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09/06/2015 | FRANCE | N°14LY02386

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 09 juin 2015, 14LY02386


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2014, le préfet de la Drôme demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402130 du 22 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 18 mars 2014 par lesquelles il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A...B...et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;

2°) de rejeter la demande de M. B...tendant à l'annulation de ces décisions.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour n'a pas

été prise en méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2014, le préfet de la Drôme demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402130 du 22 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 18 mars 2014 par lesquelles il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A...B...et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;

2°) de rejeter la demande de M. B...tendant à l'annulation de ces décisions.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. B...ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 29 octobre 2014, M. B...conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit fait injonction au préfet de la Drôme de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Sur sa proposition, le rapporteur public, désigné par le président de la cour en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative, a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du même code par le président de la formation de jugement.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les observations de MeC..., représentant M.B....

1. Considérant que M.B..., de nationalité marocaine, né en 1981, s'est marié au Maroc le 1er juillet 2010 avec une Française ; qu'il est entré en France le 2 février 2011 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de Français et a bénéficié de titres de séjour régulièrement renouvelés jusqu'au 23 janvier 2014 ; que les époux s'étant séparés, M. B...a demandé le renouvellement de son titre de séjour en invoquant sa qualité de père d'enfant français ; que, par décisions du 18 mars 2014, le préfet de la Drôme a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressé et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois ; que, par jugement du 22 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions ; que le préfet de la Drôme relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la conditions prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. " et qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. B...a engagé une procédure de divorce en juin 2013 et que, par ordonnance en date du 18 juillet suivant, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valence a dit que l'autorité parentale sur l'enfant, né le 9 avril 2011, serait confiée aux deux parents, que celui-ci aurait sa résidence habituelle chez sa mère, le père pouvant exercer un droit de visite et d'hébergement à l'amiable ou, à défaut d'accord, un week-end sur deux en dehors des congés scolaires, le montant de la pension alimentaire que devait verser M. B...chaque mois étant par ailleurs fixé à 100 euros ; que, si l'intéressé justifie avoir versé 100 euros pour les mois de novembre et décembre 2013, ainsi qu'une somme de 30 euros supplémentaire à la fin du mois de décembre, il ne produit aucun élément probant de nature à démontrer qu'il aurait versé la pension entre la date de séparation du couple et le mois de novembre 2013, les attestations de son ancienne épouse qu'il produit étant contradictoires avec d'autres attestations que cette dernière avait adressées au préfet de la Drôme ; que, si M. B...doit par ailleurs être regardé comme justifiant, par les témoignages et le procès-verbal d'audition dans le cadre de son dépôt de plainte contre son ancienne compagne, qu'il a exercé son droit de visite au cours des vacances de Noël 2013, avant d'en être empêché par son ancienne compagne, il n'apporte aucun élément probant de nature à établir le maintien de liens affectifs pendant la période antérieure ; que, dans ces conditions, M. B... n'établit pas avoir contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis au moins deux ans à la date de la décision de refus de séjour ; que, par suite, le préfet de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler sa décision de refus de séjour ;

4. Considérant toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant la cour et devant le tribunal administratif de Grenoble ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B...doit être regardé comme justifiant avoir versé la pension alimentaire de 100 euros, nonobstant la modicité de ses ressources, pour les mois de novembre et décembre 2013 et avoir exercé à cette période son droit de visite sur sa fille, avant d'être confronté à une opposition de la mère de l'enfant, qui l'a empêché de revoir celle-ci ; que, par ailleurs, M. B...bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel depuis le 2 décembre 2013 et entretenait une relation amoureuse avec une Française depuis novembre 2013 ; que, dans l'ensemble des circonstances de l'espèce, et malgré le caractère récent de cette dernière relation, à la date de la décision litigieuse, et le fait que M. B...n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc, où il a vécu jusqu'à son entrée en France en 2011, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit, pour ce motif, être annulée, ainsi que la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire français ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Drôme n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 18 mars 2014 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions du préfet de la Drôme, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. B...ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. B... ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Drôme et les conclusions aux fins d'injonction de M. B... sont rejetées.

Article 2 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Bouissac, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juin 2015.

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N° 14LY02386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02386
Date de la décision : 09/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : PICCAMIGLIO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-06-09;14ly02386 ?
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