou la libre prestation de services ne sont compatibles avec les stipulations du Traité instituant le Communauté européenne qu'en tant qu'elles font obstacle à de tels comportements ;
- les majorations ne sont pas fondées dès lors que l'intention d'éluder les impositions en France n'est pas démontrée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 décembre 2013 et 18 avril, 21 juillet et 4 septembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le Traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention conclue le 16 mars 1973 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume des Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu sur la fortune ;
- l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques de fabrique ou de commerce du 14 avril 1891, révisé ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bouissac, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public, concluant en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative.
1. Considérant que M. et Mme B...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle à l'issue duquel ils ont été assujettis à des suppléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 1999, pour la période du 1er octobre au 31 décembre, et des années 2001, 2002 et 2003 ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 29 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à obtenir la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R.*194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord au redressement ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la notification de redressement, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de redressement, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement. " ;
3. Considérant que l'article R.* 194-1 du livre des procédures fiscales, en assimilant à une acceptation le silence conservé par le contribuable pendant le délai qui lui est imparti pour répondre à une proposition de rectification, et en lui attribuant dans ce cas la charge d'établir l'exagération de l'imposition, ne fait que tirer les conséquences des dispositions des articles L. 11, L. 54 B et L. 57 du livre des procédures fiscales ; qu'en revanche, en application des mêmes principes, lorsque le contribuable n'a pas accepté les redressements qui lui ont été proposés, il appartient à l'administration d'établir le bien-fondé des impositions qu'elle a mis à la charge du contribuable ;
4. Considérant qu'il est constant que M. et Mme B...n'ont pas accepté les redressements qui leur ont été notifiés ; que, dès lors, l'administration supporte la charge initiale d'établir le bien-fondé des impositions ;
5. Considérant qu'aux termes du I de l'article 155 A du code général des impôts : " Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de Franceen rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie hors de Franceoù elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A " ;
6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts que les prestations dont la rémunération est susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de Francene trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte ;
7. Considérant que pour contester les impositions mises à sa charge sur le fondement des dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts, M. B...soutient qu'il n'était plus propriétaire des marques et logos qu'il a cédés, en vertu de l'acte de cession du 15 décembre 1988, à la société de droit britannique Interlicence Distribution Limited dont il n'avait plus le contrôle, direct ou indirect, et que la cession du droit d'exploiter une marque ou un logo n'a pas constitué une prestation donnant lieu au versement d'une rémunération ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a cédé le 15 décembre 1988 un ensemble de marques et logos "B..." à la société Interlicence Distribution Limited, installée dans les Iles vierges britanniques, laquelle a conclu, le lendemain, un contrat de licence avec la société de droit hollandais B...International BV dont M. B... disposait de la signature pour pouvoir l'engager et signer la plupart des contrats au nom de celle-ci ; que la société B...International BV a conclu, à partir de 1995 des contrats, reconductibles par tacite reconduction, avec diverses sociétés françaises et étrangères les autorisant à exploiter le nom et les logos de la marque B...moyennant le versement de redevances ; que, contrairement à ce que soutient M.B..., le droit d'exploiter son nom ainsi que les logos de sa marque à des fins commerciales constitue une prestation de services ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-3 du code de la propriété intellectuelle applicable aux années d'imposition en litige : " Tout acte modifiant ou transmettant les droits attachés à un dessin ou modèle déposé n'est opposable aux tiers que s'il a été inscrit au registre national des dessins et modèles " ; qu'aux termes de l'article L. 714-7 du même code : " Toute transmission ou modification des droits attachés à une marque enregistrée doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au registre national des marques. " ;
10. Considérant qu'il résulte des constatations opérées par l'administration fiscale auprès de l'institut national de la propriété intellectuelle et de l'office mondial de la propriété intellectuelle que M. B...était, à la date des impositions en litige, propriétaire des marques et logos B...exploités durant les années vérifiées ; que si M. B...soutient qu'il n'est resté titulaire desdites marques qu'en raison des contraintes propres à l'arrangement de Madrid du 14 avril 1891 révisé portant création d'un système international d'enregistrement des marques dispensant les intéressés d'avoir à effectuer autant de dépôts que de pays membres de cet Arrangement dans lesquels ils souhaitent voir leur marque protégée, les Iles vierges britanniques, lieu du siège social de la société Interlicence Distribution Limited dont M. B...détenait, contrairement à ce qu'il soutient, directement 70% de son capital, et qui elle-même détenait indirectement au travers d'une société établie à Curaçao 100% du capital de la société B...International BV, n'étaient pas, à la date de cession des marques, partie à l'Arrangement ; que, par suite, la cession des marques et logos B...à la société Interlicence Distribution Limited était inopposable à l'administration fiscale ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société B...international BV détenait contractuellement tous les droits de licence sur les marques B...à l'exception d'une cession partielle de la marque dite " double cercle " ; que l'administration soutient, sans être contredite, que la société B... international BV n'avait pas d'autre activité que celle de gérer les contrats de licence conclus avec les diverses sociétés françaises et étrangères ; que M. B...n'apporte aucun élément permettant d'établir que la facturation des prestations par la société B...International BV aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre ni que le service ainsi rendu l'aurait été pour le compte de cette société ; que si le requérant soutient que les éléments sur lesquels se fonde l'administration sont, pour la plupart, antérieurs aux années contrôlées, il ne fait état d'aucun élément tendant à démontrer que les documents saisis lors de la visite domiciliaire intervenue au mois de février 2004, relatifs au contrôle des sociétés du groupe, ne correspondraient plus à la réalité ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a regardé l'exploitation à des fins commerciales du nom et des logos de M. B...comme constituant une prestation de services rendue essentiellement par ce dernier et a imposé au nom de M. B...les sommes perçues par la société de droit hollandais en rémunération des services rendus par celui-ci sur le fondement des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ;
12. Considérant que les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts instituent au profit de l'administration une présomption selon laquelle la société étrangère qui perçoit des sommes rémunérant un service rendu en France le fait pour le compte du prestataire ; que, dès lors que les conditions d'application de cet article étaient remplies et qu'il n'est pas contesté que la société B...International BV, dont M. B...assurait le contrôle, a perçu les sommes imposées entre les mains de M. et MmeB..., l'administration n'était pas tenue d'apporter la preuve de l'appréhension desdites sommes par M. B...;
13. Considérant que l'article 155 A précité prévoit, dans des cas limitativement énumérés, de soumettre à l'impôt la rémunération d'une prestation réalisée en France par une personne qui y est domiciliée ou établie hors de Francedomiciliée ou établie hors de France; qu'ainsi, le législateur a entendu mettre en oeuvre l'objectif constitutionnel de lutte contre l'évasion fiscale ; que, pour ce faire, il s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels ; que, toutefois, dans le cas où la personne domiciliée ou établie hors de Franceau contribuable tout ou partie des sommes rémunérant les prestations réalisées par ce dernier, la disposition contestée ne saurait conduire à ce que ce contribuable soit assujetti à une double imposition au titre d'un même impôt ; que, d'une part, si les requérants se plaignent d'une double imposition, il ne résulte pas de l'instruction que les sommes en litige auraient déjà fait l'objet d'une imposition comme revenus de source étrangère ; que, d'autre part, s'agissant d'un contribuable distinct, la circonstance, à la supposer établie, que la société B...Internationale BV aurait déclaré les sommes litigieuses au titre de l'impôt sur les sociétés aux Pays-Bas n'est pas susceptible d'établir l'existence d'une double imposition des sommes en litige ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté. / 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. / 3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique : / a) de répondre à des emplois effectivement offerts ; / b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres ; / c) de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux ; / d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements d'application établis par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre " ; qu'aux termes de l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation. ( ...) " ; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, en premier lieu, qu'une restriction à la liberté de circulation des travailleurs, à la liberté de prestation de services ou à la liberté d'établissement ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité et est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, en deuxième lieu, que la lutte contre l'évasion fiscale est au nombre de ces objectifs légitimes compatibles avec le Traité que les Etats membres peuvent poursuivre et répond à une raison impérieuse d'intérêt général et, en dernier lieu, que, pour ce qui concerne la justification tirée de l'objectif de prévenir l'évasion fiscale, ne peuvent être admises que les restrictions répondant à la nécessité de faire obstacle à des comportements consistant à créer des montages purement artificiels dans le but d'éluder l'impôt dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national ; que, par suite, les dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts, lorsqu'elles restreignent la liberté de circulation des travailleurs ou la liberté de prestation de services, ne sont compatibles avec les stipulations du Traité instituant la Communauté européenne qu'en tant qu'elles font obstacle à de tels comportements ;
15. Considérant, d'une part, que l'application à l'égard de M. B...des dispositions de l'article 155 A n'est pas de nature à restreindre sa liberté de circulation dont il se prévaut sur le fondement de l'article 39 du Traité instituant la Communauté européenne dès lors qu'il n'était pas salarié de la société B...International BV ; que, d'autre part, les dispositions précitées visent uniquement l'imposition des services rendus en France ne trouvant aucune contrepartie réelle dans une intervention propre d'une personne établie ou domiciliée ou établie hors de France; qu'en l'absence, en l'espèce, d'une telle contrepartie permettant de regarder les services concernés comme rendus pour le compte de cette dernière personne, les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ne sauraient porter atteinte ni à la liberté de prestation de services à l'intérieur de la Communauté européenne, ni à la liberté d'établissement ;
Sur les pénalités :
16. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ... " ;
17. Considérant que l'administration, qui fait valoir que M. B...ne pouvait ignorer le caractère imposable des sommes litigieuses imposées entre ses mains et qu'il a cherché à éluder l'impôt en utilisant une société interposée, basée dans un pays à l'étranger, doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée de M. B...de se soustraire à l'impôt sur le revenu et, par suite, du bien-fondé des pénalités correspondantes ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2015 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Bouissac, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2015.
Le rapporteur, Le président,
D. Bouissac F. Bourrachot
Le greffier,
J. Billot
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 13LY01349
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